La persistance des déficits budgétaires en Algérie est devenue une source d'inquiétude pour les pouvoirs publics. Pour le ministre des Finances, Karim Djoudi, «il y a bien évidemment une inquiétude et personne ne peut la nier». Une affirmation qui renseigne, on ne peut mieux, sur la situation des finances du pays dans une conjoncture particulière. Cette conjoncture internationale est caractérisée, selon M. Djoudi, par «l'effet de récession qui perdure sur le marché européen, une faible croissance sur le marché américain et une baisse de projection de croissance dans les pays émergents». Des éléments qui confirment encore une fois que les équilibres budgétaires de l'Algérie sont intimement liés au marché pétrolier mondial et à la santé économique de ses partenaires. Ceci est valable pour les recettes des exportations du pays qui ont enregistré durant le premier semestre une baisse de 12% soit 2% en valeur et 10% en volume. Face à cette chute des recettes, Djoudi a relevé une hausse des importations, l'autre source d'inquiétude. «Sur le premier semestre, nous avons une augmentation de nos importations qui trouvent leurs justifications à 10% dans l'importation des biens alimentaires et à 90% dans les biens d'équipements, en produits énergétiques et équipements roulants», ajoute le ministre. Conclusion, «nous avons eu sur le premier semestre une baisse de 50% de notre excédent commercial», rappelle le ministre. La baisse de l'excédent commercial est la parfaite illustration de la hausse des dépenses de l'Etat dopées par la hausse des importations dont un tiers est destiné aux équipements et à l'achèvement des infrastructures de base en cours de réalisation. En 2011 déjà, les voyants étaient au rouge avec en toile de fond les augmentations salariales et les incidences financières de l'application des régimes indemnitaires et des statuts particuliers. Le projet de loi sur le règlement budgétaire pour l'exercice en question, soumis à l'APN, met la lumière sur cette tendance qui commence à menacer les équilibres budgétaires, jusque-là stables. Selon un document diffusé par le ministère des Finances, le déficit budgétaire définitif en 2011 était de 3 994,3 milliards de dinars, comblé par les avoirs du Fonds de régulation des recettes (FRR). Durant l'année 2011, l'Algérie a engrangé des recettes budgétaires de 3 474,1 milliards de dinars et a dépensé 7 468,4 milliards de dinars. Ces chiffres consolidés font ressortir un déficit du Trésor plus important que les recettes ordinaires et fiscales affectées au budget de l'Etat de près de 520 milliards de dinars ajoute le département des Finances. Mais le recours au FRR est devenu systématique à partir de 2006, après avoir été consacré depuis sa création en 2000 à payer par anticipation la dette du pays. Ainsi, selon le ministère, depuis cette date les fonds du FRR ont été destinés à combler le déficit budgétaire. Le département des Finances montre à travers un bilan que les prélèvements sur le FRR se sont poursuivis avec une cadence importante et accélérée. Il a été sollicité pour financer le déficit du Trésor public à hauteur de 91,5 milliards de dinars en 2006, 531,9 milliards en 2007, 758,1 milliards en 2008, 364,2 milliards en 2009, 791,9 milliards en 2010 et de 1 761,4 milliards de dinars en 2011. Cette tendance haussière s'est confirmée en 2012 avec des prélèvements record estimés à 2 283,2 milliards de dinars. M. Djoudi avait évoqué la gestion du FRR expliquant qu'«il a comme seule dépense actuellement la couverture du déficit projeté de l'Etat». Le FRR n'est utilisé qu'une fois les autres moyens de financements épuisés. Le ministre cite notamment «les autres moyens que sont les financements par les circuits du Trésor ou, éventuellement, l'endettement intérieur». Il fera savoir dans le même cadre que le FRR fait partie du programme de contrôle de l'Inspection générale des finances et de la Cour des comptes. Pour les observateurs, cette politique dépensière a montré ses limites d'autant plus que le tissu économique n'arrive toujours pas à satisfaire localement les besoins du marché. En revanche, le gouvernement justifie cette expansion budgétaire par le besoin de soutenir encore la croissance économique à travers les aides à la création d'entreprises et d'emplois. Quoi qu'il en soit, la rationalisation des dépenses publiques devient une nécessité afin de prémunir le pays d'un choc pétrolier ou d'une éventuelle récession de l'économie mondiale dont les effets ne sont plus à démontrer. S. B.