L'ex-président égyptien Hosni Moubarak, délogé du pouvoir par une révolte populaire en 2011 dans le sillage des «printemps arabes», a été condamné hier à trois années de prison, tout comme ses deux fils, pour avoir détourné plus de 10 millions d'euros de fonds publics. Il a été rejugé par un tribunal du Caire, la Cour de cassation ayant ordonné en janvier un nouveau procès après avoir annulé un jugement en première instance qui l'avait déjà condamné à trois années d'emprisonnement. Moubarak, 87 ans, est apparu, aux côtés de ses fils Alaa et Gamal, dans l'habituelle cage renfermant le banc des accusés, tous trois portant un costume civil, contrairement à de précédentes audiences où ils étaient vêtus des uniformes de détenus. En effet, l'ex-Président est théoriquement libre, comme ses fils depuis janvier, parce que leur détention préventive avait atteint la durée maximale. Mais Hosni Moubarak est maintenu sous haute surveillance dans un hôpital militaire du Caire où il était auparavant détenu, en raison de sa santé déficiente officiellement. Il n'était pas clair si les trois hommes seraient de nouveaux arrêtés, et si la nouvelle condamnation, susceptible d'appel, était ou non couverte par leur détention préventive. Moubarak était accusé avec ses deux fils d'avoir détourné plus de 10 millions d'euros, alloués à l'entretien des palais présidentiels. Outre les 3 ans de prison, tous trois ont été condamnés ensemble à payer une amende de 125 millions de livres égyptiennes (environ 15 millions d'euros) et à rembourser à l'Etat 21 millions de livres (2,5 millions d'euros). Le juge du tribunal du Caire a ainsi confirmé pour Moubarak le jugement de première instance en 2014, mais a allégé la sentence pour Alaa et Gamal, qui avaient alors écopé de quatre années de prison. La décision de la Cour de cassation d'annuler le premier jugement est apparue pour les observateurs comme une volonté de réhabiliter l'ex-raïs qui a dirigé l'Egypte d'une main de fer trente années durant. Surtout qu'elle était intervenue deux mois après qu'un tribunal rejugeant Moubarak eut abandonné les accusations de complicité dans le meurtre de 846 manifestants durant la révolte de 2011 alors qu'il avait écopé de la prison à vie dans un premier procès. Au même moment, d'autres tribunaux acquittaient nombre de caciques de son régime ou abandonnaient les accusations dans des affaires de meurtre ou de corruption, alors que l'opposition islamiste et les leaders des mouvements de la jeunesse laïque qui ont mené la révolte de 2011 étaient, eux, lourdement condamnés. Tout cela sous le pouvoir du nouveau président Abdel Fattah al-Sissi, cet ex-chef de l'armée qui a destitué et arrêté en juillet 2013 le président Frère musulman, Mohamed Morsi. Après sa destitution, plus de 1 400 manifestants ont été tués et plus de 15 000 de ses partisans arrêtés, notamment les membres de sa confrérie des Frères musulmans. Des centaines ont été condamnés à mort. Morsi lui-même, comme la quasi-totalité des dirigeants des Frères musulmans, encourt la peine de mort dans divers procès. Il a été déjà condamné à 20 ans de prison pour des violences contre des manifestants. Le régime Sissi populaire pour une grande partie de l'opinion publique égyptienne, est accusé par des organisations internationales de défense des droits de l'Homme d'être encore plus répressif que celui de Moubarak. Pour ce dernier, la Cour de cassation saisie par le parquet général doit avaliser le 4 juin l'abandon des accusations de complicité de meurtre de manifestants en 2011 ou ordonner un nouveau procès. R. I.