La détention préventive est devenue une condamnation préventive, a affirmé, hier, l'avocat et militant des droits de l'Homme, maître Miloud Brahimi, sur les ondes de la Radio nationale. «Invité de la rédaction» de la Chaîne 3, Me Brahimi a déclaré aussi que «la présomption d'innocence n'est pas respecté dans notre pays», relevant que «la détention préventive est un point alarmant, ce qui dans les textes est une exception est devenu le principe. Les textes n'ont pas besoin d'être amendés, ils sont excellents, mais l'application fait défaut. Il faut que nos magistrats soient formés non seulement techniquement, mais moralement aussi pour qu'ils soient conscients des libertés des citoyens». Il a expliqué cette situation par «un état d'esprit» de certains magistrats, qu'il accuse de ne pas faire une lecture correcte du droit. Me Brahimi a révélé que «des personnes sont actuellement détenues depuis de nombreuses années en prison, dans l'attente de leur jugement. C'est une procédure héritée du droit français». L'avocat a déploré également le fait que «le justiciable ait perdu confiance en la justice à causes des dysfonctionnements», et que «la présomption d'innocence soit devenue une présomption de culpabilité. La détention préventive renvoie à des condamnations excessives sans rapport avec l'importance de l'infraction commise», a-t-il expliqué. Le juge a tendance, selon le même intervenant, à condamner pour couvrir la détention préventive. Me Brahimi a aussi appelé à supprimer l'ordonnance de prise de corps, affirmant qu'elle est, elle aussi, «une procédure héritée du droit français et une procédure barbare et même scandaleuse. Le droit français s'en est débarrassé en 2004 et nous, nous continuons à l'appliquer». L'ordonnance de prise de corps consiste à «mettre une personne en liberté provisoire ensuite en détention à la veille de son jugement par le tribunal criminel, ce qui est normal. Par contre ce qui n'est pas acceptable c'est que la cour suprême annule la condamnation des prévenus qui étaient détenus alors qu'ils étaient censés être en liberté provisoire», a-t-il précisé. Quand la justice constate qu'une personne est détenue depuis trop longtemps, elle a tendance à renvoyer cette personne devant le tribunal avant même d'avoir terminé l'instruction dans le but de couvrir cette détention, explique Me Brahimi, alors qu'il serait, selon lui, infiniment plus simple de respecter les droits de gens et respecter l'instruction jusqu'à son terme et de les laisser en liberté jusqu'à ce que les faits qui leur sont reprochés soient confirmés. Il a rappelé par la suite l'affaire Cosider, où des personnes ont été acquittées après quatre ans de détention. Ces derniers ont droit à une réparation matérielle, a-t-il souligné. L'invité de la rédaction dira qu' «on parle tellement de dilapidation de deniers publics. Moi, je parle de dilapidation des libertés des citoyens. La détention préventive est une véritable dilapidation des libertés des citoyens algériens». L'amélioration de la justice va avec l'amélioration des institutions du pays, il est nécessaire de «lancer des cours de formation au profit des magistrats sur le plan juridique, technique, et même politique». L'avocat a indiqué que l'application de la loi sur la dépénalisation de l'acte de gestion connaît plusieurs obstacles. Concernant la corruption, il a fait remarquer que «la corruption est devenu un sport national et même un sport d'élite. Mais la corruption n'est pas spécifique à l'Algérie uniquement, il faut qu'on juge la corruption et qu'on soit très sévère contre le corrompu et le corrupteur». Evoquant la violence, Me Brahimi a affirmé que celle-ci connaît des proportions alarmantes au niveau de la société avec 40 000 cas de violence enregistrés l'année dernière. Il estime à ce sujet que «la violence est consubstantielle à notre société». Condamnant, en particulier, les violences exercées à l'encontre des femmes et des enfants, il affirme se sentir scandalisé et avoir du mépris envers les personnes qui estiment que la femme peut être battue et qu'elle n'est pas l'égale de l'homme. A. K.