Par Noureddine Khelassi «Mise en conformité fiscale». L� ��administration fiscale, auteur de cette formule euphémique, une fois n'est pas coutume, fait ici preuve d� ��ingéniosité sémantique. Le sujet étant délicat, elle évite ainsi de parler de blanchiment officiel d'argent, encore moins d'amnistie fiscale. Mais qu'est-ce qui se cache au juste derrière l'euphémisme de bienséance utilisé par la Direction générale des impôts ? Officiellement, il s'agit d'intégrer dans le système bancaire l� ��argent invisible qui circule dans la sphère économique informelle. Pour atteindre cet objectif, la DGI a mis en place un «Programme de conformité fiscale volontaire». Comprendre donc que les détenteurs de capitaux dont la traçabilité n'est pas connue sont invités à déposer spontanément leur argent à la banque de leur choix. Librement. Sans avoir à répondre sur l'origine des fonds, sauf dans des cas prévus dans le code pénal et relevant notamment du blanchiment et du financement du terrorisme. Les futurs déposants seront soumis alors à une «taxation forfaitaire libératoire» de 7%. Autrement dit, à un prélèvement forfaitaire libératoire qui remplace l'impôt sur le revenu à barème progressif, et dont on s'acquitte à raison des revenus de ses placements. Il est forfaitaire car son taux ne dépend pas du revenu global du contribuable, et donc libératoire car il n'est pas intégré à l'impôt sur le revenu. Pour inciter les détenteurs de fonds fantômes, l'administration fiscale leur laisse assez de temps pour se décider à faire les démarches nécessaires auprès des banques qui ont été instruites pour faire preuve de diligence, de discrétion et d'efficacité. Mais un dead-line est toutefois fixé à fin décembre 2016. A l'issue de cette date- butoir, les détenteurs de capitaux éligibles à la «mise en conformité fiscale» qui n'auraient pas adhéré au programme de légalisation de l'argent informel non criminel, seraient soumis à un régime de sanctions. Le cas échéant, ils subiraient des redressements et auraient également à payer des pénalités. A la base de cette mesure de légalisation de l'argent d'origine inconnue, il y a l'idée de bancariser le maximum de capitaux dormants dans le champ de l'informel, voire sur le marché noir. De rendre cet argent visible pour mieux le soumettre à l'impôt. Et, à terme, ce qui est un objectif stratégique, aboutir à ce que l'économie algérienne ne soit plus duale, avec une activité parallèle et une activité légale. L'objectif étant d'aboutir aussi à ce qu'il n'y ait plus deux cours de change comme c'est le cas depuis des décennies. Il s'agit donc d'une mesure visant à rétablir la confiance entre les possédants d'argent informel et les banques, et, partant, entre des acteurs économiques invisibles et l'Etat. Le gouvernement, sous l'impulsion d'un ministre des Finances volontariste et pragmatique, s'est enfin résolu à prendre une mesure tardive mais réaliste. La démarche peut certes s'apparenter à une amnistie fiscale qui ne voudrait pas dire son nom. Mais il n'y a pas d'autre moyen pour capter un maximum de capitaux oisifs estimés à plusieurs milliards de dollars, soit au moins le tiers du PIB, selon des estimations. Et elle est assez malaisée à mettre en œuvre, dans la mesure où il serait difficile de s'assurer de l'origine non criminelle ou même non frauduleuse de l'argent parallèle. Trop de temps et d'argent auront été perdus avant de se décider à capter la masse gigantesque de capitaux qui ne servaient pas l'économie nationale et qui échappaient à l'impôt. Et on a d'autant plus tardé à le faire qu� ��on a encouragé, d'une manière ou d'une autre, les transactions sans chèque, favorisant ainsi l'économie dite de la «chkara», c'est-à-dire de l'argent en liquide dans des sacs en plastique noir. Sacs noirs comme la couleur de l'économie informelle. Laxiste ou impuissant face à l'élargissement de la sphère de l'informel, le gouvernement actuel y a sa part de responsabilité. Mais il n'est pas le seul responsable. Tous les gouvernements qui l� ��ont précédé depuis des décennies sont responsables ou coupables à des degrés divers. Il était donc temps d'agir pour établir ou rétablir à terme l'équation «un seul Etat, une seule économie». N. K.