Le secteur bancaire officiel doit absorber le secteur souterrain afin d'unifier le marché financier L'«amnistie fiscale» persuadera-t-elle les barons de l'informel de répondre favorablement à l'appel du pied du gouvernement? Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, rencontrera les banquiers demain. Ainsi, à travers le dernier Conseil des ministres, le gouvernement qui sollicite les circuits financiers parallèles, fait un appel du pied aux barons de l'informel. Toutefois, selon des économistes avisés, à l'image de Mohamed Ghernaout, économiste, spécialiste de la finance, «cette mesure a tout l'air d'une amnistie fiscale qui ne dit pas son nom». «Même avec un taux d'intérêt à 25% durant les années 1990, on n'a pas réussi à intégrer les capitaux de l'informel dans le circuit bancaire», a-t-il indiqué. Actuellement, on peut affirmer sans risque de se tromper, que même avec un taux de fiscalisation à 0%, les barons de l'informel ne répondront pas à l'appel du gouvernement car ils sont sûrs qu' «ils vont perdre»: «Ils n'ont pas confiance en le dinar en dépréciation continue face aux principales devises», estime-t-il. «Donc, ils préfèrent continuer à échanger leurs capitaux en devises», ajoute-t-il. De plus, dit-il «la tendance actuelle, chez les détenteurs de l'argent informel, est de transférer leurs capitaux à l'étranger via des transactions immobilières en Espagne et dans d'autres pays». Et en somme, «le manque cruel de visibilité économique, politique en Algérie à moyen et long terme, est un autre facteur de dissuasion pour les barons de l'informel», selon cet économiste, qui souligne que «la lutte contre l'informel, qui doit être structurelle est une autre paire de manches». L'instabilité sociale et politique, ainsi que des changements fréquents de politiques économiques, n'ont pas créé un climat favorable pour installer la confiance. Acculés par l'effondrement des revenus caractérisés par l'accélération de la chute de la fiscalité pétrolière induite par la dégringolade des cours des hydrocarbures, les pouvoirs publics veulent enfin mettre un terme à la dualité financière en vue de drainer les épargnants vers le circuit formel. Le gouvernement tente de capter, via le circuit bancaire quelque 700 à 1000 milliards de dinars en circulation dans la sphère informelle, soit 40% du PIB. Dans sa démarche, il (le gouvernement, Ndlr) propose un processus d'intégration «doux». Il s'agit d'inviter les détenteurs de capitaux informels de placer leur argent «volontairement» dans les banques contre un impôt forfaitaire de 7%. Quoi qu'il en soit, selon des économistes, l'aboutissement de la démarche passe par une réforme approfondie des institutions financières existantes. Et cela revient à le rendre plus efficace et capable de concurrencer le secteur informel sur son propre terrain en adoptant certaines des pratiques qui font sa force. De fait, si cette mesure fonctionnait, le secteur informel n'aurait plus de raison d'être, et il serait alors peut-être intégré progressivement au système financier formel. Pour certains, le secteur bancaire officiel doit absorber le secteur souterrain afin d'unifier le marché financier, pour d'autres il faut développer encore plus le secteur informel, car celui-ci a montré qu'il était plus efficace que le secteur officiel. Dans ce contexte, le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci et le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa ont déjà donné des directives pour inciter les banques à entreprendre des mesures en vue de la diminution de la monnaie fiduciaire de l'informel et son intégration au circuit bancaire. Globalement, la présence d'un secteur informel aux côtés du secteur formel serait la conséquence du sous-développement du secteur bancaire. Dans un système financier où la concurrence est limitée, les banques ressentent moins le besoin de rechercher de nouveaux clients et d'attirer des dépôts. Il semble qu'il y ait un manque de volonté de la part de l'Etat, dont l'économie est peu arrimée au contexte mondial, pour intervenir dans le secteur informel, ce qui expliquerait qu'il perdure. Le secteur financier informel bénéficie indirectement des flux financiers extérieurs via les opérations d'importations tous azimuts. Les nouvelles mesures introduites par la LFC 2015 adoptée mercredi dernier par le Conseil des ministres pour assainir le secteur informel prévoient des incitations pour la mise en conformité fiscale volontaire des personnes physiques non impliquées dans des opérations de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme..