Le grand chaos économique et financier qui secoue toutes les nations ne laisse pas intacte la culture dans toutes ses dimensions. Au niveau des aides publiques, des investissements et de l'innovation, de la production, les industries culturelles connaissent, elles aussi, des réductions, des coupes, des reports, quels que soient les statuts juridiques des opérateurs et des producteurs dans les grands pays industrialisés. Les contestations, les profonds mouvements sociaux, la reprise en main par de puissants syndicats qui étaient plus ou moins en perte de vitesse ont remis avec force les couches moyennes sur le terrain. Celles-ci ont opéré des jonctions avec les salariés, les retraités, les chômeurs et les petits revenus. Les clases moyennes réputées consommatrices de livres, de musique, de ballets, de films, de musées et de théâtre ont vu leur pouvoir d'achat fort réduit. Et s'il y a une baisse de la demande, l'offre économise et s'économise. Si la récession frappe, elle touche directement la production et la consommation de biens culturels. Les industries culturelles dans les pays industrialisés produisent, diffusent, font leur publicité, exportent par le biais de réseaux de PME–PMI, de sous-traitants, de managers, de musiciens, de costumiers, de décorateurs, de créateurs d'affiches, d'infographes, etc. Tout ce monde, dans une économie cohérente, planifiée, travaille en synergie. A la lecture d'une pièce, au début d'un tournage, avant la saison des festivals et des prix, les dates de sorties d'une œuvre sont annoncées des mois, une année, voire deux à l'avance pour pénétrer l'inconscient qui suggère de mettre déjà de l'argent de côté pour. C'est là le côté scientifique et planificateur des industries culturelles qui rayonnent dans le monde et qui rapportent de l'argent. Libérés par le talent et l'esprit d'entreprise, les créateurs, les financiers et les producteurs n'attendent pas uniquement des aides étatiques qui existent en Europe, pour produire. Libérés des tabous religieux, du «politiquement correct», ils s'adressent à une demande étudiée avec méthode, la créent si nécessaire, sentent l'air du temps et les mutations dans la société pour entreprendre, réunir les fonds, les talents, les techniques, l'informatique, l'artisanat, les sites naturels et les espaces adéquats pour hisser leur travail et leur culture au niveau universel et dominant. La chance de l'Algérie, dans la crise mondiale, c'est de ne pas avoir d'industries culturelles, des centaines de sous-traitants, de PME qui risquent d'aller vers la récession et de mettre des gens au chômage ou chez les intermittents du spectacle. La crise ne concerne pas du tout l'Algérie au plan culturel. L'économie réelle, la facture alimentaire, les équipements lourds, les pétards et autres fumisteries sont concernés mais pas les rares salles de cinéma, l'industrie du disque qui tourne en vase clos ; le ciné-club et les concerts locaux ne sont pas touchés, ni de près ni de loin car «la production» culturelle algérienne n'est pas intégrée au monde, même pas au Maghreb ni en Afrique en termes économiques et financiers dans les domaines des exportations hors hydrocarbures et du rayonnement. Faut-il en rire, faut-il en pleurer ? A. B.