«Je pense qu'aucun Algérien n'arrivera à être indemnisé car la procédure est telle qu'il ne sera pas évident de présenter des documents comme preuves, étant donné que les populations étaient essentiellement basées sur l'expression orale. Il faut un changement de personnel au niveau de l'Etat français car il existe des personnes dans l'administration actuelle qui sont impliquées dans les essais nucléaires». C'est en ces termes qu'a commenté Bruno Barillot la loi Morin portant indemnisation des victimes algériennes des essais nucléaires français. Co-fondateur de l'Observatoire des armements (CDRPC) et expert des questions du suivi des conséquences des essais nucléaires, ce dernier s'exprimait à la presse lundi dernier en marge des travaux de ce colloque auquel il a été convié pour une intervention basée sur sa solide expérience. Tout en rappelant que les médecins coopérants avaient continué à travailler sur le sujet jusqu'en 1978, l'expert français s'est dit étonné que ces derniers n'aient jamais communiqué aucun dossier aux autorités algériennes. Il dira tout autant son étonnement du choix même de Reggane comme site d'expérimentation de «Gerboise bleue», étant donné que le sol (qui était à ras) ne s'y prêtait pas. Et de convier les autoritésalgériennes à faire pression sur leurs homologues françaises en vue d'arriver à obtenir réparation. Mais cela est assujetti à l'aboutissement du traité d'amitié et par la reconnaissance par la France de ses responsabilités historiques : «C'est comme cela que l'amitié entre les peuples pourra exister !», ajoute notre interlocuteur qui note que la France estimait tout naturellement à l'époque qu'elle réalisé ces essais «chez elle». «L'Algérie a les moyens diplomatiques même si les relations sont certes très passionnées entre les deux pays. Elle a aussi les moyens matériels et humains (médecins, chercheurs…) Je pense que, côté algérien, il y a une volonté de régler le contentieux du nucléaire en dehors des gesticulations de circonstance.» Ce dernier en veut pour preuves les avancées réalisées en matière de documentation et d'archivage des données et ce, en l'espace de trois ans. Il avait rendu visite à notre pays à l'époque et n'avait pas constaté autant de travail : «Il était plus question de généralités alors qu'entre-temps il y a eu des équipes de médecins qui ont véritablement travaillé sur le terrain. Le dossier est pris sérieusement en charge, alors qu'en Polynésie, il n'y a eu aucune étude sur le sujet en 30 ans.» Cela étant, notre interlocuteur «conseille» les autorités algériennes de «ne pas attendre que l'Etat français daigne ouvrir ses archives et préconise de donner l'importance qu'il faut à tous les témoignages qui peuvent être des éléments de preuve précieux. Il faut attacher de l'importance à toutes les rumeurs existantes. Car, même une étude épidémiologique basée sur 40 000 personnes ne présente pas des résultats pertinents». Dans son intervention en plénière, M. Barillot a estimé qu'il il y a un «besoin urgent» pour la réhabilitation des sites contaminés et propose, pour ce faire, l'élaboration d'un traité franco-algérien qui repose sur les échanges d'informations.