L'Aïd, pratique culturelle, et qui peut être une fête culturelle comme le sont de nombreuses dates du culte chrétien, s'est déroulé exactement comme depuis des années et des années en Algérie. Le rituel a fonctionné sans aucune fausse note, sans le plus minuscule changement, selon ce qui est désormais une culture d'Etat ou plutôt d'absence de l'Etat. Ce dernier, dans de très nombreux pays, dans le respect de ses obligations, de ses missions constitutionnelles et dans le respect absolu des libertés collectives et individuelles, participe de l'enracinement d'une culture au quotidien, dans la vie en commun, qui fédère les diversités politiques, religieuses, sociales, économiques, culturelles. L'Etat génère sans opprimer, alimente et protège la culture forcément diversifiée du vivre ensemble d'une mosaïque d'individus qui pensent différemment qui sont de sexes et d'âges différents, de courants politiques divergents et qui pensent l'avenir chacun à sa manière.D'un responsable politique qui intègre dans son programme, dans son discours et son action cette culture qui rassemble au-delà des différences, on dit que c'est un homme d'Etat. Il transcende les clivages, les contradictions, se pose en arbitre, en recours, au-dessus des groupes, des convictions religieuses en défendant fermement avec courtoisie ses convictions politiques face à celles de ses concurrents libres de s'exprimer.Avec les évolutions et les crises économiques, la chute du Mur de Berlin et la foule de répercussions à tous les niveaux, l'irruption de l'individu comme sujet actif face au pouvoir, les mutations politiques qui imposent de plus en plus la démocratie comme la moins mauvaise gouvernance (alternance, élections libres et honnêtes, place du parlement, pluralisme et libertés médiatiques…), le monde change tous les jours, développant des consensus difficiles, sur la durée, qui en font petit à petit une culture mondiale, certes imposée par les plus puissants (qui sont par ailleurs les pays les plus démocratiques dans leur majorité), mais qui se développe.A ce jour, l'Algérie, au plan culturel le plus basique, celui des loisirs, des espaces adéquates, ne sait toujours pas quel système, quels mécanismes et quelle législation légère mais réellement efficace adopter pour les 15-25 années à venir. L'Etat et ses démembrements veulent tout régenter. En vain. Il suffit de compter les jours, sur une année, où les journaux ne paraissent pas, où les boulangeries, les restaurants, les cafés, les commerces sont fermés, sans l'accord des pouvoirs publics pour mesurer l'absence de l'Etat. Ce dernier subit et se porte «pale» face aux vrais décideurs de ce qu'est la culture du service public, y compris et surtout pour le secteur public. De fait, parallèlement aux discours des gouvernants, la société algérienne s'invente une culture des plus négatives, justement parce que l'Etat qui a la prétention de tout contrôler, de tout initier, de tout financer est de plus en plus léger.Il peut bloquer encore durablement l'ouverture médiatique, l'apparition de théâtres privés d'envergure, l'émergence de véritables associations culturelles indépendantes pour de grands festivals, de grandioses événements. Mais il ne peut pas non plus créer des industries culturelles, des espaces de taille aux normes internationales sur tout le territoire, comme dans la grande URSS. A mi-chemin, au milieu de nulle part, la culture étatique se répète et reconduit les mêmes événements d'année en année. Ils sont reconnaissables car tous, sans exception, sont sous un haut patronage suivi plus bas, en plus petit par le concours de X ou Y et les paraboles, dans leur diversité, font vivre des pluralismes extravertis. A. B.