L'opération de généralisation de la carte d'assurance sociale Chifa à tous les assurés sociaux, à partir du 1er août, suscite des appréhensions, voire le mécontentement des pharmaciens dont certains, approchés hier dans la capitale, ont souligné le manque flagrant d'information chez les malades qui viennent se faire rembourser leurs médicaments. Outre le fait que les patients regrettent l'ancien système. La Caisse nationale d'assurance sociale (Cnas) ne fait pas son travail en termes d'information et de sensibilisation des citoyens sur l'opération de généralisation de la carte Chifa. C'est le constat fait hier par bon nombre de pharmaciens approchés, à Alger, au deuxième jour du lancement de l'opération de généralisation de ce système. Des cartes expirées, d'autres carrément inactives, les carences sont légion et les pharmaciens refusent de porter la responsabilité. «La Cnas n'a pas fait son travail en matière d'information auprès des malades ; nous rencontrons beaucoup de problèmes avec les patients à leur expliquer qu'ils doivent payer les 20% et les tarifs de référence. Pour eux, c'est simple, il suffit de présenter sa carte Chifa et ils ont les médicaments. Ce qui n'est pas le cas. Souvent, nous rencontrons des oppositions», indique une pharmacienne exerçant à Belouizdad. Il y a aussi le fait que les malades refusent de payer la troisième ordonnance. Faute d'un travail d'information en amont, qui incombe à la Cnas, les pharmaciens «encaissent» et payent pour les erreurs et maladresses d'autrui. Une situation qui les incommode et qu'ils rejettent. «Nous ne voulons plus jouer les souffre-douleurs ; les citoyens croient que c'est nous qui leur rendons la tâche difficile, alors que c'est entièrement faux. Nous leur disons qu'il faut voir plutôt du côté de la Cnas», raconte une autre pharmacienne qui accuse la Cnas de tenter de faire accroire aux malades que ce sont les pharmaciens qui créent des problèmes aux patients. «Certains patients se voient signifier à la Cnas que nous, les pharmaciens, faisons tout pour leur mener la vie dure. On leur dit, par exemple, que nous faisons exprès de les envoyer vers le contrôle médical. En quoi cela nous aurait-il servi, sachant que notre but c'est de vendre après tout ?» s'exclame notre interlocutrice. Autre grief retenu contre la Cnas, le manque de lecteurs de carte Chifa. «Nous travaillons avec un seul lecteur, ce qui est insuffisant. Pourtant, nous avons fait une commande auprès de la Cnas il y a quatre mois et, à ce jour, nous n'avons rien reçu», souligne-t-elle. Une vieille dame atteinte d'une maladie chronique se présente à l'officine munie d'une ordonnance. Après un bref moment, le pharmacien lui fait remarquer qu'il a saisi la Cnas afin de lui faire parvenir le tarif de référence d'un des médicaments prescrits sur son ordonnance, sans lequel il lui était impossible de lui vendre le médicament en question. La Cnas lui répond qu'il n'a qu'à consulter la note d'information qui lui a été envoyée. Or, dit-il, aucune note ne lui est parvenue. La vieille, désemparée, lui dit «Que dois-je faire dans ce cas ?» «Je vais encore insister et voir ce que je peux faire pour vous», lui répond poliment le pharmacien. Nos interlocuteurs ont également soulevé un autre problème : les malades ignorent l'obligation de respecter le délai de 48 heures pour se faire rembourser une ordonnance (en ce qui concerne les malades qui ne souffrent pas de maladies chroniques) et celui de 10 jours pour les malades chroniques. «Beaucoup de malades viennent une fois le délai expiré et exigent de nous qu'on leur vende les médicaments. Et quand nous leur faisons savoir que cela est impossible, ils se mettent en colère», ajoutent nos interlocuteurs. Y. D.