Les évènements qui ont secoué plusieurs pays arabes et ayant conduit à la chute de certains régimes autoritaires, dans la plupart des cas, mis en place, depuis plus de 30 ans, ont eu sans nul doute des répercussions économiques aussi bien au niveau local que régional. Les pays arabes, même ceux qui ne sont pas encore touchés par cette révolution, ont vu leurs économies s'effondrer, entraînant, par ricochet, la baisse de l'activité économique au niveau régional, déjà mal en point depuis longtemps pour différentes causes. Les derniers chiffres de certains organismes arabes mettent à nu le revers de la médaille de ce qu'on a qualifié de printemps arabe, même si sur le plan sociopolitique, les revendications ont un seul objectif : consacrer la démocratie et mettre fin à la dictature. Cette situation a même engendré la baisse des échanges commerciaux entre les pays de la région. Déjà faibles, ces échanges vont en diminuant depuis quelques mois. Le projet d'intégration économique maghrébine en gestation depuis de nombreuses années et les échanges interarabes dans le cadre de la Zone arabe de libre-échange (Zale) sont à mettre de côté pour quelques mois encore à la lumière de ce qui se produit. Même sur le marché algérien, certains produits en provenance des pays touchés par la révolte se font rares selon les témoignages des commerçants.L'exemple de la Tunisie est édifiant. En effet, l'activité commerciale de la Tunisie avec les quatre autres pays membres de l'Union du maghreb arabe (UMA) a enregistré une baisse de près d'un cinquième (17,9%) durant les sept premiers mois de l'année, selon les chiffres de l'Observatoire du commerce extérieur cette semaine. Les échanges commerciaux entre la Tunisie et les pays de l'UMA (Libye, Algérie, Maroc et Mauritanie) sont passés de 2,086 milliards de dinars (1,057 milliard d'euros) à 1,713 milliard de dinars (866 millions d'euros). Fin juillet 2011, les exportations tunisiennes vers les pays de l'UMA stagnaient à 1,182 milliard de dinars (596 millions d'euros) contre 1,207 milliard (608 millions d'euros) l'année précédente, soit une baisse de 2%. La valeur des exportations tunisiennes sur le marché libyen, jusqu'à fin juillet 2011, a atteint 584,2 MD (environ 290 millions d'euros). Suivent l'Algérie avec 374,9 MD (environ 185 millions d'euros), le Maroc avec 202,7 MD (environ 100 millions d'euros) et la Mauritanie avec 20,9 MD (environ 10 millions d'euros). Les importations, en chute libre frôlant les 40% pour la même période, sont estimées à 878,8 millions de dinars (445 millions d'euros). En sus de ces chiffres, l'une des aspects ayant subi de plein fouet le revers de la révolution arabe est le transport aérien. Ce créneau qui symbolise sous d'autres cieux l'intensité du volume des échanges commerciaux entre pays a connu des pertes jamais égalées. En effet, le transport aérien a été affecté, dès le début, par la situation de la Tunisie puis de l'Egypte, avec 100 000 sièges de moins par semaine vers ces deux pays. L'instabilité politique qui caractérise actuellement la Libye n'a fait qu'aggraver la situation. Les spécialistes en la matière soutiennent qu'une baisse de 6,2% du nombre de kilomètres par siège disponible a été enregistrée durant cet été. La première compagnie touchée est égyptair, avec 51% de réduction des capacités. Vient ensuite, Emiraties, basée à Dubaï, puis Alitalia. Sur un autre plan, l'organisation onusienne FAO a également indiqué qu'en Libye, l'impact de la crise en cours sur la sécurité alimentaire est source de préoccupations aussi bien pour ce pays que pour ceux limitrophes du fait, à la fois, de la dépendance de cette région des importations céréalières, des perturbations possibles des flux de biens et services et des déplacements de population. «En Libye, la situation pourrait conduire à l'interruption soudaine des importations et à l'effondrement de la filière de distribution interne. L'épuisement des stocks alimentaires et la disparition de la main-d'œuvre rurale sont autant de facteurs qui pourraient, à long terme, nuire gravement à la sécurité alimentaire», explique un expert de la FAO, cité par les agences. Enfin, il y a lieu de rappeler l'impact direct subi par les prix du pétrole et, par ricochet, du marché des produits manufacturés. En effet, le marché n'a fait que réagir à une situation d'instabilité politique et sécuritaire dans un pays «poids lourd» du pétrole. Par ailleurs, des experts soutiennent que les révolutions enregistrées dans certains pays arabes auront, inéluctablement, des conséquences économiques graves sur le monde arabe. L'argument mis en avant est que le monde arabe, même avec la création de cette fameuse Zone arabe de libre-échange, créée pour faciliter la circulation des produits, a raté globalement (en dehors de quelques monarchies du Golfe) la fabuleuse période de croissance de la mondialisation. Jusqu'à décembre 2010, la région frappait par son immobilisme, les réformes structurelles restaient à mi-gué. Cette zone apparaissait comme «pétrifiée», incapable d'imaginer un nouveau modèle de développement lui permettant de sortir de la quasi-stagnation (ou croissance insuffisante) où elle était plongée depuis les années 1980. Face à elle, l'Asie explosait et se révélait la seule région du monde à résister partiellement à la crise. En d'autres termes, l'instabilité politique qui règne actuellement en Syrie, en Libye, en Tunisie et en Egypte a laminé leurs économies déjà fragiles. Jean-François Daguzan, maître de recherche à la Fondation pour la Recherche stratégique et rédacteur en chef de Maghreb-Machrek, a, dans une étude intitulée «Crise dans le monde arabe», indiqué qu'une aggravation du solde commercial de services de -3,63 milliards de dollars, soit 14,1% (hors Syrie, Liban et Palestine) a été enregistrée dans le monde arabe. Il a également constaté une diminution des transferts de revenus de -6,1%, soit 2 milliards de dollars. S. B.