Après la mise en faillite de Lehman Brothers et la vente de Merrill Lynch à la Bank of America pour 50 milliards de dollars, le même jour, soit le fatidique 5 septembre 2008, les réactions se multiplient et les politiques tentent de rassurer l'opinion. Quelques heures plus tard, c'est au tour de l'assureur AIG de rejoindre le cimetière des éléphants. L'Etat américain devient propriétaire à 80% de l'assureur, auquel la Fed accorde un prêt de 85 milliards de dollars. En Europe, c'est déjà la panique : la banque britannique HBOS se sauve en se faisant racheter par Lloyds. Avec quatre jours de baisse consécutive, la Bourse de Paris tombe sous les 4 000 points à la clôture, à son plus bas niveau depuis trois ans. Last but not least. C'est en résumé les premiers exemples de la faillite de certaines banques réputées jadis «solides et crédibles» face aux aléas économiques et financiers. Mais après quelques jours seulement, le nombre de celles ayant déposé leur bilan, ou ayant demandé, et parfois vainement, l'aide et l'intervention de l'Etat, est multiplié par deux, voire trois. Et non seulement les banques, d'autant que cette tempête commençait à avoir l'air contagieux, pour «contaminer» d'autres secteurs. Ni le secteur automobile ni l'industrie lourde n'a échappé à ce tsunami. A combien peut-on estimer le volume total des pertes une année après ? S'il est difficile de quantifier toutes ces pertes, aussi bien financières que patrimoniales, dues aux effets dévastateurs de la crise économique, certains économistes se sont aventurés à en donner quelques chiffres. Certains cabinets d'expertise indiquent qu'en prenant comme base les estimations de la Banque mondiale qui fixe le PIB mondial -c'est-à-dire la richesse créée en un an par l'économie mondiale- à 54 347 milliards de dollars en 2008, le coût de la crise -tel qu'il est possible de l'estimer en mai 2009- se monte d'ores et déjà à 103% du PIB mondial. Donc, le coût global de la fantastique destruction de richesses ne peut, en effet, être, évalué au moins à 55 800 milliards de dollars ! Des chiffres qui donnent le tournis Ce chiffre, qui donne certainement le tournis, pourrait être, selon les économistes, réel si on regarde le nombre important de pays dans lesquels des centaines de grandes entreprises, constructeurs automobiles ont déposé leur bilan, et par ricochet, licencié des milliers d'employés. Le monde est, en effet, confronté à sa plus grave récession depuis la Seconde Guerre mondiale. Et cette crise, contrairement aux précédentes, a touché, ajoutent les spécialistes en la matière, l'ensemble des économies mondiales - développées, émergentes et périphériques- du fait de la densité croissante des interdépendances tissées par la mondialisation depuis plusieurs décennies : ces six derniers mois, le commerce mondial s'effondre de 41% alors que la valeur des exportations étaient passée de 7 à 27% du PIB mondial entre 1960 et 2008. Les économies, connues pour être solides, ont été violemment affectées par cette crise, à l'instar des Etats-Unis qui ont vu la destruction, en un an, de 6 millions d'emplois, l'explosion du chômage en Europe (Espagne : 4 millions, France : 2,5 millions), l'effondrement de la production industrielle et des exportations et la multiplication des fermetures d'usines et plans de licenciement. A titre indicatif, la dette de l'Europe centrale et orientale est aujourd'hui supérieure de 40% à celle de l'Amérique latine et constitue actuellement une vraie bombe à retardement au flanc de l'Europe. Alors que la consommation des ménages baisse sensiblement du fait de la hausse du chômage ou des incertitudes sur l'avenir qui pousse à la reconstitution d'une épargne de précaution, les investissements productifs des entreprises reculent de 22% en Allemagne ou de 12% au Japon et aux États-Unis. La baisse de la consommation et des investissements se traduit mécaniquement dans l'effondrement des exportations (Japon : -46%, Royaume-Uni, France et États-Unis : -22%, Allemagne : -20%). Les pays dans lesquels la contribution du commerce extérieur aux économies est la plus forte sont les premiers frappés (Allemagne, Pays-Bas, Japon, Corée du Sud...). Et si l'on se réfère aux statistiques de l'OCDE, de grandes sociétés sont menacées avec, par exemple, de très graves difficultés des fonds de pension qui assurent l'essentiel des systèmes de retraite en Australie,au Canada, en Islande, au Pays-Bas ou en Suisse. Leurs pertes aux États-Unis sont équivalentes à 22% du PNB et au Royaume-Uni à 31%. Sur 25 000 milliards d'actifs financiers en 2008, 5 000 milliards de dollars sont partis en fumée durant cette année. Plus de 2 500 milliards de dollars de pertes dans le monde arabe Les pays arabes ont eu également leur part de pertes dans cette crise. En plus des projets annulés dans les monarchies du Golfe, le monde arabe a perdu, quelques mois après le déclenchement de la crise, pas moins de 2 500 milliards de dollars. Ce chiffre a été présenté par le chef de la diplomatie koweïtienne, dont le pays avait accueilli, au début de l'année dernière, le sommet économique arabe. «Le monde arabe a perdu 2 500 milliards de dollars pendant les quatre derniers mois», du fait de la crise financière internationale, a dit cheikh Mohammad Sabah al-Salem al-Sabah. Pour ce qui est des projets, les observateurs les plus avertis indiquent que, depuis l'avènement de cette tempête financière, devenue au fil des mois, une crise économique, plus de la moitié des grands projets prévus dans différents pays ont été reportés ou, dans certains cas, annulés. Il s'agit surtout des grands projets d'investissement dans l'immobilier. Le cas des pays membres du Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Qatar, Koweït, Bahreïn, Emirats arabes unis et Oman) est édifiant. En effet, plus de 60% des projets de développement avaient subi le même sort en raison de la crise. Si ces pays, estiment les analystes, sont loin d'être développés, il n'en demeure pas moins que les causes de ces pertes financières faramineuses sont pratiquement les mêmes que celles enregistrées dans d'autres pays tels que les Etats-Unis ou l'Europe. En effet, les principales pertes proviennent, on l'aura compris, de la chute importante des revenus pétroliers. L'autre motif a trait également à la chute des investissements tous azimuts des opérateurs arabes ou, parfois, des Etats à l'étranger. Une chute estimée à 40% de la valeur des 2 500 milliards de dollars des investissements arabes à l'étranger, de la perte de plus de 600 milliards de dollars due à l'effondrement des marchés boursiers. Partout dans le monde, l'industrie automobile est lourdement touchée par les effets de la crise. De la réduction de la production aux licenciements de personnels, en passant par les délocalisations de certaines unités de production dans des zones à bas revenu, ce secteur vit l'une des périodes les plus difficiles. Depuis le début de cette crise, les ventes de voitures neuves ont régressé de 7,8%, avec un plongeon spectaculaire en Espagne, au Royaume-Uni et en Italie. Au Japon, elles ont diminué de 6,5%, se retrouvant au niveau de celui de 1974. Pour le numéro un mondial, Toyota, la baisse atteint 4% au niveau international. Aux Etats-Unis, la chute est brutale, et l'existence même des trois grands constructeurs est menacée. En effet, les trois principaux constructeurs automobiles américains, les «big three», General Motors (GM), Ford et Chrysler, sont en faillite et menacés de disparition. Afin de faire face à cette tempête, plusieurs pays ont élaboré des plans pour mettre fin à cette saignée, et relancer l'activité économique. Si l'Allemagne se cantonnait aux 12 milliards d'euros sur 2 ans seulement, les États-Unis ont fait sortir pas moins de 700 milliards de dollars pour le 1er plan. Sur le Vieux Continent, les dirigeants avaient sorti, dans l'urgence, 200 milliards d'euros. En France, le plan d'aide prévoit 20 milliards d'euros pour le bâtiment et le secteur automobile. En Angleterre, le plan du Premier ministre est unanimement salué avec une baisse de la TVA de 2,5%. Mais en dépit de ces fameux plans, les économistes se demandent si les dirigeants des pays touchés par ladite crise ont fait le bon choix. Pas vraiment, car, une année après, si on ne parle plus de crise financière, il s'agit maintenant de récession de toute l'économie mondiale qui tarde à voir le bout du tunnel. S. B.