Photo : M. Hacène De notre envoyée spéciale à Bejaia Wafia Sifouane Pour le 6ème jour du 3ème Festival international de théâtre à Béjaïa, les scènes du TRB ont témoigné du passage de deux troupes venues de pays voisins du Maghreb, à savoir la Tunisie, représentée par l'Association contre le handicap et le Maroc avec la troupe du théâtre Abâad.Présentée sur les planches de la petite scène du Théâtre régional de Béjaïa, mardi dernier à 16h, la pièce Essaye encore une fois, mise en scène par la tunisienne Saida El Meni, fondatrice de l'association Théâtre contre le handicap après son terrible accident de voiture, se distingue par un langage cru et le jeu remarquable de ses deux comédiens. Inscrite dans le contexte du théâtre de libération qui consiste à éliminer toute forme de censure morale, la pièce relate la rencontre entre Baya et l'avocat Si Tewfik. Baya est une femme trouble, traumatisée lors de son enfance par une mère qui lui faisait subir toutes sortes de tortures. Baya vient d'assassiner son époux pris en flagrant délit d'adultère. Ne sachant plus quoi faire, elle a recours à un avocat assez particulier : Si Tewfik est un personnage grotesque, une image caricaturale de l'homme avec tout ce que cela comporte comme défauts. Obsédé sexuel, mythomane, opportuniste et malhonnête, Si Tewfik a tout pour dégoûter la gente féminine. La rencontre entre ces deux personnages instables est explosive. L'avocat fait la cour à sa cliente, assez maligne pour ne pas tomber dans le piège ; Baya explore en profondeur l'être de Si Tewfik. Entre instants de complicité et rejets entre les deux comédiens, la pièce pose une véritable réflexion sur la situation de la femme dans une société misogyne. Le jeu des comédiens est carrément irréprochable ! Burlesques mais attendrissants, Baya et Tewfik pousseront leurs délires à l'extrême. Les scènes sont osées, un peu trop même, et la langue est populaire, à la limite du trivial. Captivé par ce regard assez loufoque sur la société, le public a longuement applaudi la représentation. Par ailleurs, si les Tunisiens ont joué la carte de l'audace et de l'originalité, la troupe marocaine a opté par un spectacle plat qui ne traduit aucune émotion. En effet, la pièce le Goût de l'argile, adaptée de l'œuvre Une lettre d'amour de l'auteur syrien Alaa Eddine Koukch a étonné par son manque de travail et son sujet dépassé qui traite le thème choc des cultures. Sakhr est un jeune marin issu du pays de la pierre, quant à Marmar, c'est une petite diva issue du pays du marbre. Rien ne prédestinait ces deux êtres que tout sépare à se rencontrer, sauf le naufrage du navire à bord duquel ils se trouvaient. Ce sont les seuls survivants, échoués sur une île déserte. Sakhr est amoureux de Marmar, mais cette dernière refuse l'idée même de se retrouver dans le même espace que le jeune homme. Une image qui traduit plus au moins la situation au Maroc où la classe moyenne est inexistante et où les riches vivent avec les plus démunis. La pièce aurait pu traiter de l'actualité, mais le metteur en scène a opté pour un happy end très prévisible, car à la fin, les deux êtres de pierre et de marbre décident de s'unir et de créer le pays de l'argile, espace de tolérance et de cohabitation pacifique. Au-delà de son message politique, la pièce est une succession de dialogues très lents. Quant aux comédiens qui maîtrisaient mal l'arabe classique, ils donnaient l'impression d'être plutôt en répétition. D'ailleurs, la plupart des spectateurs ont quitté la salle au milieu de la représentation jugée lourde et ennuyeuse. Elle ne sera applaudie que par les amateurs d'histoires à l'eau de rose qui finissent par un happy end style «ils se marièrent, eurent beaucoup d'enfants et vécurent heureux».