«Si les prix du pétrole chutent, ce sera la catastrophe.» L'auteur de cet avertissement n'est pas un vaticinateur et ne s'appelle pas Cassandre. C'est le président de la République. M. Abdelaziz Bouteflika n'avait pas besoin d'être prophète pour célébrer, à Tlemcen, devant des étudiants, le principe de réalité. Celui de rappeler la dangereuse dépendance de l'économie algérienne aux hydrocarbures. Bien sûr, les prix n'ont pas plongé, et il faut tout de même s'en réjouir. Heureusement, ils ont rebondi nettement après être tombés en dessous de 80 dollars du fait de la crise financière mondiale. Les cours ont, en effet, été dopés par le regain de confiance après les multiples interventions des gouvernements européens et américain. Ce qui est de bon augure, car ces impulsions seraient de nature à booster encore les prix. Faut-il pour autant oublier l'extrême fragilité de notre économie, toujours sous perfusion pétrolière et plus que jamais dépendante de la volatilité des cours des hydrocarbures ? Certainement pas. Les propos du chef de l'Etat, réalistes et de bon sens, ont l'effet d'une piqûre de rappel salutaire. Le regain de vitalité du marché pétrolier ne doit pas nous faire oublier, nous Algériens, que nous devons être plus attentifs comme nous ne l'avons jamais été à notre porte-monnaie. A ce propos, un confrère algérien, observateur sagace des soubresauts de la crise, soulignait récemment les vertus de l'usage parcimonieux et vigilant des pétrodollars. C'est même une impérieuse nécessité. Jusqu'ici, nos dirigeants ont eu la sagesse d'engager une politique active de désendettement du pays. Ils ont également géré nos placements à l'étranger comme un paysan algérien épargnant les «sous blancs» pour les «jours noirs». Cette prudence atavique est de bon aloi mais ne constitue pas l'alpha et l'oméga. Ils seraient donc bien avisés de ne pas oublier que les Etats-Unis comme l'Europe solliciteront les pays pétroliers et les puissances émergentes pour relancer la machine économique mondiale. Leur bas de laine, ce formidable matelas de liquidités dont ils disposent, c'est un peu le fromage dans le bec du corbeau qui fait saliver le renard ! Tous ces pays vont donc être conviés, avec insistance, à dépenser plus, à faire exploser leurs carnets de commandes. A aider l'Europe et les Etats-Unis à perdre le moins d'emplois possible. Et, ainsi, préserver chez eux la paix sociale. L'heure n'est donc pas propice aux achats compulsifs, aux appels pressants à sortir le chéquier. Elle serait même à l'installation aux Finances d'un Picsou dont la feuille de route serait de serrer davantage les cordons de la bourse. Et même si les temps de récession et de décroissance sont encore incertains, une politique de rigueur, voire d'austérité, s'impose. Faut-il réduire la dépense publique ? Mettre au frigo certains projets ? Sans décréter un état d'urgence économique, les pouvoirs publics ne deviendraient pas de sitôt des Harpagon s'ils réduisaient le volume des dépenses publiques. Personne ne leur jetterait la pierre s'ils procédaient à des redéploiements budgétaires, à des coupes claires dans certains budgets. Même des esprits chagrins ne trouveraient rien à redire s'ils décidaient de reporter ou d'annuler des projets ne portant pas l'estampille du développement prioritaire et la vertu des plans structurants, à forte valeur économique, sociale et culturelle ajoutée. Nos ancêtres, prévoyants à souhait, faisaient de la gestion préventive et anticipatrice comme M. Jourdain faisait de la prose. Ils étaient en permanence dans l'économie de guerre. L'outil de gestion des rations de guerre et des stocks stratégiques avait la forme d'une énorme jarre. En tamazight, cet instrument de prévoyance s'appelle akoufi. N. K.