De notre envoyé spécial à Tamanrasset Hassan Gherab
A soirée spéciale, menu spécial. Pour le tomber de rideau de la 3ème édition du Festival international Abalessa-Tin Hinan des arts de l'Ahaggar (Fiataa), samedi soir dernier, le programme résumait, à lui tout seul, l'objectif premier du Fiataa, pour ce qui concerne la musique. La tradition est allée à la rencontre de la modernité d'égale à égale.L'entrée en matière sera avec une grande dame de la chanson mauritanienne, Malouma. La formation sur scène donne déjà un aperçu de la suite. Trio de chanteuses sur le devant de la scène, basse, batterie, synthétiseur et guitare acoustique électrisée derrière. Malouma, au milieu de ses deux jeunes accompagnatrices, amorce un blues. La guitare en battement et le synthé en phrasées jazzy suivent.Le jeu de voix est superbement composé. Le synthé mêle ses vibratos.Un orgue Hammond aurait fait son effet. La basse, par contre, n'émerge pas, se contentant d'accompagner, sans la moindre individualité. La voix de Malouma, bien portée par celles de ses deux jeunes choristes, joue sur les registres, monte et descend avec une aisance aussi belle que déconcertante. Un solo de guitare, sur synthé, épouse les modulations des voix dont le jeu se suffit à lui-même. Les instruments viennent en soutien, et l'équilibre est parfait. La chanteuse fait participer le public avant de lancer un jazz-rock musclé avec solos de guitare et de synthétiseur. Au final, Malouma présente la troupe avec un solo pour chaque instrument, sauf la basse. Elle termine son tour de chant avec une prière pour l'Algérie et le peuple algérien.La suite sera avec la star de Tamanrasset, Bambino. Une clameur accueille l'annonce, bien que le guitariste virtuose soit déjà passé la veille. Bambino remonte donc sur scène avec son guitariste et son batteur, auquel s'est joint un percussionniste, et s'installe sur une chaise. Mais il ne tient pas assis, position que lui impose la guitare acoustique électrisée, et plus par son jeu. Le public lui demande de se lever. Il ne se le fera pas dire deux fois et il accède de suite à la demande en prenant la guitare électrique qui lui donne plus de liberté pour sauter et bouger sur la scène qu'il sillonne. Le mouvement donne des ailes aux doigts de Bambino qui fait chanter à sa guitare des solos admirables. La présence des percussions se fait remarquer. Le public, spontanément, chante en chœur avec son idole. La fusion est totale. Elle le sera tout autant avec le groupe qui suivra.Normal, c'est Tinariwen, la formation dont la seule évocation du nom fait son effet. Le public l'accueillera avec les youyous, des cris de joie et des applaudissements, bien que le groupe ne soit pas au complet. Seuls trois éléments étaient présents, Lahcen Ag Touhami,Abdellah Ag Husseini et Yadou Ag Lech. Pour combler le vide laissé par les absents dont le leader du groupe, Brahim Ag Alhabib, il a été décidé de monter sur scène avec des musiciens de la troupe de Tamanrasset Imerhan qui seront les side-mens. Le manager de Tinariwen, Bastien Gsell, avait affirmé lors d'une rencontre avec les journalistes avant le concert, que les side-mens n'auront aucun problème pour s'intégrer au groupe dont les chansons sont connues et jouées aussi bien par Imerhan que par les autres artistes de la région. Et il n'a pas eu tort. La fusion a bien fonctionné. La jam session a été une réussite. Les chansons de Tinariwen se succèderont sur la scène et le public, qui les connaît par cœur, les reprendra sans trop s'arrêter sur qui est venu, qui ne l'est pas, et pourquoi, comme l'ont fait les journalistes lors de leur rencontre avec le manager du groupe. En effet, la question sur les motifs de l'absence de Brahim Ag Alhabib reviendra plusieurs fois, sous différentes formulations. M. Gsell expliquera que Brahim n'était pas prêt, physiquement et mentalement, à supporter la pression d'une tournée dans le monde que le groupe devrait entamer dans moins de deux mois. De plus, il est affecté par la situation de guerre prévalant dans la région avec la rébellion touareg dans le Nord du Mali. Aussi, s'était-il retiré dans sa maison près de sa famille et de ses bêtes. La réponse ne convainc pas. Les journalistes voulaient, en fait, savoir si Brahim avait repris ou non son Kalachnikov et rejoint la rébellion, que lui comme son groupe avaient déjà soutenue. Mais la question ne sera jamais posée directement.Aussi, le manager s'attachera-t-il à sa première réponse qu'il remaniera et ressortira autant de fois que la question sera posée.Quant à l'impact de l'absence de Brahim, M. Gsell le minorera en indiquant que le groupe avait déjà fait des scènes sans son leader. «La tournée mondiale n'est d'ailleurs pas vraiment compromise», dira-t-il pour soutenir son propos. Mais on reste sceptique parce qu'il ne s'agit pas de l'absence de Brahim seulement mais aussi d'autres membres du groupe. Il est vrai que Tinariwen amputé de la grande partie de ses musiciens a bien donné à Tamanrasset, mais cette ville ne peut pas avoir valeur de test en réel, car Tinariwen y est en terrain conquis et devant un public acquis, ça ne sera pas le cas à Tokyo ou en Australie.