Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani
La situation reste très tendue au niveau du complexe sidérurgique ArcelorMittal d'El Hadjar (Annaba), malgré la suspension du mouvement de grève observé la semaine écoulée et qui avait amené les travailleurs protestataires à bloquer le haut fourneau N°2, empêchant ainsi son redémarrage après un arrêt programmé. Ils étaient près de 200 ouvriers venus de différentes unités pour exiger le renouvellement des instances syndicales dont le mandat est arrivé à terme mais qui continuent à représenter les travailleurs auprès de l'employeur. Déjà avant le mouvement de protestation, le syndicat avait vu venir cette action et avait pris les devants en diffusant un communiqué dans lequel il avait fustigé «les prédateurs (qui) se mobilisent déjà et concoctent des stratégies afin d'écarter les actuels syndicalistes à travers des élections préfabriquées et gérer à distance la situation pour arriver à mettre en place un syndicat complice et aux ordres (…) légitimant ainsi leurs actions et légalisant leur business maffieux», est-il notamment souligné dans le document, dont les travailleurs ont pris connaissance. Mais sur le terrain et au niveau des unités, le communiqué en question n'a pas eu l'effet escompté dans la mesure où, d'une part, le syndicat actuel ne peut représenter les quelque 6 000 employés du complexe du fait de l'expiration de son mandat et, de l'autre, en raison de la suspension de son secrétaire général par intérim par l'Ugta avant sa comparution devant le conseil de discipline pour faute grave (voir nos précédentes éditions).L'ancienne équipe syndicale qui compte reprendre en main cette instance représentative, multiplie les actions dans les milieux ouvriers pour les exhorter à exiger le renouvellement du syndicat d'entreprise dans toutes ses composantes et se poser comme seule alternative pour un changement radical. Cette dernière a réussi à mobiliser ses partisans, rejoints en cela par des dizaines de travailleurs qui avaient bloqué le 11 novembre courant le redémarrage du haut fourneau N°2. Cette installation est stratégique puisqu'elle alimente les aciéries à oxygène en fonte liquide, son arrêt prolongé provoquera la solidification de la fonte liquide à l'intérieur du creuset, ce qui mettra à l'arrêt presque toutes les autres installations et aura de graves conséquences sur la production et donc sur les finances de l'entreprise qui ne sont pas, il faut le signaler, dans le vert. Les mesures prises par la direction (suspension de 6 employés) pour amener les travailleurs à libérer les lieux et permettre la reprise du processus de redémarrage n'avaient pas dissuadé les protestataires, et il avait fallu saisir le tribunal d'El Hadjar qui avait rendu un jugement en référé ordonnant l'évacuation des lieux pour que la situation soit débloquée. Le compte-rendu de réunion, signé conjointement par M. Joe Kazadi, directeur général du complexe et M. Abdelmadjid Bouraï, président du Comité de participation (CP), et dont La Tribune détient une copie, rapporte qu'un accord a été trouvé entre la direction et les parties en conflit pour la reprise du travail dans l'intérêt de l'entreprise, tout en prenant en charge «les revendications socioprofessionnelles des travailleurs qui seront examinées ultérieurement avec les responsables et les représentants de l'unité». Les pertes enregistrées par le complexe sidérurgique durant les 4 jours de blocage sont de l'ordre de 4 millions de dollars, une situation intenable pour l'entreprise et qui compromet sérieusement le business-plan et les objectifs fixés, particulièrement le plan d'investissement engagé, dont le montant avoisine les 500 millions d'euros. Le complexe pris dans la tourmente se trouve ainsi pris en otage par une poignée de syndicalistes qui s'affrontent par travailleurs interposés pour contrôler directement ou indirectement le syndicat de l'entreprise. Les travailleurs pris dans ce jeu malsain et manipulés par l'un ou l'autre des deux camps opposés, sont poussés à entreprendre des actions qui mettent en péril leurs emplois du fait que ces fréquents blocages peuvent, à la longue, mettre hors service et pour une durée indéterminée toutes les installations du complexe. Ce conflit syndico-syndical, dont les meneurs ne sont autres que ceux qui ont présidé aux destinées de cette instance représentant les travailleurs ou la président encore, est sous-tendu par les privilèges et les avantages inhérents à la fonction de syndicaliste, la défense des intérêts et des revendications des travailleurs sont accessoires et cela tout le monde le sait. Et donc, c'est juste une affaire d'individus qui sont prêts à tout pour contrôler ce «satané» syndicat, quand bien même ce serait au péril de l'outil de production. Cet outil de production malmené et sans lequel, il n'y a pas de travailleurs et encore moins de syndicat.