Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani
Sur le plan économique, les faits les plus marquants à Annaba, en cette année 2012 qui tire à sa fin, ont été ceux en relation avec le complexe sidérurgique ArcelorMittal, véritable poumon de toute la région puisqu'employant plus de 6 000 travailleurs. En effet, l'année avait mal commencé puisqu'en janvier 2012, le staff dirigeant du complexe sidérurgique de Annaba s'est déplacé au tribunal d'El Hadjar pour déposer une déclaration de cessation de paiement, signe avant-coureur d'un dépôt de bilan et donc d'une faillite qui mettrait des milliers d'ouvriers au chômage. Au-delà de toutes les déclarations, contre déclarations et commentaires qu'ils avaient suscités, cette démarche relevait, en réalité d'une stratégie et d'un plan de longue date. La genèse de cette vraie-fausse déclaration de cessation de paiement qui laisse se profiler un dépôt de bilan, et donc la fermeture pure et simple du complexe d'Annaba, remonte à la fusion de Mittal Steel et ArcelorMittal durant l'année 2006. Le groupe ArcelorMittal réticent et soupçonneux quant à cette fusion avait exigé de son futur partenaire la fermeture de certains sites considérés comme étant non viable du fait d'un rendement très faible par rapport aux performances de la sidérurgie européenne. Etaient cités, entre autres, les complexes implantés en Pologne, en Afrique du Sud et en Algérie. Il fallait, pour que la fusion se fasse, que ces sites soient fermés d'une manière ou d'une autre pour que le groupe puisse conserver les mêmes profits et les mêmes avantages qu'avant la fusion. Le deal a été scrupuleusement respecté par Mittal qui, depuis 2006, a adopté une politique de désinvestissement au niveau du complexe sidérurgique d'El Hadjar, se contentant d'exploiter à fond les installations existantes, devenues vétustes et n'étant plus en mesure d'assurer un rendement viable. Entre-temps la crise financière mondiale de 2008 qui avait touché de plein fouet les Etats-Unis et l'Europe a vu l'industrie sidérurgique dépérir, les commandes avaient baissé de plus de 30 % si bien que le groupe s'était trouvé confronté à des surcapacités qu'il ne pouvait gérer parce que générant des pertes colossales. La décision du groupe ne s'était pas fait attendre et le couperet était tombé balayant au passage des sites sidérurgiques tenus pour performants, tels celui de liège, en Belgique, ou celui de Hambourg, en Allemagne, ou encore celui de Fos-Sur. Mer, en France. Des sites fermés et des milliers d'ouvriers mis au chômage. La dernière crise de la dette, qui avait pris dans son tourbillon des états dits solvables avec des économies considérées comme étant solides, avait encore aggravé la situation. Les Etats soucieux de réduire les déficits budgétaires ont adopté des plans d'austérité drastiques pour retrouver leurs notations premières qui avaient été dégradées par les agences, revoyant ainsi à la baisse les dépenses publiques en attendant des jours meilleurs. Cela n'était pas allé sans incidences sur les commandes d'acier au niveau du groupe ArcelorMittal, qui traîne lui-même, selon des experts, une dette avoisinant les 22 milliards de dollars. La crise n'avait pas encore eu d'impact réel sur l'Algérie, qui est considérée comme marché porteur, avec une consommation d'acier de l'ordre de 5 millions de tonnes en 2011 et une production au niveau du complexe sidérurgique d'Annaba qui ne couvre que 18 à 20 %. Avec le plan quinquennal qui prévoit d'injecter 286 milliards de dollars, dont une grande partie sera affectée aux équipements publics et à la réalisation de logements dans les 10 ans à venir, les besoins du marché national seront de l'ordre de 15 millions de tonnes. Le syndicat de l'entreprise, mené par Smaïn Kouadria était monté au créneau, craignant une catastrophe aux incidences multiples, a menacé d'organiser des protestations et des marches locales, et même à Alger, pour que la BEA accorde les crédits demandés pour l'investissement annoncé. La BEA n'est pas prêteuse à moins qu'il n'y ait des garanties, comme exigé en pareil cas, et est restée intraitable sur la question. Les stratèges du groupe, qui avaient manipulé le syndicat pris dans la tourmente, s'attendaient à ce que cette formidable pression exercée par les travailleurs ne fasse plier les pouvoirs publics algériens qui seraient ainsi amenés à accorder les crédits en question. La réponse à ce chantage déguisé était venue par la bouche du Premier ministre d'alors, Ahmed Ouyahia, qui répliqua en disant que tout cela ne ferait pas infléchir la position de la banque mais que le complexe sidérurgique ne fermera pas quelle que soit la situation. Une réponse cinglante comprise aussi bien par le syndicat que le groupe ArcelorMittal. L'instance représentante des travailleurs du complexe avait rendu public un communiqué par lequel elle affirmait avoir reçu le message 5/5. D'un autre côté, saisissant l'occasion au vol, Mme Louisa Hanoune du PT avait appelé à la renationalisation du complexe. Panique au niveau du groupe ArcelorMittal dont le P-dg, Lakshmi Mittal, avait déclaré que la maison mère apportait sa caution bancaire et satisfera toutes les garanties exigées par la BEA pour l'octroi du crédit en question. L'embellie financière de l'Algérie avec des réserves de changes considérables a amené le groupe à revoir sa stratégie première qui consistait à pousser le complexe à la fermeture. Ainsi un plan d'investissement de 500 millions d'euros avait été annoncé en grandes pompes, un plan qui englobe le renouvellement des installations et la rénovation de la cokerie pour atteindre une production annuelle de 2 millions de tonnes, dans la perspective de la reconduction du contrat de partenariat avec les mêmes avantages accordés auparavant. L'autre actionnaire, en l'occurrence Sider devait, lui, y participer à hauteur de 30%, une contribution égale au nombre d'actions dont il est porteur. Tout allait donc dans le bon sens, le syndicat était heureux et applaudissait cette mesure qui permettait de sauvegarder les 6 200 emplois directs, sans compter ceux indirects. En mars 2012, dans un communiqué de presse, la direction d'ArcelorMittal Annaba a annoncé la validation de la première phase du plan d'investissement 2010-2014, ce qui avait été bien accueilli dans les milieux ouvriers qui craignaient un changement de cap de la direction générale qui avait menacé d'aller vers le dépôt de bilan. Le cas du site sidérurgique appartenant au groupe, dans la ville de Florange en France, qui avait à l'époque suscité bien des inquiétudes avait alors donné lieu à des spéculations allant dans le sens d'une fermeture pure et simple du complexe d'Annaba. La validation de la première phase avait donc éloigné le spectre de la fermeture et avait permis, comme rapporté par le communiqué, d'augmenter la production, d'améliorer les performances et d'accroitre la part de marché du groupe dans la mesure où des installations seront rénovées et modernisées. L'augmentation du capital social de la société pour financer le plan a été avalisée et il ne restait plus qu'à mettre en application toutes les décisions. Durant le même mois le directeur général d'ArcelorMittal Annaba, Vincent Le Gouic, avait cédé sa place à Joe Kazadi, nommé dans les mêmes fonctions, prenant aussi en charge la division Afrique du Nord (qui englobe les usines d'Algérie et du Maroc) au sein du segment Long Carbon Europe, tout en étant le président du conseil d'administration d'ArcelorMittal Annaba. Ce nouveau directeur général, dispose d'une expérience de plus de 30 ans dans l'industrie de l'aluminium et a occupé différents postes de responsabilité dans la gestion, la recherche appliquée et le management des opérations. Il a travaillé aux états-Unis, au Canada, en France et au Monténégro. M. Kazadi est détenteur d'un master en génie chimique de l'université de New York, à Buffalo, aux Etats-Unis. L'autre fait marquant de l'année 2012 a été le sauvetage d'ArcelorMittal Pipes and Tubes Algeria (Tuberie sans soudure) par l'entreprise Sonatrach, qui avait commandé ,à cette filiale en difficulté, 970 km de tubes. L'unité TSS (Tuberie sans soudure) qui emploie 358 travailleurs, tous Algériens, n'avait pu décrocher depuis fin 2009 qu'une commande de 400 tonnes de tubes, soit 4 jours de production, alors que les besoins du marché algérien sont de l'ordre de 200 000 tonnes par an. La part de marché de la TSS ne représentait que 1,42%, alors que 800 000 tonnes avaient été importées, dépassant ainsi les besoins. Cette situation est due au fait que les importateurs, jouant sur la quantité, ont pu avoir, à partir de la Chine, cette grosse quantité à des prix très bas alors que la TSS peut produire ce type de tubes selon les formats exigés. La commande est fractionnée en 2 lots. Le premier concerne 420 km de tubes de 10 pouces qui devaient être utilisés pour la réalisation du réseau d'alimentation en gaz naturel des villes de Djanet et d'Aïn Salah, dans la wilaya de Tamanrasset, et le second, 550 km de tubes de 15 pouces. Les livraisons devraient s'effectuer entre mai 2013 et juillet de la même année. Une véritable aubaine pour cette entreprise qui avait frôlé la disparition et dont les conséquences auraient été dramatiques pour des centaines de familles. La remise en selle de cette filiale du groupe ArcelorMittal a permis aux travailleurs de respirer et de garder espoir.