Alors que tous les travailleurs des sites sidérurgiques du groupe franco-indien en Europe étaient hier dans la rue pour une journée de protestation contre d'éventuelles fermetures d'usines du groupe ArcelorMittal qui les emploie, le dossier des investissements de la filiale algérienne de ce même groupe a évolué. Et dans le bon sens conformément aux conditions telles que souhaitées par la direction générale de la société mixte ArcelorMittal-Annaba (AMA). C'est ce qu'indique dans un communiqué émis ce dernier mardi, le syndicat de l'entreprise. Il a annoncé par ailleurs le remboursement de la moitié du montant de la TVA versée au titre de pré-requis et le refinancement de AMA par la BEA dès cette dernière fin de mois de novembre. Deux informations importantes s'il en est. Elles interviennent quelques jours après que les syndicalistes aient exprimé leur impatience face à ce qu'ils ont estimé être des hésitations et reculades des décideurs quant au financement du plan d'investissement. Proposé en début d'année par le DG d'AMA, le plan d'investissement est destiné à la réhabilitation de l'outil de production au complexe sidérurgique El Hadjar. «La fin de ce mois de novembre, la BEA a officiellement donné son accord pour le financement de l'investissement» est-il précisé dans le communiqué. Est-ce à dire que le gouvernement algérien a répondu à l'attente des dirigeants et des travailleurs ArcelorMittal-Annaba en ordonnant à la BEA d'officialiser ledit accord ? Si le secrétaire général du syndicat va dans le sens de l'affirmatif, Vincent le Gouïc directeur général d'AMA est beaucoup plus prudent. Telle est l'interprétation à accorder à sa déclaration sur ce dossier : «Nous sommes très optimistes car nous avançons dans le bon sens. Nous avons effectivement reçu l'assurance de la BEA de nous accompagner dans la matérialisation du plan d'investissement. Je dois dire que ça se met progressivement en place. D'autant que notre groupe veut s'engager davantage en Algérie». Dans le même communiqué syndical, Smaïl Kouadria souligne que le remboursement des pré-requis (remboursement TVA) est en bonne voie et que la moitié des précomptes a été remboursée. Ces deux décisions interviennent à un moment où la crise de l'acier a atteint un niveau sans précédent à travers le monde. Cette situation a imposé au groupe franco-indien ArcelorMittal, leader mondial de l'acier de mettre en veilleuse de nombreuses unités de production notamment en Europe. La réaction des travailleurs sidérurgistes européens n'a pas tardé. Hier mercredi, des milliers d'entre eux ont marché dans divers pays d'Europe où sont implantés les sites sidérurgiques du groupe ArcelorMittal. Ils réagissaient à la mise en veilleuse d'un certain nombre d'installations ou la fermeture d'autres comme celle de Liège (Belgique) et le licenciement de plus de 500 salariés. L'appel au calme et à la compréhension des uns et des autres transmis par Willie Smit, le directeur des ressources humaines du groupe aux travailleurs de toutes les filiales ArcelorMittal dans le monde n'est pas fait pour tranquilliser ces derniers. «L'entreprise ne prend pas de décisions parce qu'elle le veut mais parce qu'elle le doit» a-t-il tenu à préciser. Il a par ailleurs affirmé que la zone Europe est en récession et que ce trimestre et le prochain il y aura une croissance négative. C'est pourquoi, l'accord officiel de la BEA d'accompagner les dirigeants d'ArcelorMittal Annaba représente une véritable bouffée d'oxygène. Il signifie le déblocage des finances nécessaires pour la mise en route du plan d'investissement. Il reste néanmoins que l'octroi des mesures d'accompagnement et la signature de la convention d'investissement sont conditionnées par l'accord officiel des actionnaires. Appelés à se réunir avant la fin de l'année, ces derniers ne s'y opposeront certainement pas, eux qui avaliseront la décision commune portant augmentation du capital social de la société. De l'ordre de 150 millions de dollars (105 millions de dollars pour AMA et 45 millions de dollars pour Sider), cette augmentation interviendra en 2 étapes. Le 1er versement de 30 millions de dollars au capital est appelé à être matérialisé courant 1er trimestre 2012. Il sera suivi en parallèle par le dépôt du dossier ANDI nécessaire pour le bénéfice des avantages prévus dans le cadre des Investissements directs étrangers. Mais c'est certainement, la signature de la convention d'investissement qui, pour les dirigeants d'AMA comme pour les syndicalistes, représente le gros lot. D'une durée de cinq ans (obligation de résultats), cette convention concernera dans une première phase, la réhabilitation de la cokerie (on ne parle plus de changement), du Haut Fourneau et de la zone agglomération. D'un montant de 270 millions dollars, cette première tranche d'investissement devrait permettre au complexe sidérurgique d'El Hadjar de produire à 1,4 million de tonnes/an. Aussitôt achevée, celle-ci sera suivie de la 2me partie des investissements qui verra la réalisation d'une usine de réduction directe pour un montant de 300 millions d'euros et à même de permettre par l'enrichissement du minerai et la fusion directe d'augmenter à 2,4 millions de tonnes/an la capacité de production du complexe sidérurgique El- Hadjar. Cependant, bien qu'importante, l'annonce de la signature de la convention d'investissement est quelque peu assombrie par l'exclusion de ArcelorMittal Pipes and Algérie-Tuberie Sans Soudure de la liste des fournisseurs potentiels de Sonatrach. Pour les syndicalistes d'AMA, les arguments avancés pour justifier cette décision sont en contradiction avec le satisfecit exprimé par les représentants de Sonatrach lors de la visite pour l'homologation de la TSS en juin 2010. «Il manque à AMPTA, un certificat API qui, les précédentes années, n'était pas exigé. En réalité, les représentants de Sonatrach étaient venus pour homologuer AMPTA en juin 2010. Ils avaient exprimé leur totale satisfaction quant au progrès et sérieux de l'usine. Alors qu'il ne restait plus qu'une contre-visite à effectuer, les représentants de Sonatrach ont déclaré qu'ils changeaient de système d'homologation» indique le communiqué émis hier par le syndicat d'AMA que préside Smaïl Kouadria. Ce dernier annonce qu'il se déplacera les 11 et 12 décembre prochains à Alger et que son syndicat ne ménagera aucun effort et multipliera les démarches auprès des décideurs et la centrale syndicale UGTA pour obtenir une aide et un accompagnement à même de permettre de tisser une collaboration étroite avec Sonatrach et Sonelgaz pour maintenir et développer davantage la production du tube en Algérie. Cette situation intervient au moment où, en Algérie, Vincent le Gouïc pense déjà à digérer une production pour l'année 2011 d'à peine 600 000 tonnes d'acier. Or, il avait planifié un peu moins du double (1,1 million/t) au début de la même année. En fait, les responsables algériens étaient déjà disposés à donner le coup de pouce financier nécessaire pour permettre au complexe sidérurgique d'El-Hadjar de bien repartir. Ils devraient le faire, nous dit-on, dans les prochains jours. Entre temps, ArcelorMittal-Annaba a décroché son ASHE 18 000.