De notre envoyé spécial dans la wilaya de Biskra Ziad Abdelhadi Depuis quelques années, notamment depuis l'entrée en production de nouvelles palmeraies de la variété deglet nour dans la localité de Mchounèche, et suite aux multiples soins prodigués aux jeunes palmiers, les fruits d'un dur labeur ont donné des résultats palpables sur le terrain. Les récoltes sont de plus en plus intéressantes, aussi bien sur le plan de la quantité que celui de la qualité. Ce qui n'a d'ailleurs pas laissé indifférents les opérateurs activant dans le commerce de la datte, de surcroît les exportateurs avides d'un produit d'excellente qualité, conditions d'exportation obligent. Certains professionnels, habitués de longue date à s'approvisionner à partir de Tolga, toujours à la recherche des meilleurs fruits, ont fini par changer de cap pour s'orienter vers Mchounèche. Tout en notant que d'autres sont restés fidèles à leurs palmeraies de ravitaillement. Non sans rappeler également que Tolga connaît et continue de connaître une extension de ses périmètres de palmiers dattiers de la variété la deglet nour, dont quelques hectares plantés sont arrivés à maturité. Là également, la qualité y est. Mais où donc réside la différence entre le produit de Mchounèche et celui de l'ancestrale Tolga, puisque lacélébrité du local a, depuis longtemps, dépassé les frontières ? Une question que nous avons posée aux spécialistes en la matière, aux exportateurs ainsi qu'aux propriétaires de palmeraies productrices de la variété deglet nour. Evidemment, d'un côté comme de l'autre, on se positionne à travers l'idée que le produit local est de meilleure qualité et qu'aucun autre ne peut le concurrencer. La deglet nour de Mchounèche garde toute sa qualité durant la conservation C'est l'argument avancé par nos interlocuteurs, qui sont des producteurs de dattes dans cette région d'Algérie. Ce que d'ailleurs nous ont confirmé des exportateurs qui ont changé de lieu d'approvisionnement. «Certes, au début, beaucoup d'entre nous n'étaient pas entièrement convaincus. Pourquoi aller chercher plus loin ce que nous pouvons trouver à Tolga, avec tous les frais supplémentaires que cela implique. Et ce n'est qu'après avoir constaté qu'effectivement la deglet nour de Mchounèche affiche une meilleure résistivité et ne perd aucunement de sa qualité si elle bien entreposée que nous nous sommes décidés à nous approvisionner chez les producteurs de cette région», diront-ils. On nous fera également savoir que le produit local a fait sensation chez les grossistes étrangers et de souligner : «C'est pour dire que les volumes exportés venant de cette localité arrivent tels quels, et cela même si la durée de l'acheminement est assez longue pour un fruit aussi sensible». Et là, ils pointent du doigt les tracasseries administratives qui «se dressent comme des barrières lors des opérations d'exportation». En somme, la qualité de résistance de cette datte locale arrange aussi bien les producteurs, les exportateurs, que les acheteurs étrangers. Un atout de taille, nous diront nos interlocuteurs. «Cette capacité de résistance joue en faveur des exportations puisque le risque de voir la deglet nour perdre un peu de sa qualité, qui a d'ailleurs fait sa renommée, est pratiquement faible», diront-ils, ajoutant qu'ils ne pouvaient que prendre en considération un tel paramètre. Les producteurs de Tolga conscients de la rivalité Pour les autochtones et non moins grands propriétaires de palmiers dattiers, la concurrence ne peut en aucun cas altérer la célébrité acquise depuis des lustres par deglet nour de Tolga. Les défenseurs les plus acharnés de la qualité de la datte locale, dont nous avons rencontré quelques-uns dans le café où les producteurs de dattes de Tolga ont l'habitude de se retrouver pour débattre de leurs problèmes et se mettre d'accord sur les prix de vente de leur récoltes, nous ont expliqué qu'ils admettaient que la production de Mchounèche «commençait à concurrencer leur production», mais sans reconnaître qu'elle avait pris de la suprématie par rapport à leur production, un rejet subjectif qui peut s'expliquer par le fait que chez ces gens-là rien ne pourra égaler entièrement leur produit sur le plan qualitatif. On se refuse à admettre la possibilité d'une réelle concurrence, notamment si elle vient d'une contrée voisine. D'autres propriétaires, plus clairvoyants, nous ont déclaré qu'ils s'attendaient à ce que leur production «rencontre une rivale et qu'un jour où l'autre il faudra que l'on admette que la deglet nour de Mchounèche est de meilleure qualité marchande que la nôtre, notamment en ce qui concerne les exportations de ce produit». On nous expliquera cependant que ce n'est pas parce que les gens de Mchounèche sont de meilleurs travailleurs et maîtrisent mieux leur métier, mais la vraie raison de la suprématie de la deglet nour produite dans cette contrée réside ailleurs. «L'hypothèse que c'est là le résultat de nouveaux plants est à exclure car nous aussi à Tolga on ne cesse de procéder à l'extension de la superficie de nos palmeraies, tout en prodiguant les mêmes soins et ne semant que de jeunes plants certifiés», nous dira un connaisseur en la matière. Mais alors pourquoi dit-on que la datte produite à Mchounèche est de meilleure endurance ? Notre interlocuteur nous répondra que c'est là peut-être l'effet d'un facteur environnemental, un meilleur sol ou une exposition aux vents de moindre force. Hormis ces hypothèses, aucune explication scientifique ne nous a été donnée. Sauf cette anecdote que nous a rapportée un exportateur de la région : «On a trempé pendant plusieurs jours dans de l'eau salée deux régimes de deglet nour, l'une de Mchounèche et l'autre de Tolga. Une fois sortis de l'eau, la différence était flagrante : celui de Mchounèche ne présentait aucune altération ou avarie visible alors que celui de Tolga en était visiblement affecté.» Le choix des exportateurs n'est pas fortuit L'essentiel pour les exportateurs de dattes est d'arriver à garder intactes toutes les potentialités qualitatives des dattes deglet nour à leur arrivée à destination pour éviter des désagréments coûteux. «Le refus des acheteurs étrangers de prendre livraison de la marchandise, du fait qu'elle ne présente pas toutes les conditions requises, induit des dépenses supplémentaires. Ce retour à l'envoyeur, nous serons les seuls à le supporter. Et avec tous les frais engagés pour arriver à faire valoir nos expéditions -conditionnement selon les normes européennes et coût du fret-, il est difficile de les amortir en écoulant la marchandise sur le marché local. Ce qui d'ailleurs n'est pas évident, compte tenu des prix affichés sur nos étals», déclareront des membres de l'association des exportateurs de dattes rencontrés en marge de la Journée nationale de l'artisanat organisée dernièrement à Biskra. Mais à présent que la deglet nour de Mchounèche a prouvé qu'elle est d'une grande résistance et ne perdait aucune de ses qualités gustatives, tout porte à croire que les exportateurs seront nombreux à s'orienter vers cette localité pour s'y approvisionner. Cette situation n'est pas sans susciter des inquiétudes chez les producteurs de Tolga qui se voient déjà obligés de reconnaître cet état de fait. D'ailleurs, certains pensent déjà à adopter une alternative : la plasticulture, qui est devenue la seconde grande activité de la région. Cette technique de culture a en effet connu un grand essor dans la région car donnant des primeurs qui peuvent gagner une part importante sur les marchés des légumes en Europe. C'est une carte à jouer selon les exportateurs de dattes dont certains pensent sérieusement à ne plus se réserver uniquement à l'exportation de la datte mais à se lancer dans l'exportation de primeurs. «Une activité supplémentaire qui va nous permettre de boucler l'année, laquelle, avec notre activité actuelle, se résume à tout au plus quatre mois de travail par an», nous ont fait savoir nos interlocuteurs, des membres de l'Association nationale des exportateurs de dattes. Concernant la concurrence de la variété de deglet nour tunisienne sur les marchés extérieurs, ces derniers diront : «Certes, nos voisins tunisiens sont arrivés à produire notre variété mais la spécificité de la datte de Mchounèche reste pour l'instant difficile à produire ailleurs, ce qui nous laisse optimistes quant à l'avenir des exportations de dattes algériennes vers les marchés extérieurs.» Pour en revenir au marché national et à entendre s'exprimer des experts en la matière sur la qualité de la datte nationale, il faut croire que le produit des palmiers dattiers de Mchounèche commence à être plus prisé que celui des palmeraies de Tolga. Voilà encore de quoi susciter un engouement à mieux produire chez les propriétaires de palmeraies de Tolga, faute de quoi ils risquent de voir leur datte perdre de sa notoriété, une notoriété qu'ils ont mis longtemps à bâtir.