Le vieux bâti est un véritable casse-tête pour les autorités locales à Annaba du fait des dangers qu'il représente pour les populations habitant les lieux. Effondrements, inondations, accidents de toutes sortes sont enregistrés chaque année particulièrement en hiver où la Protection civile intervient presque chaque semaine pour sauver des vies et porter secours à des citoyens en danger. Dans la vieille ville, ils sont 11 000 à habiter dans des maisons traditionnelles héritées de l'époque turque ou des immeubles de 2 étages qui menacent de s'effondrer à tout moment. «Nous vivons ici avec l'épée de Damoclès qui pend au dessus de nos têtes», nous dit un vieux annabi, un homme cultivé et très au fait de la situation, «j'ai vécu toute ma vie ici, je ne veux pas quitter ces lieux, ce que nous voudrions, nous, c'est que l'on procède à la réhabilitation, à la restauration et à la préservation du vieux bâti parce qu'il représente l'Histoire de la région avec ce qu'il recèle comme témoignages vivants d'un patrimoine matériel et immatériel qui tend à disparaître. Ici, c'est la vie populaire avec ses traditions, son way of life particulier, ce tissu de relations entre familles, ces petits métiers qui continuent à rendre service à la population et cette grande mosquée que nous avons. Masjid «Abou Merouane» qui a défié la colonisation et l'occupation française est toujours là et est le protecteur de ces lieux». La vieille ville datant de 1 500 sera prise en charge pour être préservée, le classement est en cours (en passe d'être achevé) et s'est fait par étapes parce que 90% des constructions sont des propriétés privées. Dans un premier temps, certains monuments et sites seront restaurés puis l'opération englobera toute la ville avec cependant des conditions et un cahier des charges qui sera soumis aux propriétaires. La mosquée Abou Merouane, construite au XIe siècle par Abou Elleith El Bouni, et transformée plus tard durant l'occupation française en hôpital militaire, a été classée comme monument historique ainsi que la Zaouïa de Sidi Brahim Ettoumi, aux portes de la ville édifiée sur ordre de Ali Bey, gouverneur de Tunis. Cette institution servait à l'époque d'abri pour les voyageurs arrivés tard la nuit quand les accès à la ville étaient fermés ; ils y trouvaient le gîte et le couvert jusqu'au lendemain. Le site religieux a déjà été classé comme patrimoine national en 1978. La dernière étude effectuée par la Direction de l'urbanisme et de la construction, avec la collaboration de l'Office communal de restauration et d'aménagement du vieux bâti, a recensé 13 sites abritant des bâtisses menaçant ruine à Annaba. Ils sont localisés dans la vieille ville, El M'Haffeur, Didouche Mourad, la cité Seybouse et la Colonne. Une enveloppe de 1,5 milliard de dinars a été dégagée pour la réhabilitation de certaines habitations, d'autres ont été classées comme étant dangereuses pour leurs occupants et ont fait l'objet de PV ordonnant leur démolition avec le relogement des familles y habitant. Les services de la wilaya qui s'intéressent de près au problème, réservent à chaque fois des quotas de logements dans les différentes attributions aux habitants de ces lieux pour ensuite procéder à leur démolition. Mais ces opérations prennent parfois beaucoup de temps et les bâtisses à démolir sont squattées par de nouveaux venus et le problème demeure. Une situation qu'il faudra régler une fois pour toutes en procédant à la démolition sur le champ des bâtisses libérées par leurs occupants. Peut-être qu'avec la construction du nouveau pôle urbain de Draa Errich avec ses milliers de logements, la situation du vieux bâti sera définitivement réglée, les habitants de la vieille ville, la Colonne, El M'haffeur, la cité Seybouse (ex Juanonville) et la cité Auzas pourront enfin vivre décemment loin de tout danger. M. R.