L'Algérie est l'invitée d'honneur de «la Comédie du livre», une manifestation culturelle annuelle inaugurée jeudi dernier au Centre Rabelais de Montpellier, dans le sud de la France. Organisée conjointement par la mairie de Montpellier et l'association Cœur de Livres, «la Comédie du livre» accueille, pour sa 28e édition, plus de deux cents écrivains, dont une vingtaine d'Algérie et d'autres du Maroc, de Tunisie, d'Espagne et de France. Au cœur d'une programmation riche et diversifiée, l'Algérie, ses écrivains et ses artistes seront plus particulièrement à l'honneur afin de célébrer les liens de jumelage et d'amitié qui unissent, depuis 2008, les villes et Universités de Montpellier et de Tlemcen. En plus des rencontres avec des écrivains de talent, à l'instar de Yasmina Khadra, Leila Sebbar, Maissa Bey, et le grand poète marocain Abdellatif Laabi, des auteurs des éditions tunisiennes Elyzad et d'autre auteurs et artistes venus du Maghreb, de France et d'Europe rencontreront, dans divers stands et trois jours durant, les publics de «la Comédie du Livre». Pour la première fois, à l'occasion de cette 28e édition, un salon du livre d'artiste, une série de débats sur la culture euro-éditerranéenne et une exposition sur la bande dessinée au Maghreb et en Algérie sont organisés. Le coup d'envoi de la manifestation a été marqué par le vernissage de l'exposition de l'artiste-peintre Rachid Koraïchi qui se poursuivra jusqu'au 11 juin prochain. Parmi les œuvres exposées dans la galerie Saint-Ravy, les visiteurs peuvent découvrir l'affiche de cette 28e édition à travers laquelle Rachid Koraïchi rend hommage à sept intellectuels algériens, en l'occurrence Saint Augustin, Ibn Halden, l'Emir Abdelkader, Jacques Berque, Albert Camus, Jacques Derrida et Mohammed Dib. L'artiste-peintre, qui a baptisé l'affiche «Houri l'ile Djazaïr», a expliqué qu'il était important pour lui de représenter «un pays polyvalent, ouvert, même si les gens nous ostracisent», rapporte l'APS Vendredi dernier, à l'occasion de la visite des stands de la manifestation, la maire socialiste de la ville, Hélène Mandroux, a souligné que «la France et l'Algérie ont une histoire commune. Et, pour une communauté algérienne de plus de 10 000 personnes vivant à Montpellier, cela permet notamment aux jeunes, qui ont été en rupture par rapport à l'origine de leurs parents, de découvrir ou redécouvrir aussi leur histoire». «Cela permettra aux jeunes de retrouver certains repères et ne pas toujours écouter les clichés imbéciles», ajoutera-t-elle. Aux yeux du président de Cœur de Livres, Serge Bourjea, il est surtout attendu de cette 28e édition de «la Comédie du Livre» qu'une «lecture soit enfin effectuée de la littérature infiniment riche de l'Algérie. Cette littérature concerne directement la France de par l'histoire, et dont nous ne connaissons que très peu jusque-là», a-t-il confié. Par ailleurs, lors d'une table ronde autour du thème «Mémoires d'Algérie», organisée, vendredi dernier, dans le cadre de la manifestation, le romancier algérien Yahia Belaskri, a plaidé pour une reconnaissance des «mémoires souffrantes» de la guerre de libération nationale, affirmant qu'il était évident que l'Algérie redevienne indépendante, après 132 ans de colonisation. Dans une autre rencontre-débat, c'est l'œuvre de Mohammed Dib qui sera revisitée. Tout en rendant hommage à l'humaniste qu'était l'auteur de la célèbre trilogie (La grande maison, L'incendie et Le métier à tisser), le professeur émérite de l'Université Paul-Valéry de Montpellier, Paul Siblot, a souligné l'affirmation de l'identité nationale dans l'œuvre de Dib, collant, même par la fiction, à la réalité historique sociale et culturelle de l'Algérie de l'époque. Il a illustré ses propos en donnant l'exemple de la réaction virulente de la presse coloniale à la parution en 1952 de La grande maison aux éditions Le Seuil. L'universitaire algérienne Sabeha Benmansour a souligné, elle aussi, la dimension humaine du regretté Mohammed Dib, une dimension qui, a-t-elle dit, lui a été confirmée lors de sa toute première rencontre avec l'homme, qui a été suivie d'une collaboration qui a donné naissance en 1994 à un ouvrage intitulé «Tlemcen ou les Lieux de l'écriture». Assia Dib, la fille de l'écrivain disparu, s'est félicitée que dix ans après la disparition de son père, l'œuvre de Mohamed Dib continue d'être le socle de nombreux écrivains algériens. «Je souhaite que l'ensemble des Algériens gardent le travail de Dib, une œuvre qui parle d'eux, comme un butin de guerre comme disait Kateb Yacine en parlant de la langue française», confiera-t-elle.