par Abderrahmane Mebtoul, expert international Car un texte juridique n'est pas suffisant ( ce n'est qu'un moyen) et devient un leurre s'il n'y a pas d'objectifs cohérents clairement définis avec pragmatisme loin des théories abstraites supposant une nette volonté politique de libéralisation. Aussi je recense neuf (09) contraintes techniques conditionnant la réussite du processus de privatisations : 1-Les -filialisation non opérantes par le passé dont l'objectif était la sauvegarde du pouvoir bureaucratique. Or c'est le fondement de la réussite tant de l'ouverture partielle du capital que d'une privatisation totale 2-Lié au point précédent, le patrimoine non défini (absence de cadastre réactualisé) pose la problématique de l'inexistence des titres de propriété fiables sans lesquels aucun transfert de propriété ne peut se réaliser. 3-Il s'ensuit des comptabilités défectueuses rendant difficiles les évaluations, rendant urgent la refonte du plan comptable actuel inadapté à la conjoncture tant nationale qu'internationale, et surtout un plan de formation pour le droit des affaires et les comptabilités de sociétés. L'inexistence du marché boursier ( paradoxe en Algérie pour la première fois de par le monde l'on essaie de créer une bourse étatique , des entreprises d'Etat achetant des entreprises d' Etat ) comme l'atteste la léthargie de la bourse d' Alger rend encore plus aléatoire l'évaluation dans la mesure où le prix réel de cession varie considérablement d'année en année, voire de mois en mois par rapport au seul critère valable qui est le marché car existant un marché mondial de la privatisation où la concurrence est vivace. 4--la non préparation de l'entreprise à la privatisation, certains cadres et travailleurs ayant appris la nouvelle dans la presse ce qui a accru les tensions sociales. Or, la transparence est une condition fondamentale de l'adhésion tant de la population que des travailleurs à l'esprit des réformes lié d'ailleurs à une profonde démocratisation de la société. 5 Il y a lieu de prévoir une clause pour la reprise des entreprises par les cadres - supposant la création d'une banque à risques pour les accompagner du fait qu'ils possèdent le savoir-faire technologique, organisationnel et commercial la base de toute unité fiable doit être constituée par un noyau dur constitué de compétences, 6-La partie non cessible dévolue aux cadres/ travailleurs contraire à la pratique des affaires caractérisée par la mobilité du capital- devrait être négociée librement par les travailleurs. 7- L'organe de suivi de la partie rééchelonnable lorsque le promoteur a des avantages autant que la problématique de l'endettement des entreprises surtout pour la partie libellée en devises en cas de fluctuation du taux de change ne sont pas clairement définis. 8- les délais entre le moment de sélection de l'entreprise à privatiser , les évaluations , les avis d'appel d'offres, le transfert , au Conseil des Participations , puis au Conseil des Ministres et la délivrance du titre final de propriété ne sont pas clairement datés ce qui risque de décourager tout repreneur car en ce monde les capitaux mobiles vont s'investir là où les obstacles économiques et politiques sont mineurs , le temps étant de l'argent Or seule une synchronisation clairement définie permettrait d'éviter les longs circuits bureaucratiques du passé. Enfin -9, les textes juridiques actuels sont contradictoires, pouvant entraîner des conflits interminables d'où l'urgence de leur harmonisation, par rapport au droit international. Les répartitions de compétences devront être précisées dans le cadre juridique en vigueur où il est nécessaire de déterminer qui a le pouvoir : de demander l'engagement d'une opération de privatisation ; de préparer la transaction ; d'organiser la sélection de l'acquéreur ; d'autoriser la conclusion de l'opération ; de signer les accords pertinents et enfin de mettre en œuvre les accords de privatisation et s'assurer de leur bonne exécution. 3._Partenariat/privatisation et problématique de la propriété Au préalable il convient de signaler que la privatisation ne peut être opérée en vase clos. La levée des entraves bureaucratiques, du foncier, des banques, de la sphère informelle, la fiscalité par exemple applicable aux revenus de l'épargne investie en actions et en obligations sont des critères essentiels pour tout investisseur national ou étranger. Par ailleurs, sans la garantie du droit de propriété en évitant les conflits du fait de l'absence d'un cadastre réactualisé (cela posera des problèmes plus épineux pour le foncier agricole) il ne faut pas s'attendre à attirer tant l'investissement national qu'international créateur de valeur ajoutée. Durant cette phase de transition difficile je distinguerai la privatisation avec et sans transfert de propriété. Dans le premier cas, de la privatisation avec transfert de propriété, on peut distinguer, soit la cession des actions d'une société propriétaire de l'entreprise - qui aura été constituée - en vu précisément de cette cession, soit la cession des actifs de l'entreprise. La technique de la cession d'actifs à l'inconvénient de ressembler à la liquidation d'une entreprise en règlement judiciaire. Elle peut aboutir à un dépeçage de l'entreprise, ses actifs étant vendus gré à gré ou aux enchères. La difficulté dans ce cas est d'opérer le licenciement du personnel et de trouver des acquéreurs pour des installations qui n'ont plus aucune valeur dynamique. Il sera difficile de mobiliser pour cela des opérateurs étrangers, sauf pour des opérations spéculatives, sur des terrains par exemple. Ce n'est évidemment pas le but recherché. La cession de l'entreprise - fonds de commerce - est préférable. Mais sans doute l'acquéreur éventuel n'acceptera t-il pas d'en reprendre le passif, d'autant plus qu'il sait qu'il faudra investir dans l'entreprise pour la moderniser et la rendre compétitive. Il n'en reprendra pas les dettes et ne voudra probablement pas reprendre les contrats des salariés qu'il se réservera de réengager selon les besoins. Cette solution ne pourra être utilisée que dans un nombre relativement restreint de cas, en raison des difficultés cumulées qu'elles présentent. Quant à l'offre publique de vente, si elle s'adresse à l'actionnariat étranger, elle ne rencontrera, compte tenu de la qualité du portefeuille, qu'un succès limité. La méfiance demeure encore trop grande par souvenir du passé ou par crainte des incertitudes de l'avenir. Pour ce qui concerne les grandes entreprises et conglomérats les difficultés seront encore plus grandes. En effet, faut t-il vendre en bloc ces combinats ou les vendre par compartiments ? Il faudrait traiter au cas par cas, et, en même temps connaître le marché potentiel international, composer le lot à privatiser en considération des clients éventuels. Cela suppose une parfaite information sur les firmes internationales dans tous les secteurs ainsi que sur les intermédiaires capables de les démarcher, de les convaincre et de négocier avec eux. Cela peut se trouver, mais coûtera cher et il est sûr qu'on ne trouvera pas des acquéreurs pour tous ces " articles " sur ce marché de l'occasion. La restructuration par cession ou par fusion d'activités de diverses entreprises préexistantes présente la difficulté de devoir prévoir la reconfiguration industrielle qui pourrait intéresser un client. Une telle opération est compliquée et demande du temps. Pendant tout ce temps les banques nationales doivent tenir à bout de bras et financer ces entreprises sans savoir si elles pourront s'en défaire et si elles ne resteront pas "collées", comme on dit dans le jargon bancaire. Peut être pourrait-on en faire des " lots " et trouver les formules, permettant d'émettre des junk-bonds correspondant ou affecter à un type de Fond Commun de créances à concevoir. Pour les grandes entreprises, il faut utiliser d'autres techniques par lesquelles l'Etat confie au secteur privé national, étranger ou mixte, la gestion de ces entreprises, mais renonce dans l'immédiat à en céder la propriété. Concernant le second cas a de la privatisation sans transfert de propriété, la mise en gérance de l'entreprise publique est envisageable. Un contrat est passé avec la société gérante, qui pourra être étrangère, nationale ou, de préférence, mixte. Cela laisse ouvert toute une gamme de possibilités : la gérance rémunérée par l'EPE, rémunération dégressive ou non, variable ou non selon le chiffre d'affaires, à durée déterminée ou non, avec des pouvoirs de gestion plus ou moins larges, sans garantie ou avec garantie du passif par l'Etat et /ou garantie d'un chiffre d'affaires minimum par l'Etat ou par le gérant. Tout dépendra de l'état de l'entreprise et des espoirs des deux partenaires dans sa réhabilitation et sa rentabilisation plus ou moins prochaine. Si les espérances du candidat gérant sont suffisamment grandes, dans cette hypothèse, l'Etat aura la perspective d'une meilleure gestion en raison de l'engagement financier du gérant et de son intéressement direct aux résultats. Une autre technique sera la location-vente qui permettra au locataire, qui paiera un loyer déterminé, d'acquérir à terme la propriété de l'entreprise, avec un droit de préemption à l'arrivée du terme. La technique du leasing au crédit-bail, sera plus intéressante pour le preneur à bail puisqu'il négociera d'entrer de jeu le prix de l'entreprise avant qu'il ne l'ait valorisé, qu'il aura l'option "in fine" et pourra plus facilement obtenir des crédits bancaires pour la réhabilitation et le développement de l'entreprise. Tous ces contrats pourront être modulés selon l'objet de l'entreprise, car l'opération ne pourra être conçue de la même manière pour la reprise d'un établissement financier, d'une entreprise industrielle ou commerciale. Pour les entreprises à activités multiples, les possibilités de restructuration par cession ou vente partielle d'actifs devront être prévues, ainsi que la négociation de ces contrats à l'occasion de ces opérations. Cela supposera une clause de renégociation et une institution de type arbitral pour en connaître. Mais, l'enseignement majeur que l'on peut tirer est qu'il n'y a pas modèle universel. Chaque pays et chaque économie, en fonction de leurs réalités et de leurs contraintes, se doivent de mettre en place les techniques les plus adaptées à leurs contextes. Ce qui est stratégique aujourd'hui peut ne pas l'être demain, et doit être appréhendé, non en statique mais en dynamique du fait à la fois des mutations de l'économie mondiale(nos engagements internationaux, accords de libre-échange avec l'Europe, future adhésion à l'OMC) et de la structure de l'économie algérienne. Le couple partenariat/privatisation devra s'insérer au sein d'une vision cohérente de la réforme globale, avec des objectifs précis et datés et moyens de mise en œuvre également précis et datés, pour une croissance durable, face au processus de mondialisation alors qu'actuellement on navigue à vue entraînant un gaspillage financier croissant que l'on voile par de l'activisme et des réalisations physiques sans analyser les impacts. Or cette visibilité est une condition fondamentale pour l'attrait tant de l'investissement étranger que national dont les projets devront rentrer forcément dans les avantages comparatifs euro- méditerranéens et arabo- africains qui constituent les espaces naturels de l'Algérie et ce pour une production et exportations hors hydrocarbures. Cela est intiment lié à l'instauration des deux conditions du développement du XXIème siècle à savoir une bonne gouvernance mitigée liée et la valorisation des ressources humaines (le savoir actuellement malgré des discours dévalorisés). Et c'est dans ce cadre que je l'ai souligné récemment, outre les réserves de devises limitées pour les raisons évoquées en introduction ne pouvant jouer sur la loi des grands nombres pour la répartition du portefeuille financier afin de limiter les éventuelles pertes dues aux fluctuations boursières inévitables au XXIèmle siècle avec cette financiarisation mondiale croissante, que les conditions de création d'un fonds souverain ne sont pas encore remplies (2).