Depuis lundi 1er juillet, l'Europe à 27 est devenue l'Europe à 28. Dix ans après avoir entamé les négociations, alors que l'Union européenne traverse une des pires crises de son histoire, la Croatie fait son entrée dans l'Union. Elle devient officiellement le 28éme membre et le deuxième de l'ex-Yougoslavie à rejoindre l'UE, en l'occurrence la Slovénie. Selon le chef de la délégation européenne à Alger, l'intégration de la Croatie à l'Union sera suivie par la Serbie et le Kosovo. Marek Skolil a souligné que " l'adhésion de la Croatie à l'UE est un événement très important dans le processus d'intégration européenne. Mais, l'intégration de la Croatie à l'Union est bénéfique pour les pays de l'UE mais aussi pour les pays voisins ". C'est d'après lui, un signe d'encouragement pour les autres pays des Balkans à intégrer l'ensemble européen. Pour sa part, l'ambassadeur de la Croatie à Alger, Main Andrijasevic, assimile cette adhésion de son pays à l'UE à un évènement historique ". La Croatie représente 1,26 % de la superficie de l'UE à 28, 0,33 % de son PIB et 0,86 % de la population européenne. " A l'échelle de l'Union, le pays est relativement pauvre ", rappelle Pierre Verluise, directeur à l'IRIS (France). Mais, " à l'échelle régionale des Balkans, la Croatie fait plutôt figure de pays enviable ", ajoute ce chercheur. Forte d'un marché de près de 44 millions d'habitants la Croatie a connu jusqu'en 2008, " une période de forte croissance économique fondée sur le dynamisme de son tourisme et une consommation des ménages largement financée à crédit grâce aux capitaux étrangers ", rappelle une note de l'Observatoire français des conjonctures économiques. Mais la crise a marqué un coup d'arrêt à la croissance croate et, comme une partie de ses voisins européens, le pays est entré en récession en 2009, année marquée par un recul de 6,9 % de son PIB. Jusqu'à présent, la Croatie est en récession. Le chômage touche officiellement 22 % de la population et au moins 40 % des jeunes, indiquent les statistiques du moment, d'où la perspective de l'intégration européenne ne suscite plus guère d'enthousiasme, indique-t-on à Zagreb. " D'après des enquêtes récurrentes, les Croates anticipent le fait qu'ils vivront plus mal après l'intégration de leur pays qu'aujourd'hui ". C'est une première absolue, tous les élargissements ayant été associée à une promesse de vie meilleure, certes, pas toujours tenue, notamment dans le cas de la Roumanie et de la Bulgarie, qui ont rejoint l'UE en 2007. " Cette morosité de l'opinion publique est confirmée par des économistes, qui estiment que la Croatie ne devrait pas tirer le moindre bénéfice de son entrée dans l'UE, au moins au cours des deux années à venir ". Conséquence de son adhésion à l'UE, la Croatie va devoir quitter l'Accord de libre-échange d'Europe du Centre (CEFTA) qui réunit les Etats des Balkans occidentaux ainsi que la Moldavie. C'est dire, selon nombre de prévisions, que les produits croates vont perdre de leur compétitivité sur les marchés régionaux, où ils sont traditionnellement bien implantés, en particulier en Bosnie-Herzégovine, au Monténégro ou en Serbie, " sans espoir sérieux ", en contrepartie, de pouvoir percer sur ceux de l'UE. Certaines entreprises croates envisagent même de se délocaliser en Bosnie et en Serbie pour demeurer au sein de la zone CEFTA. Le président de la Croatie, M. Ivo Josipovic, estime que son pays est condamné à achever sa désindustrialisation : " Nous ne pouvons pas avoir le beurre et l'argent du beurre. L'UE constitue une réponse à la mondialisation de l'économie. Il serait illusoire de penser que la Croatie puisse réussir dans cette compétition mondiale sans être intégrée au sein du marché européen. L'intégration européenne est le gage de notre future prospérité ". Le président croate ajoute : “En négociant avec l'Union et nos voisins, nous allons essayer d'adoucir les conséquences de notre retrait du CEFTA, pour nous et pour nos partenaires. A terme, l'adhésion de la Croatie permettra de rapprocher de l'Union nos voisins d'Europe du Sud-est et d'alléger les barrières douanières”.