Les ministres des Finances de la zone euro devront prendre aujourd'hui une décision majeure au sujet de la Grèce, a affirmé vendredi le président de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem à la suite de la soumission par Athènes d'une ultime liste de réformes en vue de son sauvetage financier. D'une manière ou d'une autre, c'est une décision majeure que nous devons prendre demain, donc faisons-le soigneusement, a-t-il déclaré aux journalistes en se rendant vendredi matin au Conseil des ministres des Pays-Bas. La Grèce s'est engagée jeudi, dans un document envoyé à quelques heures avant l'expiration d'un ultimatum, à reprendre la majeure partie des propositions des créanciers, pour les convaincre de reprendre leur aide et éviter une sortie du pays de la zone euro. Elles vont être étudiées aujourd'hui par les créanciers (UE, BCE et FMI), qui émettront un jugement, vraisemblablement au plus tard aujourd'hui. Les propositions seront ensuite soumises aujourd'hui aux ministres des Finances de la zone euro, avant un sommet extraordinaire des 28 pays de l'Union européenne convoqué demain à Bruxelles. C'est un texte très long, mais nous devons encore en examiner la qualité, a tempéré Jeroen Dijsselbloem.
Signes encourageants Après une escalade de propos alarmistes en début de semaine, Athènes a récolté plusieurs signes encourageants dont un appel du président du Conseil européen, Donald Tusk, en faveur de propositions "réalistes" des créanciers sur l'épineuse question de la dette grecque, cruciale pour le gouvernement Tsipras. à offre satisfaisante des Grecs, bonne volonté des créanciers sur le règlement de l'énorme dette publique du pays, qui atteint 320 milliards d'euros, soit 180% du PIB, semble dire M. Tusk. Cette question divise le FMI et les Européens, parmi lesquels certains pays, comme l'Allemagne, ont régulièrement affirmé leur refus de faire un geste dans l'immédiat.
"Marge de manœuvre très faible" Mercredi, la directrice générale du FMI Christine Lagarde avait jugé "nécessaire" un allègement de dette. La chancelière allemande Angela Merkel a fermement écarté une telle proposition, réclamée également depuis janvier par Athènes. A ses yeux, un effacement et même une décote de la dette grecque seraient illégaux au regard des traités européens. Son ministre des Finances Wolfgang Schäuble a cependant reconnu que la dette d'Athènes n'était pas tenable à long terme sans décote, tout en considérant la marge de manoeuvre comme faible. Les hauts et les bas des discussions entre Athènes et ses créanciers sont suivis avec inquiétude dans une Grèce aux banques fermées depuis dix jours. Plus de 1000 personnes, selon la police, 3000 selon certains médias locaux, se sont rassemblées jeudi soir dans le centre d'Athènes pour défendre le maintien de la Grèce dans l'euro. Car le "scénario noir", une exclusion du pays de la monnaie unique, n'est plus tabou.
Sommet extraordinaire demain Les propositions de réformes de la Grèce seront étudiées par les créanciers, puis soumises aujourd'hui aux ministres des Finances de la zone euro, avant un sommet extraordinaire des 28 pays de l'UE convoqué demain à Bruxelles. La Grèce a adressé formellement mercredi à la zone euro, son principal créancier, une nouvelle demande d'aide sur trois ans, la troisième depuis 2010, en échange de l'effort budgétaire dans lequel elle va s'engager. Si le compte n'y est pas, le sommet de dimanche pourrait se transformer en sommet de crise, amorçant une sortie de la Grèce de la monnaie unique.
Couper l'aide de la BCE L'Allemand Jens Weidmann, membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) et gouverneur de la Bundesbank, a estimé jeudi que l'institution monétaire ne devait plus fournir d'aide d'urgence à la Grèce. La BCE maintient en vie le système bancaire grec par un goutte-à-goutte financier mais a gelé depuis une semaine ses prêts d'urgence aux banques grecques. Faute d'accord, elle pourrait les lâcher définitivement. La présidente de l'Union des banques grecques, Louka Katseli, également présidente de la Banque nationale de Grèce, a assuré jeudi sur la chaîne Mega que les liquidités étaient suffisantes jusqu'à lundi. Elle s'est montrée plus prudente quant à l'éventualité de saisies sur les dépôts des épargnants: "Plus vite nous revenons à un fonctionnement normal des banques, plus faible est le risque de coupes" dans les dépôts.
Avancées majeures Des avancées majeures ont été réalisées par Athènes, a estimé hier à Madrid le ministre français de l'Economie Emmanuel Macron, se disant raisonnablement optimiste sur les chances d'un accord entre la Grèce et ses créanciers et posant la question d'une restructuration de la dette. Je crois que des avancées majeures ont été faites ces deux derniers jours, a déclaré le ministre à Madrid au cours d'un forum économique, au lendemain de l'envoi par le gouvernement grec de ses nouvelles propositions aux créanciers. Le niveau de réformes est de nature à répondre aux attentes et cela permet d'être raisonnablement optimistes sur les chances d'un accord entre Athènes et ses créanciers, a-t-il déclaré. Dans ce contexte, il est évident que les éléments d'une restructuration de la dette se poseront, a dit le ministre, au lendemain de l'envoi par Athènes de ses nouvelles propositions aux créanciers, ajoutant qu'il faut avoir cette discussion au sein de la zone euro. Emmanuel Macron s'est prononcé contre une sortie de la Grèce de la zone euro, assurant que, même si les risques financiers immédiats sont cantonnés, il y aura des conséquences économiques. Ma conviction c'est que si on va vers le Grexit, on aura un haircut massif, a-t-il expliqué en évoquant le risque d'un effacement de la dette, qui pèserait alors sur les créanciers européens: On prendra les pertes, qui, selon le FMI dépasseraient pour les pays européens les 53 milliards. Dans le cadre des négociations en cours, a-t-il ajouté, la discussion portera sur deux options: Réduire le montant de la dette ab initio ou rééchelonner la dette, en insistant sur le fait que pour la France l'haircut ne semblait pas possible. Personne n'a parlé d'haircut, mais je pense que le fait que la question de la dette fasse partie de la discussion est important, cela fait partie de la crédibilité de l'ensemble, a-t-il déclaré ensuite à des journalistes. M. Macron a prévenu sur les risques d'un échec des discussions en cours. Il y aura des conséquences politiques. C'est que l'Europe reculera, et cette réversibilité, deviendra un élément de spéculation. On basculerait pour la première fois d'une zone politique et économique (...) à une zone de taux de change, a-t-il dit. Dans un entretien au quotidien El Pais, le ministre avait auparavant estimé que l'Europe traversait un moment de vérité historique, payant des erreurs qui l'avaient rendu de plus en plus divergente. Nos économies se sont éloignées, comme nos peuples. La crise grecque est le symptôme d'un problème bien plus profond (...) nous n'avons pas créé les mécanismes de solidarité qui doivent accompagner une zone monétaire. C'est un projet politique qui est resté une zone de (taux de) change.
Concertation à la mi-journée Les présidents de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, de la Banque centrale européenne Mario Draghi et de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem, ainsi que la patronne du FMI Christine Lagarde, vont se concerter vendredi sur les propositions d'Athènes en vue d'une nouvelle aide financière, ont indiqué deux sources européennes. Cette réunion par téléphone, prévue à 11H00 GMT, a été convoquée pour discuter des propositions parce que nous devons livrer une analyse conjointe à l'Eurogroupe, la réunion des ministres des Finances de la zone euro prévue samedi à Bruxelles, a expliqué l'une de ces sources. Il faut qu'on se parle au plus haut niveau, a-t-elle ajouté. Ces propositions de réformes économiques et sociales, préalable indispensable aux yeux des créanciers (BCE, UE et FMI) au démarrage de négociations sur un nouveau paquet d'aide qui permettrait à la Grèce d'éviter une banqueroute et la sortie de la zone euro, ont été envoyées mercredi soir par Athènes. Elles étaient étudiées hier matin par les directeurs du Trésor des 19 pays ayant la monnaie unique. Leur évaluation, ainsi que celle que feront la BCE et le FMI, sera cruciale pour la décision que prendront les ministres des Finances samedi. Dans un document de 13 pages intitulé Actions prioritaires et engagements, le gouvernement grec s'engage à adopter une grande partie des mesures proposées par les créanciers le 26 juin, et rejetées par les Grecs lors d'un référendum dimanche. Parmi les mesures proposées, figurent une hausse de la TVA, des suppressions d'avantages fiscaux pour les îles les plus riches et touristiques, et un relèvement de l'âge de la retraite.
Propositions sérieuses Le président français François Hollande a jugé hier que les dernières propositions d'Athènes étaient sérieuses et crédibles, ajoutant toutefois que rien n'est encore fait et que les heures qui viennent seront importantes pour un accord. Les Grecs viennent de montrer une détermination à vouloir rester dans la zone euro parce que le programme qu'ils présentent est sérieux et crédible. Ils vont le soumettre au Parlement, ce qui montrera de la force, de l'engagement et le le dis aussi, du courage, a dit le président à la presse. Il s'agit de tout faire pour qu'il y ait un accord, un bon accord, un accord respectueux des règles européennes (...), respectueux aussi des Grecs. Les heures qui viennent seront importantes. Rien n'est encore fait, mais tout doit être fait, a ajouté François Hollande. En Espagne où il effectue une visite, son ministre de l'Economie Emmanuel Macron a souligné la nécessité pour les Européens de discuter de la question de la restructuration de la dette de la Grèce, compte tenu des efforts financiers annoncés par Athènes. Le niveau de réformes est de nature à répondre aux attentes. Dans ce contexte, il est évident que les éléments d'une restructuration de la dette se poseront, a dit le ministre. Si la chancelière allemande Angela Merkel a redit jeudi son opposition à une réduction de la dette grecque, son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, a jugé que sa restructuration ou son rééchelonnement était un passage obligé. Dans un document de 13 pages intitulé Actions prioritaires et engagements, le gouvernement grec s'engage à adopter une grande partie des mesures proposées par les créanciers le 26 juin, et rejetées par les Grecs lors d'un référendum dimanche.
Hausse de la TVA Les propositions grecques envoyées jeudi soir aux créanciers, UE, BCE et FMI, comprennent une hausse de la TVA ainsi que des réformes des retraites et de la fonction publique afin d'augmenter les recettes publiques, en échange d'une aide financière sur trois ans. Selon le texte des propositions publié par le gouvernement grec, la Grèce souhaite une solution pour régler son énorme dette publique, à 180% du PIB, ainsi qu'un paquet de 35 milliards d'euros consacré à la croissance. Dans ce texte de 13 pages intitulé Actions prioritaires et engagements, la Grèce s'engage à adopter presque toutes les mesures proposées par les créanciers le 26 juin, qu'Athènes avait alors rejetées en annonçant la tenue d'un référendum. Plus particulièrement, les nouvelles propositions acceptent un système unifié des taux de la TVA à 23%, incluant aussi la restauration, qui jusqu'ici était à 13%. Pour les produits de base, l'électricité et les hôtels, la TVA reste à 13% et à 6% pour les médicaments, livres et places de théâtre. La hausse de la TVA était la pomme de discorde entre Athènes et ses créanciers pendant ces derniers mois de longues négociations. Le gouvernement propose la suppression des avantages fiscaux pour les îles (soit la réduction de 30% de la TVA appliquée depuis plusieurs années), à commencer par les îles les plus riches et touristiques, comme le souhaitaient les créanciers. Cette suppression va commencer en octobre et sera faite graduellement pour s'achever d'ici la fin 2016, précise le texte. Concernant l'âge du départ à la retraite, il est fixé à 67 ans ou 62 ans avec 40 ans de travail et sera relevé graduellement d'ici à 2022. Des réformes pour la déréglementation de certaines professions (ingénieurs, notaires) et du secteur du tourisme sont également prévues. Le plafond des dépenses militaires sera réduit de 100 millions d'euros en 2015 et de 200 millions en 2016 contre une réduction de 400 millions proposée par les créanciers. Le gouvernement grec accepte de limiter la hausse de la taxe sur les sociétés de 26 à 28 % comme le souhaitent les créanciers et de procéder au programme de privatisations des nombreuses entreprises publiques. Le Parlement grec doit se prononcer par un vote sur ces propositions afin de permettre ou non au gouvernement de négocier ce paquet de réformes, M. Dijsselbloem a estimé hier qu'un large soutien du Parlement grec donnerait plus de crédibilité aux propositions d'Athènes.