Après deux ans de réflexion et d'évaluation de la situation internationale, Washington a fait un virage à 180 degrés pour rendre complètement confidentielles les informations sur l'état de son arsenal nucléaire, jusqu'alors transparentes, a écrit le quotidien Nezavissimaïa gazeta. Selon le New York Times, les informations sur les réserves d'armements nucléaires ont été fermées sans aucune explication, comme le révèle une lettre du ministère américain de l'Énergie en réponse à une requête de la Fédération des scientifiques américains - qui promeut la transparence dans les questions relatives à la sécurité nationale et demandait des précisions sur le nombre d'ogives nucléaires. "Les informations demandées ne peuvent être fournies à l'heure actuelle", a fait savoir le ministère. Les informations sur l'arsenal nucléaire américain, soit l'ensemble des ogives nucléaires à disposition des forces armées américaines, avaient été rendues publiques en mai 2010. En 2014, on avait appris le nombre total d'ogives obsolètes à démanteler (2.500 unités). Au 30 septembre 2016, les États-Unis disposaient d'un total de 4.018 munitions nucléaires stratégiques et tactiques déployées ou stockées, et d'encore près de 2.800 munitions nucléaires retirées du service pour être recyclées, écrit le quotidien Nezavissimaïa gazeta. D'après les informations publiées, au 1er mars 2017 les forces nucléaires stratégiques comptaient un total de 673 vecteurs stratégiques déployés, notamment des missiles intercontinentaux, des missiles embarqués par des sous-marins et des bombardiers lourds, à bord desquels se trouvaient à cette date 1.411 ogives nucléaires stratégiques. Au 5 février 2018, conformément au traité russo-américain sur la réduction des armes stratégiques (START-3), les deux États devaient disposer d'un maximum de 1.550 ogives en service. De plus, les restrictions portaient sur les missiles intercontinentaux, les missiles à bord de sous-marins et de bombardiers lourds, ainsi que les vecteurs. Le ministère russe des Affaires étrangères et le département d'État américain avaient annoncé avoir rempli les conditions du START-3 dans les délais impartis. L'absence d'informations sur le volume exact de l'arsenal nucléaire américain rend impossible le contrôle des ogives sur les vecteurs d'armes nucléaires. Les méthodes actuelles de calcul supposaient une prise en compte séparée pour les ogives opérationnelles; pour les ogives opérationnelles compte tenu de celles qui peuvent être installées sur des vecteurs conformément aux accords de restriction; et, en plus, pour les ogives opérationnelles et celles qui peuvent être installées dans le cadre du START-3, ainsi que les ogives opérationnelles dans les arsenaux. Selon les experts, la réticence de la Maison blanche à fournir ce genre d'informations témoigne de la volonté d'exercer une certaine pression sur la Russie et la Chine. Auparavant, les autorités américaines avaient critiqué plusieurs fois la confidentialité des réserves nucléaires chinoises. L'incertitude et l'opacité des programmes nucléaires coréens suscitent également la nervosité des Américains. Les experts remarquent que le Pentagone aurait également pu classer confidentiel son arsenal nucléaire à cause de sa réduction en raison de l'obsolescence des matières actives. D'après les informations des sources ouvertes, les analystes concluent que les USA ne sont pas en mesure de conserver les mêmes capacités nucléaires - même dans les limites fixées par les accords avec la Russie. D'après les experts, la durée d'exploitation d'une bombe au plutonium avoisine 30 ans. Une fois que ce délai est écoulé, il faut procéder à une inspection, remplacer les pièces de la charge à courte durée de vie et traiter le noyau de plutonium afin de lui redonner ses propriétés initiales. La possibilité d'obtenir du plutonium militaire est actuellement remise en question aux États-Unis. De plus, de facto, l'Amérique s'est unilatéralement retirée du traité avec la Russie sur le recyclage du plutonium militaire en excès visant à recycler l'excès de plutonium dans les réacteurs industriels afin qu'il ne puisse plus être réutilisé dans le programme militaire. Suite aux transgressions de Washington et compte tenu de l'"apparition d'une menace à la stabilité stratégique résultant des actions hostiles", le président russe Vladimir Poutine a suspendu cet accord. Les États-Unis ont également besoin d'entretenir les charges thermonucléaires du Pentagone, qui se dégradent plus rapidement que celles au plutonium à cause du grand nombre de composantes utilisées et des matières fissiles. Par ailleurs, la production de tritium utilisé dans de telles munitions a été considérablement réduite: le réacteur civil Watts-1 n'a pu fournir qu'un tiers de la quantité nécessaire de tritium à cause de son usure. Les médias supposent que compte tenu du volume de tritium nécessaire annuellement pour renflouer les réserves et du rythme de retrait des anciennes ogives du service, les États-Unis disposent de suffisamment de tritium pour seulement deux ou trois cycles d'entretien de l'arsenal existant. Le Pentagone a adopté un programme pour réduire la puissance des ogives nucléaires. En janvier 2019, les États-Unis ont entamé la production du premier lot d'ogives nucléaires de puissance réduite W76-2 conçues sur la base des W76-1 et prévues pour les missiles embarqués par les sous-marins Trident II. Selon les experts américains, la nouvelle ogive affiche une puissance de 5-6 kilotonnes, contrairement à la version précédente conçue dans les années 1970, de 100 kt. D'ici 2024 devrait être mise en service la bombe thermonucléaire modifiable polyvalente B61-12, qui sera embarquée par les bombardiers stratégiques et l'aviation tactique. La puissance de la B61-12 peut être réglée dans un intervalle de 0,3 à 400 kt. La modernisation se déroule officiellement afin de maintenir l'état opérationnel de l'arsenal. Mais selon le directeur des projets d'information nucléaire de la Fédération des scientifiques américains Hans Kristensen, la nouvelle version de la B61 sera la première bombe nucléaire guidée de l'armée de l'air américaine, et son déploiement deviendra la "modernisation la plus significative de l'Otan depuis les années 1980". Les médias occidentaux ont déjà rapporté que cette munition serait déployée en Europe après sa mise en service. Le renforcement massif des armements nucléaires par les États-Unis a notamment été confirmé par l'intention de Washington de se retirer du traité FNI - qui était un accord bilatéral entre les États-Unis et la Russie. D'autres pays détenteurs de l'arme nucléaire, avant tout la Chine, n'y participaient pas, ce qui était l'une des raisons invoquées par Donald Trump au profit de sa suspension. La classification des informations sur l'arsenal nucléaire change radicalement la pratique de transparence du ministère américain de la Défense dans ce secteur, qui avait duré neuf ans. Avec l'adoption début 2018 de sa nouvelle Doctrine nucléaire, le Pentagone recevra environ 400 milliards de dollars pour moderniser et renouveler sa triade stratégique d'ici 2026, et 1.200 milliards de dollars dans les trente prochaines années.