Nissan s'attend à accuser son plus mauvais résultat en 11 ans lors de l'exercice en cours, le deuxième constructeur automobile japonais tournant difficilement la page de la crise provoquée par la disgrâce de son président Carlos Ghosn. Cette contre-performance, imputée à la crise à la tête du groupe et aux difficultés rencontrées sur le marché américain, accentuera sans aucun doute la pression sur le directeur général Hiroto Saikawa, déjà engagé dans une profonde réforme de la gouvernance et dans un difficile bras de fer avec Renault sur les équilibres futurs de l'alliance automobile franco-japonaise. Nissan, détenu à 43% par son partenaire français, prévoit une chute de 28% de son bénéfice opérationnel à 230 milliards de yens (1,9 milliard d'euros) sur l'exercice qui s'achèvera en mars 2020, contre 318 milliards de yens sur l'exercice passé, au plus bas depuis l'exercice 2009 qui s'était soldé par une perte. Le consensus Refinitiv donnait, sur la base des estimations de 23 analystes, une prévision de 457,7 milliards de yens sur 2019-2020. Cette prévision vient s'ajouter à l'annonce d'une chute de 45% du résultat sur l'exercice clos en mars dernier. Ces mauvais résultats pourraient plaider pour une plus grande intégration entre Renault et Nissan, bien que plusieurs dirigeants du groupe japonais s'opposent à l'idée d'une fusion, contraire selon eux au nécessaire rééquilibrage de l'alliance en faveur de la partie japonaise. "Aujourd'hui, nous avons touché le fond du fond", a dit Hiroto Saikawa au cours d'une conférence de presse, ajoutant qu'il souhaitait voir Nissan renouer avec son niveau de performance d'origine d'ici deux à trois ans. "La plupart des problèmes auxquels nous sommes confrontés sont un héritage négatif de notre ancien leader", a-t-il poursuivi, faisant référence à Carlos Ghosn. Selon lui, l'entreprise a réagi trop lentement à ces problèmes. Renault baisse en bourse Nissan a également fortement corrigé à la hausse la rémunération totale de Carlos Ghosn sur plusieurs exercices, le contraignant à comptabiliser une provision de 4,4 milliards de yens. Le constructeur avait laissé entendre le mois dernier que son bénéfice annuel allait baisser à cause des importantes remises octroyées aux Etats-Unis, son premier marché. Des années durant, il a soutenu les ventes de son SUV Rogue et de sa berline Altima grâce notamment à des extensions de garantie, afin d'atteindre les objectifs de ventes volontaristes fixés par Carlos Ghosn. Malgré cela, les ventes de Nissan aux Etats-unis ont chuté de 9,3% à 1,44 million d'unités sur l'exercice écoulé. Ces mauvais résultats, conjugués à l'abandon par Nissan de l'objectif de marge du son plan stratégique de moyen terme présenté l'an dernier par Carlos Ghosn, ont aussi pesé mardi sur l'action Renault, qui perdait 3% en début d'après-midi. Nissan a fait ses annonces après la clôture du marché boursier japonais. Le titre est en baisse de 2% environ depuis le début de l'année, après avoir effacé 20% de sa valeur boursière l'an dernier. Nissan ne vise plus qu'une marge opérationnelle de 6% environ d'ici 2022, contre un objectif précédent de 8%, et un chiffre d'affaires de 14.500 milliards de yens au même horizon, contre 16.500 milliards visés jusqu'ici.
Saikawa critiqué L'agence Kyodo a rapporté mardi que le parquet de Tokyo avait requis une révision de ses chefs d'inculpation contre Carlos Ghosn, apportant des éléments plus détaillés sur les transferts de numéraire présumés impliquant l'ancien homme fort de Nissan et un ami saoudien. Actuellement en liberté sous caution et dans l'attente de son procès au Japon, Carlos Ghosn a été inculpé pour malversations financières et enrichissement personnel aux dépens de Nissan. Il nie toutes les accusations portées contre lui et s'estime victime d'un complot. Le scandale, qui a fragilisé Nissan, Renault et l'alliance Renault-Nissan, fait craindre que le groupe japonais peine à retrouver son rang après le départ brutal de son président charismatique, artisan du redressement de Nissan et du rapprochement avec Renault à la fin des années 1990. Considéré comme un protégé de Carlos Ghosn jusqu'à ce qu'il devienne lui-même directeur général de Nissan en 2017, Hiroto Saikawa est désormais critiqué pour ne pas avoir fait davantage pour limiter le pouvoir de Carlos Ghosn et ne pas avoir empêché la dégradation de la performance de Nissan depuis l'année de sa promotion.