Sans autre forme de procès, l'Etat algérien, par l'intermédiaire de Azzeddine Mihoubi, secrétaire d'état auprès du Premier ministre, chargé de la Communication, a « invité » la chaîne « Nesma TV » de quitter l'Algérie,dans un délai de 15 jours, sous peine de mesures unilatérales de fermeture et d'expulsion. Cette mesure, qui passerait pour ubuesque dans n'importe quelle république bananière, évoquerait des raisons sans fondement sérieux. En fait, cette chaîne de TV, de plus en plus prisée par les Algériens, et qui s'interdit ne serait-ce que d'évoquer des sujets politiques, a été prise en flagrant délit de lèse régime. Et pour cause ! Elle a violé un tabou sacro saint: Donner la voix à des artistes algériens qui ne sont pas en odeur de sainteté au sein de l'oligarchie. Nesma TV a laissé s'exprimer des artistes ! Quelle complot! Et quel péril mortel ! Nesma TV n'a pas compris que ces artistes là, ceux qui ne bêlent pas leur soutien aux fossoyeurs de l'Algérie, ceux qui ne bouffent pas avec les chiens, ceux qui préfèrent crever que de se compromettre avec le régime, ces artistes là, le régime les a enterrés vivants. Après les avoir affamés, après les avoir réduits à l'indigence, après avoir descellé, brique par brique, toutes les structures culturelles qui leur permettaient, un tant soit peu de s'exprimer, après avoir tué le cinéma algérien, né dans le sang et la lutte, après avoir réduit l'expression théâtrale à quelques vagues bâtisses pompeusement qualifiées de « Maisons de la Culture », après avoir poussé à l'exil les écrivains, les poètes, les musiciens, après avoir remplacé l'artisanat en bazar Taïwan, et les arts lyriques en gasbathèques beuglantes, après la clameur stérile de coûteux festivals qui se voulaient aussi grandioses qu'ils étaient loufoques, le régime d'Alger avait réussi ce que même le colonialisme n'avait pu seulement envisager: Tuer l'âme algérienne, en faire un succédané de pseudo valeurs. Pour lui, rien ne doit subsister qui puisse faire refleurir le bourgeon transi. Et Nesma TV a violé, sans le savoir, ou en connaissance de cause, un tabou inviolable: Donner la parole à des artistes talentueux, justes, intègres et qui ne craignent pas de dire d'un charognard que c'est un charognard. Mais tant va la cruche à l'eau… Aujourd'hui, les oukazes des régimes despotiques sont devenus dérisoires et ridicules. Pour autant que Nesma décide de poursuivre la belle aventure qu'elle a entreprise, ce n'est pas une interdiction d'émettre depuis l'Algérie qui va la contraindre. Le régime vient de lui faire une publicité inestimable. A elle d'en tirer les enseignements utiles.