De toutes les insanités, insipidités, et autres funestes plaisanteries proférées par l'inénarrable Sellal durant la campagne présidentielle de 2014 qu'il dirigea _ une inédite fumisterie _, il en est une qui s'est plantée dans mon cerveau et se refuse à en sortir. Comme une véritable épine dont ma tête souffre encore. A une question qui lui fut posée à propos de l'usage fait par nombre de jeunes bénéficiaires des prêts généreusement octroyés par l'Ansej (et transformés en achats de voitures de tourisme, célébrations de mariages, etc...), celui-ci répondit, d'un ton plein de morgue: « et après! ». La répartie, pauvre dans sa substance, signifiait : »On fait ce qu'on veut, et on vous em…! »; elle traduisait, si besoin était, l'impunité dont il est fait étalage en haut lieu depuis 1999, et la surdité opposée aux protestations contre l'indécence du 4ème mandat. L'Etat finançait les noces des jeunes, leur offrait des berlines neuves hors de portée du salarié moyen et un effacement de leurs dettes, avec pour seule contrepartie une reconnaissance « utile » de leur part, et ne trouvait nullement aberrante ou contre-productive sa démarche. En d'autres termes, de l'argent, il n'en manque pas quand il s'agit de pérenniser la « stabilité », ce terme par lequel il continue d'habiller l'opération de crétinisation de pans importants de la nation. Nous n'étions pas devant des individus sans scrupules qui flouaient l'Etat en détournant des produits subventionnés pour les écouler dans l'informel; au contraire, on assistait à l'exhibition de la capacité de ce dernier à se moquer d'une société (en attente de gestes forts de stimulation de l'économie par la promotion de la valeur travail, seule à créer des richesses) en faisantclaire démonstration d'une gestion, à la fois ubuesque et criminelle, des deniers publics. A s'entêter à casser l'intelligence au lieu de la cultiver, le pouvoir reproduit la même politique que l'ex-colon, avec le même effet dévastateur qui a accordé un si long sursis à l'occupation avant le sursaut révolutionnaire; il en connaîtra, fatalement, la même fin. Je demeure chaque fois ahuri devant sa prodigieuse inventivité quand il s'agit de mettre en place des politiques d'embrigadement (par la rémunération alléchante) de franges entières de la population à des fins démagogiques, mais je dois reconnaître que, même s'il a tort, il reste cependant conséquent avec lui-même; en revanche, je ne peux m'empêcher d'éprouver un sentiment de nausée quand je m'aperçois qu'il ne rencontre aucune difficulté à trouver des acteurs qui se chargent d'en faire la promotion. La désinvolture, sidérante, avec laquelle Sellal, un de ses plus hauts représentants, répondit, m'a indigné, non pas parce qu'elle trahissait le déplorable niveau intellectuel de ce dernier (le pauvre bougre, il fit tant pour le prouver au cours de ses meetings qu'il en devint réellement pitoyable!), mais parce qu'elle constitua l'exemple type de cette extraordinaire, et non moins humiliante, vassalité que ces laquais de haut niveau scolaire peuvent témoigner en ces occasions. Gravissime, cette disponibilité d'énarques, d'universitaires (dont certains de haut rang), à assurer l'exécution des consignes les plus choquantes. J.P.Chevènement, ancien ministre de l'intérieur français, a laissé derrière lui une célèbre boutade: »un bon ministre, ça ferme sa gueule ou ça claque la porte! » avait-il dit; si l'on excepte les cas de Mr Rahabi, ancien ministre, et de Mr Benbitour, ancien premier ministre, aucun de nos responsables, même lorsque la justice s'intéressa aux actes de certains, n'a jamais cédé à ce réflexe d'orgueil qui aurait donné à réfléchir à sa hiérarchie et servi de précédent à ses pairs. Comment peut-on abandonner, quels que soient les privilèges liés à la fonction occupée, une parcelle de sa dignité de personne de formation supérieure sans éprouver des remords, le soir, face au miroir de la salle de bains, ou face aux regards de l'épouse et des enfants? Cette question de la conscience me taraude l'esprit et attise la brûlure dont ma tête continue de subir le tourment. On peut admettre qu'un jeune homme de faible instruction soit sensible à la corruption, mais un diplômé d'une grande école s'abaissant jusqu'à mentir, dire des absurdités, louer par le grotesque, ou enclencher des processus susceptibles de nuire à l'intérêt de son pays est une chose absolument répugnante, que la faiblesse de la nature humaine n'empêche pas de condamner. Souvenons-nous de ce professeur de médecine qui, lors de l'évacuation du président de la république au Val-de Grâce en avril 2013, déclara avec aplomb qu'il s'agissait d'une affection bénigne qui ne nécessiterait pas plus d'une semaine d'absence (contredit par la suite des événements, il aurait dû émigrer en Patagonie). Serait-il possible que tous ces commis de l'Etat aient à ce point vendu leur âme au diable? Même les maffiosi de Sicile se prévalent d'un code d'honneur! Et c'est cela qui incite à ne plus se suffire de l'indignation. Et c'est cela qui oblige à entrer sans plus tarder dans l'ère de la mise d'une franche réprobation de la moralité de ces lascars sur la place publique. « Tous pourris! Tous des menteurs!A qui se fier! », se lamente le bon peuple, à juste raison, lorsqu'il apprend que ces gens se font, en outre, soigner à l'étranger sans payer un sou, achètent des habitations et des fonds de commerce dans les grandes capitales du monde, et prodiguent à leurs enfants une meilleure instruction ailleurs. Pendant ce temps-là, un autre énarque, celui-là rompu aux basses besognes, et grand éradicateur devant l'éternel (en attendant une miraculeuse rencontre avec un destin national), invite Madani Mezrag, devenu une personnalité par on ne sait quelle grâce, aux « larges consultations » sur la révision de la constitution: cela s'appelle, paraît-il, faire de la politique. Pendant ce temps-là, l'on vilipende la nouvelle ministre de l'éducation nationale en s'en prenant à sa filiation: cela s'appelle, et avec certitude, s'enfoncer dans une régression qui ne sera jamais féconde. Pendant ce temps-là, il est dit que R.Boudjedra, grand romancier, se délecte de la vie privée de Y.Khadra, un autre grand romancier: écoeurant, non! Pendant ce temps-là, le M'Zab brûle dans une indifférence absolue.