En réponse à la « campagne insidieuse » dont serait victime le secteur de l'énergie, un séminaire de formation de journalistes a lieu au siège du dit-ministère, apprend-on dans le Quotidien d'Oran de ce lundi; il durera cinq jours, pendant lesquels des experts( non identifiés), et les principaux responsables du ministère, expliqueront à ces derniers de quoi il est question lorsqu'on parle des gaz de chistes. Au moment où l'opinion nationale manifeste vigoureusement contre cette volonté, arrêtée en haut lieu, d'explorer et d'exploiter les potentialités du pays en hydrocarbures non conventionnels sans la consulter, le Ministre de l'Energie opte pour une vulgarisation de ses thèses par l'intermédiaire de journalistes briefés par les soins de son administration. Trente journalistes, gens dont la vocation est de chercher l'information, de veiller à se la procurer auprès de sources différentes, et d'en faire une synthèse objective avant de la livrer au public pour appréciation, vont donc se retrouver, par la magie d'un séminaire de cinq jours, aptes à « éclairer l'opinion publique, en connaissance de cause » (dixit Mr le Ministre ») sur un thème technique des plus controversés. Nous voilà en présence d'une formule géniale, que le gouvernement devrait transposer à tous ses domaines d'intervention (éducation nationale, finances, santé, culture, commerce, etc...): former des « cavaliers de la plume » pour contrer toute opposition à ses orientations. Un nouveau créneau, à risque cependant, pour la filière journalistique. Les connaisseurs de la réalité des choses apprécieront certainement la manœuvre, pernicieuse, pour contourner leur demande d'un véritable débat contradictoire au sein d'assises dignes de ce nom. On sent là comme un retour à l'ère de la Pensée Unique qui insulte une société désireuse de vivre au 21ème siècle. Il y a quelques jours, on apprenait que les députés ont donné leur »feu vert » au projet ministériel en recommandant cependant de « veiller à économiser l'eau qui sera employée ». Du burlesque au tragique, il y a parfois un simple pas à franchir; le ridicule est en passe de devenir le label qui caractérise toute action de nos gouvernants. Continuons. On apprend aussi de Mr A.Hached, conseiller au ministère en question, et bombardé pour la circonstance du titre ronflant d'expert international (rien que ça!), qu' »en dépit de tout ce qui a été dit sur le gaz de schiste, son exploitation est inévitable en Algérie, mais aussi en Europe », qu' »il faut oublier, pour le moment, cette histoire de Peak-Oil, car il y aura, encore, du pétrole », et qu'à l'horizon 2040, « le mix énergétique sera constitué de 80% d'énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon »). « Les gens qui travaillent dans le secteur ne sont pas irresponsables », nous rassure Mr le Ministre. Dormez, braves gens, nous veillons sur vous! Le professeur Sid-Ali Boukrami dit dans le quotidien Liberté, et le même jour, « les Américains exigent aujourd'hui une baisse du prix du pétrole qui sera incontournable. C'est une question de survie. S'il n'y a pas une baisse des prix de l'énergie, le système économique mondial va s'effondrer, et tout le monde est d'accord là-dessus ». Il ajoute: »l'Algérie ne vaut sur la scène internationale que par ses capacités énergétiques. Honorer ses contrats, tel est le seul rôle qui lui est assignée », puis : »C'est une question extrêmement sensible. La sécurité, c'est le pétrole », et d'asséner: »Gérer la rareté, c'est gérer correctement », en citant l'exemple du Japon, le pays le moins doté de ressources énergétiques dans le monde, qui a parié (et gagné son pari) sur le capital humain et productif. Enfin, il avertit que pour soutenir le niveau actuel de consommation d'électricité, l'Algérie devra renouveler son parc de centrales électriques tous les cinq ans, « ce qui est impossible à faire », selon lui. Voilà un bien différent son de cloche que le ronronnement officiel! Mais laissons Mr Boukrami poursuivre: » Il y a un problème d'utilisation des ressources en Algérie. Il ne faut pas se disperser. Il vous faut bien gérer ce que vous avez. Ce ne sont pas les problèmes économiques qui doivent déterminer la politique énergétique, mais l'inverse…Il s'agit d'introduire progressivement la notion de plafonnement des ressources, surtout celles non renouvelables. On ne peut pas parler de rationalité, de stratégie, de gestion, de concepts de management tant qu'il n'y a pas de contraintes de ressources. L'économie consiste à faire des arbitrages entre les différentes ressources en y introduisant les coûts ». Voilà un avis qui mérite réflexion, et il y en a d'autres, mais ce sont les haussements d'épaules dont on gratifie leurs auteurs qui nous révoltent, et nous font crier: Arrêtez, ça suffit de nous prendre pour des cons!