par MTM L'information, publiée par El Khabar Hebdo concernant les déboires financiers de la société Sersou, est une révélation importante, malgré la dénégation étrange de l'auteur de la nouvelle qui affirme que ce n'est pas un scoop. On ne sait pas si c'est de la frilosité ou de la fausse modestie. La mise sous projection de l'affaire de cette société, jusque-là inconnue du grand public, et sa détention par le général Belkheir sont en effet loin d'être un potin ordinaire. Pour l'opinion publique qui est toujours maintenue dans un brouillard épais quand il s'agit de la vie privée notamment les biens et possessions des responsables et des hommes publics qui président pourtant à son destin. Le public a le droit de connaître les connexions entre le monde politique et le monde des affaires. En l'absence d'un Etat de droit et d'une justice indépendante, ces relations s'apparentent à des connivences dont l'objet est l'enrichissement illégal en contournant les lois de la république, en ruinant les concurrents, en usant de pratiques déloyales par la subordination, l'abus de pouvoir et le trafic d'influence. Pour lutter contre cette culture de prédation, les journalistes ne doivent pas se montrer frileux et ont le devoir d'informer le peuple. Et il n'est pas nécessaire d'attendre des ennuis judiciaires ou financiers, comme indiquer par le journaliste, pour informer les citoyens des fortunes de ses hauts responsables. Plus étrange encore, le journaliste Larbi Zouak semble ignorer les craintes des responsables de recourir à des prête-noms pour se livrer à des activités lucratives en parallèle à leurs responsabilités politiques. Ses interrogations à ce sujet ont de quoi surprendre. La seule indication d'un lien entre une société privée et un général ou un homme public impopulaire, tel que Belkheir, suffit pour entraîner des conséquences néfastes sur la santé financière et l'avenir de cette société. Pour se venger de l'état d'asservissement dans laquelle elle est maintenue, les couches touchées dans sa chair et dans son amour-propre par médiocrité générale, aura une occasion en or de se défouler sur un larbin haut placé ou sur un tyran en boycottant, spontanément de manière coordonnée, les produits des leurs entreprises s'ils sont destinés au marché local. L'opinion largement profondément ancrée chez l'Algérien sur l'origine douteuse de fortunes des hauts responsables ne peut qu'accentuer leur mauvaise réputation et nuire à leur business. Contrairement aux taux de participation et les résultats d'un scrutin, les citoyens, en tant que consommateurs informés et éclairés par ce genre de « potins », ne peuvent être manipulés. Ce qui soulève la curiosité dans la flambée subite des nouvelles sur les scandales en haut lieu et les affaires de corruption, ces derniers jours, sur El Khabar Hebdo et repris par d'autres organes indépendants, c'est leur énormité qui frise l'invraisemblance. Est-ce un glissement vers un journal à sensation en quête d'une popularité nationale ? On n'est en droit de se le demander même si le journal jouit déjà d'une certaine crédibilité par un professionnalisme appréciable et par la qualité des analyses et des interviews. En effet si l'on analyse un autre article qui révèle l'acquisition d'un appartement à Paris par le ministre islamiste des travaux publics, on reste médusé par sa teneur. Au-delà de la suspicion sur l'origine de l'argent qui a servi à l'achat de l‘appartement, le ministre serait carrément couvert d'opprobre par le président de la république qui lui porte contre lui de très graves accusations de corruption et de dilapidation de deniers publiques. Le scoop — cette fois, c'en est un et il est de taille — c'est que le président aurait avoué, d'après le journal, que des membres du gouvernement et des hauts responsables sont de la pourriture puisqu'ils toucheraient de commissions de 5% de commission sur les marchés qu'ils gèrent. Une corruption si profonde et si générale que le président l'aurait présentée comme une règle admise ou une fatalité avec laquelle il s'en serait accommodé au grand mépris de la loi, de la foi et du serment solennel de respecter la constitution. L'Algérie serait officiellement une république bananière... A ce niveau des révélations consternantes, soit que le journal se prend pour le café du coin où les commérages vont bon train et reprennent à son compte avec désinvolture les ragots qui attentent à l'honneur et à la réputation du président et de toute son équipe gouvernementale, soit qu'il dit vrai et un autre constat plus grave s'impose alors. Dans le premier cas, on se demande pourquoi ni monsieur Ghoul ni le pouvoir ne se sont manifestés pour user de leur droit de réponse ou simplement traduire le journaliste devant les tribunaux pour diffamation et outrage au chef de l'Etat et à un corps constitué. Rien de plus facile à des représentants de l'Etat de recourir à cette solution classique sans tambour ni trempette. Le juge aura toutes les latitudes de laver l'honneur du président et mettre en garde, par la même occasion, tous les journaux qui s'aviseraient à franchir le Rubicon. Mais le mutisme semble de rigueur du côté des autorités. Un silence abyssal, inquiétant, car il confirme l'authenticité des informations. D'après le même article-scoop, le président se serait démarqué de son ministre 20 % et de la pourriture qui sert de ministres et aurait déposé, tout bonnement, plainte contre X pour dilapidation de deniers publics. Ghoul, Barakat et même son homme de confiance Sellal seraient dans le collimateur. On nage en plein brouillard. L'attitude des autres journaux indépendants alimente cette confusion créée par les révélations d'El Khabar Hebdo, puisque ces journaux ont royalement ignoré ces « détails » et n'ont retenu que l'appartement acheté par Ghoul à Paris. Pourquoi les informations sur Belkheir, Barakat et Ghoul seraient-ils crédibles et, dans le même temps, des informations autrement plus graves émanant de la même source seraient-elles bonnes à jeter aux orties ? C'est bien connu, l'Algérie est un pays où la rumeur publique et le radiotrottoir ont toujours été un moyen d'informations complémentaires sinon prépondérantes aux canaux d'information officiels et traditionnels. Porteurs des non-dits et des autrement-dits, les ouï-dire, s'imposent à la rue presque comme un besoin pour compenser le manque de sérieux, le mépris et l'anachronisme du procédé et de la rhétorique infantilisant qui illustrent le traitement de l'information et la politique de communication des pouvoirs publics. Mais si les rumeurs sont un produit de la rue et n'engagent personne, il n'en est pas de même pour les informations rapportées par les journalistes. Les révélations d'importance capitales, telles les concussions de 5 % et de 20 % par des ministres et dont le président serait au parfum, doivent être vérifiées par plus d'une source. A défaut ils deviennent un moyen de désintoxication nuisible au pays et décréditent le journal même s'il est un journal à gros tirage. Adm: Ce texte était initialement un commentaire.