La déclaration de Abdelhakim Bettache, président de l'Assemblée populaire d'Alger, à une télévision étrangère sur la statue de Massinissa, n'a pas manqué de susciter une réaction de désapprobation du Haut Commissariat à l'amazighité (HCA) qui voit là une tentative de l'heureux élu des dernières élections locales de s'attribuer la paternité de l'initiative. Ce dernier prévoit d'ériger la statue le 20 avril prochain, ce que rejette le HCA. En effet, une mise au point a été faite, hier, par son secrétaire général à l'occasion du forum «Tamazight et le service public» tenu au siège de l'APS. Dans un communiqué qui rappelle que «Massinissa est plus que jamais d'actualité», Si El Hachemi Assad a tenu à remercier le wali d'Alger Abdelkader Zoukh de l'intérêt qu'il manifeste au projet de la statue du grand aguellid, fondateur du premier Etat numide qui s'étendait d'ouest en est (jusqu'à 600 km à l'intérieur de la Libye). Il est également rappelé qu'à l'origine, cette initiative met en partenariat le HCA et l'APC d'Alger-Centre. Il a été lancé un concours national pour la réalisation et l'installation de la statue à la place Tafourah sur «un socle proportionnel aux dimensions de l'œuvre». C'est le groupement «Iguel Décoration Sculpture» qui a été retenu, après deux précédents appels d'offres infructueux. Il a un délai de sept mois pour sa réalisation. Des délibérations ont eu lieu le 15 février dernier, le jury étant composé, dit-on, de compétences dans les domaines des arts et de l'histoire. D'ailleurs, Hirèche Mohamed El Hadi, professeur à l'Université Alger 2, insiste, pour sa part, sur la prise en charge sérieuse à la mesure de la stature du roi Massinissa «bien que, malheureusement, dit-il, nous ne disposions que d'un seul et unique portrait de l'aguellid et quelques rares détails approximatifs fournis par les historiens de l'Antiquité dont le Grec Hérodote». D'où l'approche sourcilleuse dont on veut faire preuve pour cette réalisation majeure, nous dit le professeur. Ce dernier indique que le choix s'est porté sur une grandeur plus que nature (3 m). Le socle comportera le nom Massinissa en arabe et en tamazight. Mieux, pour se faire déjà une idée, il nous invite à imaginer le roi, une main tenant une épée et l'autre, la paume de la main vers le sol, légèrement levée signifiant «cette terre est la nôtre». C'est dire le souci du détail et de la symbolique pour ce personnage de notre histoire antique dont se revendiquent tous les Algériens. C'est pourquoi, souligne-t-on, il convient d'éviter coûte que coûte les erreurs du passé comme ce fut le cas pour la statue de Ben Badis à Constantine très vite rejetée par la population locale ou le buste de Jugurtha, présenté à l'occasion des journées d'étude organisées dans cette ville par le HCA, jugé trop vieux par rapport au personnage dans la force de l'âge. Il est question, dans la foulée de cette controverse opposant le président de l'APC d'Alger-Centre au HCA, d'autres statues à Aïn-Témouchent (Syphax), Bouira (Takfarinas) et Annaba (Jugurtha). La wilaya de Tizi-Ouzou semble avoir fait l'économie des spéculations inutiles pour plus de réalisme dans la concrétisation de ce type de projets. Résultat : plusieurs statues des chefs historiques de la Révolution de Novembre 54 accueillent le visiteur. La dernière statue en date est celle dédiée à Hocine Aït Ahmed, autre chef historique et fondateur du FFS. Ce bel hommage ne doit pas faire oublier l'hostilité d'une certaine catégorie de la population qui voit là une résurgence d'un paganisme qui ne dit pas son nom. Ainsi, en est-il du vandalisme de la stèle de Dihya à Baghaï (Batna) en août 2016, et la levée de boucliers qui s'ensuivit après, puis tout près de nous, la détérioration de la statue de Aïn-el-Fouara (Sétif) par un hystérique passé dans la postérité sous le sobriquet de «boumarteau», en décembre dernier. De ce point de vue, matérialiser une idée, une histoire chez nous risque d'être problématique par ignorance du but recherché. Brahim Taouchichet