C'est sans le moindre petit détour que Abderrezak Dourari, le professeur, linguiste et anthropologue, s'est livré pour dire le fond de sa pensée dans tout ce qui a trait à tamazight, question revenue, si tant est qu'elle ait à un moment ou un autre éclipsé, pour occuper le débat notamment depuis quelques jours avec la remontée des passions au sujet de sa transcription. Dans un entretien accordé au journal online TSA, Abderrezak Dourari, que beaucoup attendaient à ce qu'il soit nommé à la tête de l'Académie algérienne de la langue amazighe, s'est distingué, doit-on le rappeler, en démissionnant deux jours après sa nomination «juste» en tant que membre, en janvier dernier. Une sortie que l'intéressé justifie par le fait qu'il ne peut s'impliquer dans une institution dont le texte de loi inhérent à sa création a été trituré par le gouvernement. De plus, confie-t-il, son nom a été joint à la composante de l'Académie sans qu'il le sache au préalable puisqu'il l'a appris par voie de presse, en conséquence, il a choisi la même voie pour annoncer son départ. Un retrait qu'il ne regrette pas du tout puisqu'il ne s'inscrit pas dans «les choix politiques du gouvernement dans ce cas précis» tout en assurant qu'il n'est pas seul dans ce cas. En fait, ce qui n'a pas enchanté Abderrezak Dourari de faire partie de l'Académie c'est que le statut de celle-ci est « inadéquat et ne ressemble pas à celui d'une académie». Et au professeur d'arguer que «le statut de l'Académie de la langue amazighe est trop étroit pour remplir ses missions qui sont d'une extrême complexité. Tamazight a été manipulé par les partis au pouvoir et particulièrement par le FLN depuis l'indépendance. Je le nomme et je le dis, le FLN c'est lui qui a donné la légitimité à tous les gouvernants depuis l'indépendance et il a une façon étriquée de voir le champ culturel et linguistique» avant de se révéler encore un peu plus acerbe dans son point de vue pour préciser que «le FLN a manipulé la question identitaire et linguistique. Depuis l'indépendance, il n'a fait que ça. C'est par opposition au discours officiel tenu notamment par le FLN que s'est constituée toute la mouvance de revendication de tamazight, de la culture et de la démocratie. Même les extrémismes dans le domaine identitaire, ils se sont formés en s'opposant au discours du FLN qui était un discours fantasmatique de l'identité algérienne qu'il avait déréalisé. Le FLN ne s'inscrivait pas dans l'histoire du pays qui est la berbérité.» C'est en tout point de vue un entretien qui met au jour une immense frustration chez le professeur Dourari, à laquelle a fini par aboutir la démarche du pouvoir pour mettre fin au déni identitaire. Et ce n'est pas la composante de l'Académie qui a pour don d'atténuer le coup subi par celui que beaucoup voyaient à la tête de cette institution. «De là à aller accepter des gens avec une simple licence ou avec un magistère dans l'académie, ça, c'est une folie furieuse. Mieux que cela, quand on voit les gens retenus comme membres dans cette académie, c'est déjà une manière de l'évaluer. Aussi, quand on voit les gens qui n'ont pas été retenus, c'est encore plus grave, ce sont des professeurs qui ont formé une bonne partie des membres de l'actuelle académie. Leurs élèves y siègent et eux n'y siègent pas. Ce n'est pas normal», répondit implacablement Abderrezak Dourari qui s'est livré dans la partie du même entretien accordé à TSA à la question de la transcription de tamazight. D'abord du point de vue du linguiste, il estime qu'«il n'y a absolument aucun problème de transcrire n'importe quelle langue dans n'importe quelle graphie. C'est-à-dire que la graphie est accessoire car c'est un codage ou un transcodage pour rendre le phonétisme de la langue visible. Donc à ce niveau-là, la graphie importe peu». Puis du point de vue du sociolinguiste pour attester qu'«en Algérie, nous avons plusieurs variétés de tamazight qui sont très autonomes les unes des autres, culturellement et linguistiquement (…) Les Touaregs sont extrêmement attachés à la graphie tifinagh. Ils pensent que l'authenticité de tamazight est liée à tifinagh. Et ils ne peuvent pas concevoir d'écrire leur langue autrement qu'en tifinagh. Chez les Mozabites, ils ne peuvent pas imaginer écrire leur langue en dehors de la graphie arabe car pour eux, l'arabe est sacré. Chez les Chaouis, il y a une infime partie qui souhaite la transcription en arabe, mais la grande majorité veut que ce soit en latin. En Kabylie, il y a une tradition d'écriture en graphie latine. Pour les élites de cette région, il est clair qu'on ne peut pas imaginer transcrire tamazight dans une autre graphie que la graphie latine». C'est en somme une interview toute faite pour donner de la «consistance» au débat après les dérapages du président du Haut Conseil islamique et son pair du Haut Conseil de la langue arabe qui, en janvier dernier, clamaient à qui voulait les entendre que la transcription de tamazight dans une langue autre que l'arabe serait un danger pour l'unité du pays, entre autres. Synthèse M. Azedine