De Tunis, Mohamed Kettou Un phénomène de société sans précédent se déroule actuellement en Tunisie. Des fans d'un club sportif le sauvent du purgatoire. Il s'agit de l'équipe de football du grand Club Africain, centenaire (il fêtera le 4 janvier prochain son 100e anniversaire). Voyant leur club menacé de relégation par la fédération internationale (Fifa) qui lui a, déjà, infligé d'autres sanctions (retrait de six points), les supporters ont décidé de réagir face à un bureau devenu impuissant et incapable de payer les dettes que l'équipe doit à d'anciens entraîneurs, joueurs et clubs étrangers. Ces dettes qui se chiffraient à une vingtaine de milliards de millimes tunisiens (100 milliards de centimes algériens) commencent à être épongées grâce à un sursaut inédit des fans du club à travers toute la Tunisie et dans le monde. Ces fans ont réussi l'exploit de contribuer, en une seule journée, par la somme colossale de 1,3 milliard de millimes. Cela a permis de clore plusieurs dossiers et l'espoir de payer toutes les dettes est permis pour éviter de nouvelles sanctions de la fédération internationale. Autre trouvaille: l'organisation d'un match virtuel supposé être joué au stade de Radès à Tunis. 60 mille places sont mises à la disposition du public qui, espèrent les organisateurs, afflueront sans hésitation pour renflouer les caisses de leur club. L'affluence sera grande car, comme l'a dit Abdelhak Benchikha (alors entraîneur de l'équipe) en 2008, le Club Africain n'a pas de supporters mais il a un peuple. Comment était-il arrivé à cette situation ? C'est le résultat d'une mauvaise gestion menée depuis 2014 par son président, un milliardaire qui répond au nom de Slim Riahi, aujourd'hui en fuite à l'étranger. Ce sursaut salutaire des fans clubistes semble faire école. Il a inspiré d'autres associations sportives en difficultés financières. Le Club athlétique bizertin a appelé ses fans à prendre en charge les salaires des joueurs. Une autre équipe de la capitale (stade tunisien) a fait de même. La mobilisation des supporters fait donc tache d'huile et ne manquera pas d'être imitée par d'autres clubs. Car, en définitive, toutes les équipes tunisiennes souffrent de difficultés financières à l'exception de l'Espérance de Tunis qui dépend d'un seul mécène qui demeure incomparable. Mais pour combien de temps ? Ainsi, l'action engagée par les Clubistes africains constitue, en fait, un phénomène qui sera profondément analysé par les responsables du sport pour créer des sources de financement stables pour tous les clubs sans être à la merci des mécènes. M. K.