Qui mieux que le manager général, même en mode algérien, pour évoquer un sujet qui a tant été considéré comme tabou. L'arrêt de la compétition ne pénalisera en aucune manière nos clubs de football. Nasser Medjoudj, l'ancien médian du CSC et de la JSK, qui assure depuis octobre dernier la responsabilité de manager général de l'équipe de l'Antique Cirta, n'en a aucun doute. Alors que le président de la LFP, Abdelkrim Medaouar, et des dirigeants de nos clubs dits professionnels se demandent toujours comment faire pour boucler l'exercice 2019-2020, allant jusqu'à proposer des formules plus farfelues les unes des autres, le manager du Club sportif constantinois, Nasser Medjoudj, apporte la preuve qu'un arrêt définitif des différents championnats ne constituera aucun danger pour les «économies» desdits clubs. «Celui qui croit que ces SSPA vont couler à cause de cet arrêt des activités du fait de la crise du coronavirus se trompe. Notre système de financement diffère de ceux en vigueur en Europe, en Asie ou ailleurs. Chez nous, en Algérie, le football existe grâce aux attributions étatiques avec lesquelles on règle les salaires, les primes, les congés, etc.», dira l'ancien capitaine du CSC, qui nie l'intention des propriétaires du club, l'Enafor (Entreprise nationale de forage), de procéder à des «ponctions» sur salaires de leurs employés, joueurs, entraîneurs et autres membres des différents staffs. «Chez nous, des joueurs qui sont inactifs, pour cause de blessures par exemple, bénéficient de l'intégralité de leurs indemnités et sont régulièrement rétribués pour un travail qu'ils ne font pas», précise-t-il. Medjoudj, qui révèle que le club a déjà procédé au…recrutement de deux joueurs sur les trois ciblés pendant le mercato estival, tient ses propos au moment où de nombreuses entreprises nationales, publiques et privées réclament des «clarifications» en rapport avec les dernières mesures gouvernementales concernant la nécessité d'une «purge partielle» au sein de leurs effectifs afin de réduire les risques de contagion du Covid-19. Des précisions portant pour la plupart sur la fiscalité et les différentes charges patronales à accorder aux caisses pour des personnels au chômage. Ceux du sport, du football en particulier, peuvent-ils faire l'exception? C'est le débat que Medjoudj veut probablement ouvrir au sein d'un système footballistique national sportivement déphasé et économiquement défaillant. C'est, en tout état de cause, l'un des derniers pans d'une économie nationale bâtie sur la rente et au sein de laquelle les rentiers ne sont pas ceux qui paient les pots cassés. Medjoudj a ouvert un dossier que les différents responsables du football, fédéraux ou ceux des ligues, et même dans le secteur des sports (MJS) ont «géré» de façon politisée, sans prendre conscience qu'un jour l'Etat-providence s'effilochera. C'est aussi une belle «contribution» qui devrait inspirer la DCGF, la DNGC algérienne, laquelle ne cesse de tirer la sonnette d'alarme sur la nécessité de revoir en profondeur la manière de financer le football professionnel en Algérie. Le PAC, cette exception ? Depuis sa réintroduction dans la vie du football national, la DGCF que préside Réda Abdouche, ancien footballeur international, ex-SG de la FAF et dirigeant au sein de l'USM Alger, a communiqué les chiffres des clubs dits professionnels. La première synthèse à laquelle est parvenu le groupe d'experts qui fait partie de cette structure est que 31 des clubs qui émargent en Ligues 1 et 2 de football vivent une situation financière effarante. Un gouffre qui n'a pas été fondamentalement expliqué même si Abdouche et ses pairs de la DGCF ont mis en évidence certains dysfonctionnements dans la gestion des ressources desdites sociétés sportives. Parmi lesquels une masse salariale qui dépasse tout entendement. Des clubs dont le budget moyen (6 à 7 milliards de centimes) se permettent d'offrir à certains de leurs joueurs des mensualités de 2 millions de DA, voire plus. Bien sûr, l'argent de ces clubs émane de subventions locales, rarement de sociétés nationales, et de quelques sponsors. Mais tout cet argent amassé ne suffit pas pour régler des dépenses liées au fonctionnement de ces clubs (stages de préparation, mises au vert, déplacements, hébergement et primes). C'est pourquoi, les caisses vides, des conflits éclatent entre l'employé et l'employeur et les dossiers, nombreux, atterrissent dans les tiroirs de la CNRL (Chambre nationale de résolution des litiges) dirigée par Me Youcef Hamouda. Une structure qui accueille les dossiers de footballeurs de tous les clubs, ou presque. Un parmi les rares clubs qui échappent à ce défilé devant les membres de la CNRL, voire du TARLS (Tribunal arbitral de résolution des litiges sportifs), cette autre instance qui traite un type d'affaires intimement liées aux «malversations» dans les contrats des footballeurs, entraîneurs et des sportifs de manière générale) et qui dépend moralement du TAS de Lausanne, est sans conteste le Paradou AC que présidait l'actuel patron de la FAF, Kheireddine Zetchi. Officiellement, aucun joueur portant ou ayant porté le maillot du club du quartier de Hydra n'a saisi lesdites instances pour recouvrer ses droits et c'est déjà un signe positif de la véritable santé de ce club fondé il y a presque trois décennies (1994). Un PAC qui dépense peu, du moins par rapport à nombre de clubs de même acabit, mais qui rapporte beaucoup. L'académie lancée en 2008 a réussi à vendre une dizaine de ses pépites aux pays d'Europe (Bensebaïni, Atal, Boudaoui, El-Mellali, Meziani, Loucif et Naïdji) et «loue» une cinquantaine d'autres à différentes équipes des deux ligues dites professionnelles. Et, cerise sur le gâteau, quelques internationaux A (Atal, Bensebaïni, Boudaoui, El-Mellali et Loucif), U23 (Zorgane, Douar, Bouguerra) et différentes autres sélections de jeunes. Ce qui n'est nullement le fait du hasard, encore moins de la volonté de Kheireddine Zetchi, le président de la FAF, d'imposer son «produit», lui le chef d'entreprise qui ne craint pas que la récession emporte son PAC. Une entreprise de football qui fonctionne normalement, avec un projet bien défini, des objectifs à court, moyen et long terme et une trésorerie qui ne connaît plus, depuis quelques années, de déficit. L'investissement consenti depuis 1994 récolte ses premiers dividendes et ce n'est pas quelques salaires offerts pendant une trêve forcée qui vont ruiner les économies des frères Zetchi. M. B.