En mars 2020, un groupe d'experts algériens avait joint sa contribution à l'effort national dans la riposte contre la pandémie de Covid-19 en s'appuyant notamment sur cinq volets étroitement liés, à savoir 1/ La gestion de la crise sanitaire au niveau central ; 2/ Le suivi épidémiologique au niveau communautaire ; 3/ La protection des structures et personnels de santé ; 4/ L'organisation de l'administration des traitements médicamenteux, et 5/ La communication, en soulignant particulièrement son effet sur la relation de confiance du public dans les capacités des institutions à faire face à la situation d'urgence et parvenir à une conclusion satisfaisante. Il était précisé que la communication efficace permettait d'établir, de maintenir ou de rétablir la confiance, d'améliorer les connaissances et la compréhension, de guider et encourager les bonnes attitudes, les bonnes décisions, les bonnes actions et les comportements appropriés (cf déclaration du 22 mars 2020). Depuis le mois de mars à ce jour, des efforts considérables sont déployés par des professionnels de santé, des services de secours et de sécurité qui n'ont ménagé aucun effort pour contenir la pandémie — quitte à le payer du sacrifice de leur vie —, soutenus par les institutions nationales, régionales ainsi que les collectivités locales, aidées par les bonnes volontés citoyennes individuelles ou structurées. Pourtant, les données du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière — qui font part de plus de 27 000 cas enregistrés à ce jour, 1 155 décès, environ 600 nouveaux cas par jour, avec une augmentation des cas graves nécessitant une réanimation et des soins intensifs —, tendent à démontrer quotidiennement une alarmante persistance de la circulation du virus dans la population, mettant à mal l'organisation du système de soins comme l'attestent les pénuries d'intrants divers, signalées ici et là. De toutes les wilayas remontent les exemples nombreux de familles entières atteintes par l'infection avec parfois, hélas, une issue fatale pour les membres les plus fragiles. Les regroupements créés par les évènements à caractère familial (mariages, funérailles, ...) ou religieux (Aïd el-Fitr) ont été pointés comme facteurs directement responsables de la flambée épidémique, anéantissant tous les efforts et sacrifices consentis depuis le début de la riposte. À l'approche de l'Aïd el-Adha, le groupe d'experts estime que les leçons doivent être apprises de ces récents revers subis dans notre combat contre le Covid-19 si l'on souhaite, en toute responsabilité, éviter une nouvelle flambée, qui compliquerait singulièrement la riposte et annihilerait tous les efforts d'endiguement entrepris jusque-là. C'est pourquoi, notre groupe joint sa voix à celle du Collectif des professeurs en sciences médicales (déclaration du 15 juillet 2020 à propos du « sacrifice de l'Aïd el-Adha), relayée largement dans la presse et les réseaux sociaux par bon nombre d'éminents médecins et professionnels de santé qui ont pertinemment plaidé en direction des hautes autorités du pays, en faveur d'une renonciation au sacrifice du mouton cette année 2020. Au-delà des vies humaines épargnées par cette sage et raisonnable décision, il s'agira : (i) d'alléger la charge de travail des personnels soignants et de les préserver (sachant que près d'une centaine ont perdu la vie en accomplissant leur noble mission et plusieurs centaines d'entre eux ont été affectés, selon le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, sans oublier le préjudice moral qu'ils subissent du fait de la dangerosité de leur métier les obligeant à vivre séparés de leur famille et à repousser indéfiniment leur période de congé) ; (ii) à permettre aux autres malades, notamment les malades chroniques, de pouvoir renouer avec les services de santé car obligés de renoncer aux soins durant cette longue période ; il en va de même pour les enfants et nourrissons devant subir leur vaccination, et aux mères de pouvoir fréquenter les structures de protection maternelle ; (iii) enfin, d'atténuer les conséquences socioéconomiques et financières subies par de nombreux ménages du fait des stratégies de confinement, si la pandémie venait à se prolonger indéfiniment ; Surseoir à la célébration du sacrifice du mouton sera un geste de respect à la mémoire des victimes du Covid-19, dont le sacrifice n'aura pas été vain. Ce sera aussi un geste de solidarité vis-à-vis des personnels soignants qui ont droit au répit, car épuisés par les gardes médicales et la séparation avec leurs familles, mais aussi travaillant avec l'angoisse de la contamination et risquant leur vie au quotidien. Enfin, ce renoncement réconciliera le peuple algérien tout entier avec la tradition des sacrifices historiques qui ont jalonné son histoire et l'ont sorti grandi dans le combat pour son indépendance (1954-1962) comme pour son développement au moment de la dure sécheresse qui avait sévi et avait sévèrement affecté le cheptel (1966), ce qui ne peut que renforcer la nécessaire cohésion nationale. Déclaration faite ce jour 27 juillet 2020, par : Pr Khaled Bessaoud, épidémiologiste, expert (ancien staff OMS) ; Dr Sidi Allel Louazani, épidémiologiste, expert (ancien staff OMS) ; Pr Leïla Houti, épidémiologiste, hospitalo-universitaire Oran ; Pr Noureddine Zidouni, expert en pneumophtisiologie, hospitalo-universitaire, Alger ; Pr Mohamed Belhocine, médecine interne, expert (ancien staff des Nations-Unies).