Lors d'une conférence organisée au début de l'année, ayant trait aux techniques et méthodes de valorisation de la production agricole, le responsable de la Chambre d'agriculture de Tipasa précisa en guise d'introduction que «la wilaya de Tipasa dispose d'une surface agricole utile de 64 729 hectares, occupée par 6 913 exploitations et composée de 13 898 agriculteurs identifiés». A ce titre, l'intervenant précisa que la plaine de la Mitidja dans la wilaya de Tipasa est estimée à 35% de la surface agricole utile (SAU). D'autres sources notent que cette plaine constitue un périmètre irrigué dans la wilaya avec plus de 12 900 hectares, dont la mise en eau progressive est en cours, grâce à l'apport du barrage de Boukourdane, avec une capacité de 105 millions de m3, situé dans la daïra de Sidi Amar, mais aussi grâce au monumental barrage de Kef-Eddir dans la daïra de Damous, avec plus de 125 millions de m3 et l'apport du barrage de Oued Bouroumi, dans la wilaya de Blida, avec une capacité de 23 millions de m3. Selon d'autres observateurs, la Mitidja est une zone favorable à l'élevage bovin, à l'arboriculture fruitière et aux agrumes, ainsi qu'au maraîchage de saison et aux cultures industrielles (tomate et tabac). Toujours selon ces sources, le schéma directeur prévoit plus de 10 000 hectares à emblaver, jusqu'à l'horizon 2030. Il est précisé, par ailleurs, que le piémont et la montagne de la wilaya de Tipasa ont aussi un rôle majeur à jouer, notamment en matière de cultures rustiques (figuier, olivier, caroubier, amandier) et reste aussi favorable à l'élevage des abeilles. Tandis que le cordon littoral représentant, pour sa part, plus de 120 km de côtes, reste propice aux cultures maraîchères, extraprimeur, primeur et arrière saison, représentant plus de 10% de la surface agricole utile. Nonobstant ces heureuses perspectives, l'agriculture dans la wilaya reste écartelée entre l'apport en eau dessalée et celle de source, car les choix et les enjeux deviennent redoutables. En effet, outre l'unité de Fouka, l'unité de dessalement d'eau de mer de Bou-Ismaïl, démarrée en juillet 2002, est devenue opérationnelle en 2005 pour traiter l'eau que devait initialement lui fournir cinq forages réalisés à cet effet mais qui, en définitive, se sont révélés être inadéquats. En d'autres termes, cette unité, qui permettait le dessalement de 5 000 m3 d'eau/jour et de régler définitivement le problème de l'alimentation en eau potable de la population de la ville et de l'irrigation, est restée dans un passé récent encore approvisionnée par la retenue collinaire de Tektaka. Pourtant, la ville de Bou-Ismaïl s'inscrit dans le lot des 28 villes côtières destinées à être alimentées par des eaux non conventionnelles, issues d'un traitement de dessalement, devant produire globalement un million de m3/jour. Ainsi, la station de traitement des eaux de Ahmer-el-Aïn provenant du barrage de Bou-Roumi permet, pour sa part, de fournir 5 000 m3 par jour. Du côté Ouest de Tipasa, la réalisation du programme de 1972 au profit de la région Ouest de la Mitidja est à l'origine de l'existence même du barrage de Boukourdene. Plus révélateur, la majorité des daïras que compte la wilaya devaient, à l'origine, être alimentées par ce barrage, dès 2001, que lui fournissent plusieurs champs captants et la station de traitement des eaux. Les capacités offertes furent de l'ordre de 17 000 m3, complétées en 2006 par l'extension de la tranche initiale de 17 000 m3/jour, soit une capacité cumulée de 34 000 m3/jour. En 2011, c'est la station de dessalement de Fouka qui vient en appoint fournir 120 000 m3 d'eau par jour. Ainsi, Tipasa se voit doter de 53 stations de pompage, de 107 forages, d'un réseau d'AEP de 1 500 km et de 239 ouvrages de stockage d'eau. La wilaya dispose de cette manière de 1 126 000 m3 par mois d'eau de surface, de 120 000 m3 d'eau de source et de 1 898 000 m3 par mois d'eau dessalée. Soit une disponibilité globale de 5 196 000 m3 d'eau mensuellement : eau de surface de Kef-Eddir 100 000 m3/jour, de Boukourdane 100 000 m3/jour, de Bouroumi 10 000m3/jour, eau dessalée 120 000 m3/jour, eaux souterraines 150 000m3/jour. Sur le plan physique, la superficie totale qui couvre 1 725 km2 avoisine 200 000 hectares et qui dispose d'une surface agricole utile de 64 729 hectares constitue l'enjeu déjà prédit par les divers programmes dont avait bénéficiés cette région. Rappelons que ces plans et ces programmes prévoyaient l'intensification et l'extension de l'agriculture maraîchère sur plus de 2 000 hectares, le long de la bande côtière et dont l'avènement du barrage de Boukourdene a été un élément moteur pour la concrétisation de ce programme. La vigne, la culture viti-vinicole, l'arboriculture, l'élevage, la céréaliculture, la floriculture, l'apiculture et l'élevage ont été au cœur de ces immenses projets. Tous les observateurs s'accordent à dire que le barrage de Boukourdene se devait d'être valorisé. Pour preuve, l'Agence nationale d'irrigation et de drainage, chargée de réaliser et de gérer le périmètre irrigué de la Mitidja Ouest, d'une valeur de deux milliards de dinars, devait permettre l'irrigation des daïras de Cherchell, Tipasa, Sidi Amar, Hadjout. Mais tous ces chantiers risquent pourtant aujourd'hui de ne pas prendre en charge simultanément et totalement les besoins en eau de l'Eldorado agricole constitué par Gouraya, Damous, Ténès, mais aussi Koléa et Ahmeur-el-Aïn, ainsi que le périmètre irrigué de cette contrée allant d'El-Affroun, Ahmeur-el-Aïn, Attatba, Hadjout jusqu'à Koléa. Mais l'apport de Kef Eddir est primordial. Les deux immenses projets de réalisations hydrauliques de la wilaya de Tipasa, qui semblent s'inscrire résolument dans une perspective prévisionnelle de lutte contre la sécheresse, semblent pourtant contraster avec la réalité vécue par les fellahs et qui constitue, cependant, une réalité poignante. Car en face, ils disposent d'un immense barrage avec une réserve de 40 millions de m3 d'eau, auquel est prévu l'imposant barrage de Kef Eddir de Damous, d'une capacité de plus de 125 millions de m3 d'eau, destiné à alimenter 70 000 hectares de terres cultivables, et de l'autre côté ces mêmes fellahs qui contemplent impuissants des surfaces agricoles en voie de dépérissement, affectés par la sécheresse, mais aussi des produits maraîchers extrêmement sensibles aux caprices de la pluviométrie. Houari Larbi