L'Algérie fait de nouveau face à une arrivée massive de migrants subsahariens, un phénomène qui inquiète grandement les spécialistes de la migration clandestine en raison du contexte épidémiologique dans lequel se trouve plongé le monde. «Il est connu que les réseaux de passeurs redoublent d'activité dans cette période, au mois de février plus particulièrement, et cette activité n'est autre que l'acheminement de migrants des quinze pays de la Cedeao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) vers l'Algérie», fait savoir Hassen Kacemi, expert des flux migratoires et des menaces dans le Sahel. Ancien directeur d'études au ministère de l'Intérieur, il évoque une «arrivée massive», très visible sur le terrain. Selon lui, deux accidents de la circulation survenus durant le mois de janvier dans des zones sud du pays renseignent largement sur le regain d'activité des réseaux de passeurs. Le premier a eu lieu à Aïn Amguel, non loin de la wilaya de Tamanrasset, faisant 21 morts parmi un groupe de migrants qui remontait vers le Nord. Le second accident, qui a été enregistré à Illizi, a provoqué de sérieuses blessures à quinze Subsahariens en provenance des pays de la Cedeao. Hassen Kacemi tire la sonnette d'alarme : «Les réseaux de passeurs qui agissaient uniquement de nuit en Algérie activent maintenant en plein jour. Le plus grave est que ce regain d'activité du trafic des migrants à destination de l'Algérie a lieu dans des conditions sanitaires exceptionnelles. Il coïncide avec la troisième vague de la pandémie de Covid-19 qui s'étend rapidement en Afrique. Au moment où, à travers le monde, tous les acteurs se mobilisent pour mettre en place des dispositifs coercitifs destinés à réduire la mobilité humaine transfrontalière, les frontières sud de notre pays continuent à recevoir des centaines de migrants clandestins qui ne sont pas soumis à un confinement, alors que les Algériens qui rentrent au pays sont, eux, confinés.» Il poursuit : «Notre pays reçoit annuellement une moyenne de 70 000 migrants africains, alors que l'Union européenne reçoit annuellement environ 40 000 migrants. L'Algérie reçoit ainsi deux fois plus de migrants que reçoivent les 28 pays de l'Union européenne. On recense 42 nationalités de migrants africains qui arrivent illégalement sur notre territoire. Cette migration est visible et perceptible dans toutes les villes algériennes, Alger est elle-même en passe d'être transformée en capitale africaine de la mendicité. Dans les villes et sur le territoire national, on assiste également au retour des marchés informels des migrants subsahariens et à l'extension de la mendicité des femmes et des enfants nigériens. Les marchés informels de la main-d'œuvre subsaharienne en Algérie sont organisés et exploités par des réseaux criminels transfrontaliers, qui transfèrent massivement des migrants des pays de la Cedeao vers l'Algérie. Si le nouveau variant du Covid de l'Afrique du Sud, plus contagieux et plus virulent, est arrivé en Europe, cela implique la possibilité de son arrivée sur le territoire national avec toutes les conséquences sanitaires dramatiques que cela peut engendrer. A travers le monde, tous les experts s'accordent à dire que l'évolution du virus risque d'échapper au contrôle des pouvoirs publics, et le pire est à craindre pour les mois à venir. Dans notre pays, nous avons la chance d'avoir une situation sanitaire moins inquiétante et stable, préservons cet acquis.» Hassen Kacemi rappelle que «l'un des membres du Comité national scientifique (algérien) a récemment alerté sur le risque que peut engendrer l'entrée sur le territoire national de migrants subsahariens non contrôlés ni confinés, car ils peuvent être porteurs de ce nouveau variant du Covid. Il a exhorté les pouvoirs publics à la mise en œuvre de mesures urgentes, aux frontières du sud du pays, pour empêcher les migrants d'entrer illégalement en Algérie, c'est une urgence. Un tel scénario peut cependant être évité, et il doit d'abord passer par une opération de dissuasion des réseaux de passeurs. Toute la communauté internationale se mobilise pour éviter le pire aux populations. Les Etats sont en alerte, des mesures restrictives et contraignantes sont prises en matière de circulation des personnes. De telles mesures doivent éviter le pire aux populations qui s'apprêtent à subir les nouvelles mesures de confinement, pour faire face à la troisième vague de la pandémie. A travers le monde, les frontières terrestres, maritimes et aériennes sont fermées, elles font l'objet d'un contrôle rigoureux, interdisant l'entrée illégale de tout étranger sur leur territoire national. Nous devons, nous aussi, réagir très rapidement. Il s'agit d'une situation urgente, les pouvoirs publics sont interpellés ». Le spécialiste en flux migratoires et menaces sur le Sahel nous révèle ensuite : «L'implantation en Algérie de réseaux nigériens de traite des personnes qui exploitent, en toute impunité, des milliers de femmes et d'enfants sous la contrainte et la violence pour la pratique de la mendicité, ce qui risque d'exposer notre pays à de virulents rappels à l'ordre par des organisations onusiennes au sujet des engagements internationaux de notre pays en matière de lutte contre le trafic des migrants et de la traite des personnes. Ces phénomènes graves constituent une atteinte à la législation nationale en matière de circulation des personnes, de la législation du travail et de la Convention internationale de 1989 relative à la protection des enfants. On peut également affirmer, sans risque d'être contredit, que nous assistons en Algérie à l'implantation de réseaux criminels des pays de la Cedeao qui contrôlent le marché de la main-d'œuvre africaine, en lui assurant l'entrée sur le territoire national, le transport vers les wilayas et leur hébergement. Le dossier de la migration clandestine est une urgence, surtout en cette période de pandémie. Il doit être inscrit parmi les priorités du gouvernement.» A. C.