Djamel Belmadi lance les grandes manœuvres en vue des qualifications au Mondial-2022, à partir de septembre prochain, et la phase finale de la CAN du Cameroun au début de l'année prochaine. Le stage des Verts, entamé lundi au CTN-FAF de Sidi Moussa, était prévu depuis belle lurette. Il devait servir à préparer deux échéances importantes pour le compte de Qatar-2022, en l'occurrence les matchs du groupe A des éliminatoires de la CM respectivement face à Djibouti et au Burkina Faso. Un plan qui est tombé à l'eau dès lors que la Fifa décidera, au motif des risques encourus par la propagation du Covid-19, du report de cette entame de trois mois. Cela n'a pas empêché le sélectionneur national de penser à un plan B. Dans l'urgence, avec la contribution d'Evol Sport, trois matchs amicaux viendront meubler ce regroupement de 12 jours. La Mauritanie, ce jeudi à Blida, le Mali dimanche prochain toujours au Tchaker-Stadium, et enfin la Tunisie, à Tunis, le vendredi 11 juin. Un menu que les Verts n'avaient pas obtenu depuis quelques années et qui, cerise sur le gâteau, va pouvoir permettre à Belmadi de mieux travailler les automatismes. Sans pression et avec des regards différents. Hier, durant sa conférence de presse, l'entraîneur national a détaillé ses choix et rappelé ses ambitions. Des questions classiques, ambiguës, alambiquées ou tout simplement hors de propos, le sélectionneur des Verts a donné sa version.
Joindre l'utile à l'agréable D'abord, en affichant son sentiment sur la question du report des deux premières journées des qualifications à Qatar-2022 et son impact sur les plans qu'il a mis en branle. «Je ne sais pas si le report des qualifications pour la Coupe du Monde est une bonne chose mais nous avons des joueurs en mauvaise forme, dont certains manquent de temps de jeu. Je ne sais pas lire l'avenir. Je sais seulement que les matchs à venir vont compter pour le classement Fifa», dira Belmadi qui pense profiter de cette aubaine pour améliorer le contenu du jeu de son équipe. Et éliminer les déchets apparus lors des précédentes sorties officielles. «Nous avons des défauts, nous ne sommes pas infaillibles. Ces amicaux servent à progresser, améliorer les automatismes, intégrer de nouveaux joueurs. Les joueurs ont une différence de performance/temps de jeu. On a l'occasion de jouer 3 matchs amicaux même si je n'aime pas le mot ''amical''», fait-il remarquer, assurant que les trois adversaires choisis durant cette date Fifa à blanc sont réfléchis. «La Mauritanie est une équipe en perpétuelle progression, avec de bons résultats récents. Elle a joué le Maroc en aller et retour et a montré qu'elle a des ressources. Ses joueurs vont nous poser des problèmes. Son jeu ressemble à celui du Djibouti, même si l'équipe mauritanienne est bien meilleure que le Djibouti que nous allons affronter en septembre», explique Belmadi qui pense «donner du temps de jeu» aux 30 capés retenus pour ce regroupement. Au sujet du sparring-partner de dimanche prochain à Blida, les Aigles du Mali, Belmadi est également éloquent vis-à-vis du team de Mohamed Magassouba. «Le Mali est une grosse équipe, avec plus de 30 joueurs en Europe. Je ne serais pas étonné qu'ils soient au sommet dans quelques années. Ils sont au moins aussi forts que le Burkina Faso ; je les respecte beaucoup», avoue Belmadi qui croit que le rendez-vous face aux Tunisiens sera le must de cette étape préparatoire. «Le match contre la Tunisie ne sera pas facile à jouer ; c'est une équipe difficile à manœuvrer. On aura affaire à un Mondialiste et 1/2-finaliste lors de la dernière CAN. C'est une équipe très intéressante. Face à elle, il s'agira aussi d'améliorer notre classement Fifa pour demeurer dans le top 5 en vue d'un éventuel barrage pour la Coupe du Monde. Ça devrait normalement nous aider, même s'il faut être ingénieur en aérospatial pour comprendre ce classement Fifa !», lâche le driver de la sélection nationale qui estime, par ailleurs, «Ce n'est pas parce qu'ils sont champions d'Afrique qu'ils sont là, c'est parce qu'ils sont sur 24 matchs sans défaite. Je ne vais pas tout chambouler ; il faudra être prêt d'entrée pour les qualifications en Coupe du Monde-2022.» Pour ce faire, Belmadi a besoin d'un groupe compétitif, dès le coup initial contre Djibouti. Il doit compter, par conséquent, sur des joueurs prêts à tous points de vue. C'est pourquoi il insiste sur les choix que certains internationaux doivent faire lorsqu'il s'agira pour eux d'opter pour de nouveaux clubs. Il citera quelques cas, Benlamri et Bounedjah en particulier. «Oui, j'encourage le départ de mes joueurs vers l'Europe, mais il faut qu'ils jouent. Si c'est pour que ça se termine comme pour Djamel Benlamri, qui est parti à Lyon mais sans y jouer, ça ne sert à rien. Je pense qu'il faut un minimum de garanties», dit-il. Et de «bondir» sur l'éventualité de voir Bounedjah quitter Al-Sadd et le Qatar pour l'Angleterre, où Brighton lui aurait fait une offre sérieuse. «Je suis pour que Bounedjah aille à Brighton uniquement s'il a des garanties de temps de jeu. Si c'est pour aller s'asseoir sur le banc dans de grandes équipes...Moi, je préfère la compétition», relève Belmadi qui revient sur le rôle des managers dans ce genre de choix, parfois hasardeux. Nuisible pour des jeunes en quête de lumières. «Normalement, les agents dignes de ce nom accompagnent les joueurs qui s'engagent en Europe. Il faut un cadre familial, un contexte sain. Payer des factures, bien manger, se reposer, etc. C'est aussi important que l'entraînement. Nos jeunes doivent bien s'entourer. Il y a un problème d'accompagnement. Il y a une vie à côté des entraînements qui est importante. Les carrières ne se réussissent pas toutes seules. Elles se réussissent avec des gens qui nous accompagnent. C'est un milieu égoïste», poursuit le technicien algérien qui semble malheureux de ce qui arrive à certains jeunes joueurs algériens partis du championnat d'Algérie, mais qui connaissent des difficultés au sein de leurs clubs en Europe. «C'est malheureux ce qui arrive à Khacef. Il jouait régulièrement. Je ne connais pas les tenants et les aboutissants de son problème. J'espère qu'il va régler ça rapidement pour pouvoir continuer sa progression», note-t-il pour ensuite rappeler l'épisode de Youcef Atal, sur qui beaucoup de choses ont été dites. Mais qui, selon Belmadi, semble avoir dépassé sa phase de doute. «Un joueur comme Youcef Atal est un joueur de haut niveau ; il a fait des entraînements de grande qualité avec nous ces derniers jours, et je l'ai rarement vu à ce niveau là, il met beaucoup d'envie», précise le sélectionneur des Verts qui fait passer l'intérêt de l'EN avant toute autre considération. Vieux- jeunes, le faux débat Déçu par ailleurs par le fait que Mahrez n'ait pas réussi à remporter la Ligue des Champions avec ManCity, Belmadi croit savoir que son capitaine est assez mûr pour surmonter cette désillusion. «C'est également triste pour nous que Mahrez ne soit pas couronné. J'aurais aimé qu'il remporte la Champions League mais je n'accorde pas trop d'importance à ça ; il va arriver chez nous avec beaucoup d'enthousiasme» dira Belmadi, certain que «même s'il est touché, il a un gros mental et sa carrière en est la preuve». Un mental que d'autres sélectionnés conservent en gardant la confiance du staff national malgré leur âge avancé. Un débat que Belmadi ne partage pas tant, pour lui, «il y a vouloir et pouvoir. Je ne vais pas ramener un jeune parce qu'il est jeune pour rater la qualification à la CAN ou au Mondial ensuite! Je ne prépare pas forcément le futur, je suis là pour gagner. Si je perds, il n'y a plus de futur», tranche-t-il. Et d'expliquer son choix de faire appel au jeune gardien de l'O Médéa, Abderrahmane Medjadel. «Je ne ramène pas un gardien parce qu'il est jeune ; si on a ramené Medjadel, c'est parce qu'on l'a trouvé intéressant et qu'il peut nous apporter quelque chose ; il sera en contact avec nos trois gardiens», dit Belmadi qui persiste à penser que l'âge n'est pas un critère. «A l'heure actuelle, M'Bolhi et Oukidja sont au top. Medjadel, on va le voir avec Djamel Bouras. S'il est au top, il jouera, s'il n'est pas meilleur il ne jouera pas! Je ne suis pas là pour former des gardiens mais pour gagner», assure celui qui n'aime pas non plus qu'on remue encore le dossier des binationaux actuellement internationaux en équipe de France. «Je n'ai pas envie d'entrer dans ce sujet des binationaux qui jouent pour l'équipe de France. Aujourd'hui, ils jouent en équipe de France et je ne veux pas savoir s'ils veulent jouer avec nous ou venir en septembre, je ne veux parler que des joueurs algériens», s'accorde-t-il à dire, notant au passage que son propos ne remet aucunement leur identité et leurs origines en question. Sayoud et Messaoudi «sont bons et nous les suivons» Pour Belmadi, seule la forme du moment et la régularité dictent ses choix. C'est ainsi qu'il ressort que lui et son staff sont en «veille» sur tout ce qui bouge. Localement et sur le pourtour européen. Hier devant les médias, le driver qui a mené Al-Duhail au sommet du football qatari a commenté le parcours de deux éléments qui flamboient dans le championnat de Ligue 1, en l'occurrence Amir Sayoud (CRB) et Bilel Messaoudi (JS Saoura). «Sayoud et Messaoudi ont été brillants. Nous les suivons. Pour autant, nous devons regarder qui sont leurs concurrents. Sayoud est un meneur de jeu, derrière l'attaquant, il a besoin d'un système à l'ancienne. Aujourd'hui, faute de ces profils, les systèmes ont changé. Cela ne veut pas dire que Sayoud n'est pas sélectionnable», annonce Belmadi qui préfère encourager ces deux éléments, et d'autres encore, à persévérer. A ne pas se décourager. «Sayoud et Messaoudi ont été performants dans le championnat local. Un Sayoud est en concurrence avec un Boulaya par exemple, mais Farid n'a même pas trois sélections ; il ne faut pas empiler les joueurs et ce n'est pas une question d'âge. L'idée, pour Sayoud ou d'autres, et je me fous de leur âge s'ils sont performants, c'est de ne pas accumuler les joueurs. Pour le joueur de la Saoura, qui a inscrit 17 buts, pensez-vous qu'il prendra la place de Delort, Slimani, Bounedjah ?», se demande-t-il. Et de répondre ensuite sur l'engagement des joueurs vis-à-vis de la sélection en citant, comme toujours, le cas de Slimani. La concurrence est essentielle «J'aime ceux qui sont vraiment impliqués comme Slimani. Nous ne sommes pas là pour tenir rigueur aux autres, je dois surtout leur rappeler qu'ils doivent être à fond en EN», clarifie Belmadi à qui un confrère a posé la question de savoir si Delort et Ferhat, non convoqués en mars dernier, étaient grâciés. Le cas «Ahmed Touba» n'est pas passé sans faire l'objet d'une interrogation lors du rendez-vous de presse, hier. Un sujet qui a mis en haleine les fans de la sélection étonnés par la possibilité de voir le défenseur de Waalwijk changer d'avis et enfiler le maillot des Diables Rouges de Belgique. Une rumeur que Belmadi a tenu à commenter, à son tour. «Pour Ahmed Touba, je ne suis pas un entraîneur de rumeurs. Le joueur est là, il est venu avec de l'envie. Il ne peut pas réagir à tout ce que la presse peut dire. Le coach de la Belgique a dit que c'était un bon joueur? Hamdoullah, tant mieux pour nous!», répond Belmadi qui se demande pourquoi le joueur, qui a changé sa nationalité sportive pour être là lors du dernier stage, viendrait à renier son choix. «Vous pensez que s'il n'a pas joué lors du dernier match, il changerait encore de nationalité sportive ? Ils vont se dire quoi à la FIFA ? Soyons sérieux !», ironise Belmadi davantage «sérieux» quand il lui est demandé de s'exprimer sur l'absence de Yacine Brahimi. «Brahimi est un joueur que j'apprécie humainement. Il est soumis à la concurrence comme tout le monde, malgré son passé récent brillant. On aime beaucoup ce joueur-là. Tout dépend de ses performances. Mais je ne mets pas une croix sur ce joueur», explique Belmadi, dithyrambique envers Adlène Guedioura qui, malgré le poids de l'âge, continue de servir les Verts. «Guedioura, il peut être moins bon lors d'un match comme celui en Zambie, mais n'oubliez pas que vous l'avez énormément critiqué avant la CAN aussi. Il est soumis à la concurrence comme tout le monde. Il a encore des services à rendre. Ne le tuez pas car l'âge n'a jamais été une référence. Regardez Hilton qui a presque mon âge (43 ans, ndlr) et presque dix ans de plus que Guedioura mais qui joue encore. Adlene a été moins bon et il le sait», rétorque Belmadi ravi des nouvelles têtes qui émergent à l'exemple du jeune Zerrouki, qui a «un autre style qui peut nous être utile dans d'autres circonstances» ou encore Bennacer, absent durant ce rassemblement, qui est devenu «important pour notre équipe pourvu qu'il le reste. C'est un joueur qui a encore beaucoup à donner. Son absence nous permet de donner la chance à d'autres de jouer et de prouver. Ils doivent montrer qu'on peut compter sur eux», poursuit-il. Et de conclure, comme à son habitude, par une note optimiste sous forme de réponse à l'ancien sélectionneur de la Tunisie, le Français Alain Giresse, qui déclarait récemment que l'Algérie ne pourra pas être sacrée une nouvelle fois lors de la CAN du Cameroun. «Il veut dire que nous allons être attendus de pied ferme par tout le monde. Nous sommes de facto favoris, donc chaque match sera une guerre. Je peux vous garantir que nous ne serons jamais trop confiants», clarifie celui qui a promis le trophée de la CAN-2019 et l'a ramené à Alger. M. B.