A l�origine, un terrain vague destin� � la r�alisation d�un stade communal au lieudit Ath-Salah. Ce jour-l�, quelques minutes apr�s le d�but des travaux de terrassement de ce terrain abrupt, situ� sur le territoire de la commune de Saharidj, da�ra de M�chedallah, � 50 km � l�est de Bouira, le bulldozer venait de d�terrer quelques ossements humains. Imm�diatement l�alerte fut donn�e avec l�arriv�e sur les lieux des autorit�s civiles et militaires. Sur place, il fut, apr�s constat, conclu que les ossements provenaient d�un ancien cimeti�re appartenant aux citoyens du village des Ath-Salah, aujourd�hui disparu mais pr�sent dans la m�moire collective des M�chedallah gr�ce � la tradition orale qui a transmis des bribes qui ont r�ussi � traverser les si�cles. Des fouilles ont �t� lanc�es pour d�couvrir toutes les tombes enfouies dans cet endroit dans le but de leur offrir de nouvelles s�pultures. C�est ainsi que 36 tombes furent d�couvertes. Au d�but de la semaine �coul�e et comme l�information avait circul� rapidement, les descendants des Ath- Salah qui sont rest�s � M�chedallah, ont vite pris les choses en main en d�cidant d�organiser eux-m�mes la c�r�monie d'inhumation des ossements de leurs a�eux, non sans inviter, pour la circonstance, les Ath-Salah de Bouzegu�ne, dont les a�eux se sont un jour exil�s du village des Ath- Salah qui existait jusqu�alors dans la r�gion de M�chedallah depuis des si�cles. L�histoire des Ath-Salah L�histoire des Ath-Salah est, comme beaucoup d�autres histoires des tribus kabyles, pleine de l�gendes, tellement les �crits se font rares pour ne pas dire inexistants. Deux versions circulent sur les Ath-Salah qui ont v�cu � Bouzegu�ne. Il y a quelques si�cles, entre 1600 et 1650 selon certains, et entre 1650 et 1750 selon d�autres, le village des Ath-Salah prosp�rait au milieu du arch des M�chedallah, entre Saharidj et Ath-Yevrahim, sur un vaste territoire. Ce village, qui existait d�j� depuis plusieurs si�cles et qui �tait, avec celui des Ath-Hakem, pr�s de Thala Rana, aujourd�hui disparu, le premier � avoir occup� les lieux bien des si�cles avant l�arriv�e des M�chedalli et apr�s la chute de la Kala� Beni Hammad. A cette �poque, aux alentours de 1700, on raconte que les Turcs, qui �taient les ma�tres du pays, principalement dans les villes c�ti�res mais �galement certaines grandes villes de l�int�rieur comme Constantine et M�d�a, avaient, malgr� les guerres continues que les kabyles leur livraient, r�ussi � construire des routes � travers lesquelles ils parcouraient le pays profond pour percevoir la d�me aupr�s des autochtones. A M�chedallah, subsiste encore la route du turc ou �Avridh Ou tourki� qui va de Bouira, Hamza � l��poque, jusqu�au port de B�ja�a, en passant par Semmache, la vall�e du Sahel de M�chedallah jusqu�� Chorfa, Tazmalt, Akbou, Sidi-A�ch, Leksar puis Bgayeth. A M�chedallah, chaque fois que le chef turc venait percevoir sa d�me, c��tait avec une armada de soldats, de peur de la riposte et du refus muscl� des Kabyles de payer cet imp�t. Cependant, quand les chefs des villages acceptaient le versement de la d�me, cela se passait souvent apr�s un repas que tout le village se devait de pr�parer pour le chef et ses gardes. Un jour, au village des Ath-Salah, qui �tait, rappelons-le, prosp�re et fort, une femme, qui venait de pr�parer, � l�instar de toutes les autres femmes du village, du couscous au poulet, eut, dans un moment de faiblesse, la mauvaise id�e de pr�lever un petit bout de la cuisse du poulet pour le donner � son enfant qui pleurait et qui r�clamait de la viande. Une fois les plats devant les convives, le chef turc remarqua le petit manque et demanda des explications. Ce � quoi le chef du village r�pondit en donnant la v�ritable version. Le chef turc demanda � voir sur-le-champ l�enfant. Puisque selon lui, toucher � la part destin�e � lui et ses soldats �tait un sacril�ge et un crime de l�se-majest�, il prit l�enfant et froidement, il lui coupa la jambe. L�enfant, ch�tif qu�il �tait, succomba � ses blessures. Le lendemain, le chef turc partit en emportant avec lui l�imp�t, laissant le chef du village dans une tourmente totale et surtout dans un chagrin d� au fait qu�on ait bless� son amour-propre. C�est ainsi qu�il orchestra un complot pour se venger du chef turc. Pour ce faire, il l�invita et insista pour qu�il vienne le plus t�t possible pour, pr�tendit-il par l�interm�diaire de ses �missaires, se faire pardonner pour l�outrage qu�il lui avait fait subir. Le chef turc accepta l�invitation mais par pr�caution, vint avec un nombre plus important de gardes et de soldats. Mal lui en prit, puisque les villageois avaient tout pr�vu et pendant qu�il prenait son repas en compagnie de ses gardes, les portes de la maison o� ils furent re�us, se referm�rent avant que soit mis le feu aux alentours en ne laissant aucune chance aux Turcs ni � leur chef, qui mourront tous br�l�s vifs. Cela s�est pass� la nuit et sachant les repr�sailles auxquelles ils venaient de s�exposer, les villageois ont pris la route de l�exil en emportant tout avec eux. Une seule femme, native des Ath-Yevrahim, �tait absente puisqu�elle �tait en visite chez ses parents. Et de peur d�attirer les soup�ons, elle fut abandonn�e et avec elle son nouveau-n�. Un nouveaun� � qui ses oncles ont r�ussi, une fois grand, � restituer les terres de ses parents et garder ainsi les traces des Ath-Salah qui sont aujourd�hui une grande famille, les Allouche, avec une centaine de foyers. Tout porte � croire que le village fut totalement d�truit par les Turcs. Pour revenir aux Ath- Salah, une fois partis dans la nuit, ils emprunt�rent, selon certaines versions confirm�es ce vendredi par Hamadouche Ahmed, (qui est en train de pr�parer un travail de m�moire en compagnie de Kamel Ferrad sur les origines des Ath-Salah) la route de Sidi- A�ch avant de bifurquer vers le nord, du c�t� de Bouzegu�ne, et de s�installer dans un premier temps sur un monticule avant de descendre un peu plus bas, vers le lieu o� se trouve actuellement le village des Ath-Salah. Une autre version parle d�un village rival au niveau de l�arch des Imcheddalen qui aurait fait appel aux Turcs pour faire abdiquer les Ath-Salah qui �taient � l��poque des faits, c�est-�dire vers 1650-1700, forts et indomptables. Apr�s avoir livr� plusieurs combats h�ro�ques et face � la force in�gal�e des Turcs, les Ath-Salah ont fini par prendre le chemin de l�exil vers des cieux plus cl�ments. Cependant, si versions sur les raisons de l�exil restent diff�rentes, elles se rejoignent pour dire que les Ath-Salah ont �chou� de l�autre c�t� du versant du Djurdjura � Bouzegu�ne. Selon les recherches effectu�es par Hamadouche et Ferrad, tout porte � croire que les Ath-Salah avaient pris plusieurs chemins d�exil afin que, si un groupe tombait sur les Turcs, les autres pourraient en r�chapper. Les deux chercheurs, qui ont fait jusque-l� un tr�s bon travail de m�moire appel� � �tre peaufin� avant sa publication, parlent d�un autre village des B�ni Salah, � Blida. D�apr�s ces deux historiens, le village garde les m�mes coutumes kabyles et ses habitants parlent couramment le kabyle. Emouvantes retrouvailles entre fr�res de m�me sang Apr�s cet exil, plus de deux si�cles vont s��couler les premiers contacts entre les deux communaut�s issues du m�me village. Ce fut, comme le dira Moussa, le chef de la famille Allouche, ou �tamen n�wedroum�, en 1918, en 1927, puis en 1945, avant de voir ces contacts rompus jusqu�� 1971 o� un nouveau contact plus confirm� fut r�tabli. Celui-ci sera maintenu et se poursuivra en 1978 et 1982 puis, de nouveau, le vide total jusqu'� 2002 o� le lien a �t� renou�. Ce vendredi, ce grand et vaillant village des Ath Salah de Bouzegu�ne, � Tizi-Ouzou, qui a pay� un lourd tribut � la guerre de Lib�ration nationale avec 84 chahids a envoy� une d�l�gation compos�e de 35 personnes pour assister � l�inhumation des ossements issus de 36 tombes du village des Ath- Salah de M�chedallah. Etaient �galement pr�sents les autorit�s locales de la commune de Saharidj, � leur t�te le P/APC, Belkacemi Ali. Les retrouvailles �taient �mouvantes surtout quand ces vaillants villageois sont venus aider leurs fr�res, les Allouche, pour l�inhumation de leurs a�eux communs dans des tombes dignes et surtout reconnaissables et officielles. Hamadouche Ahmed, qui a tenu � rappeler les trois crit�res propres aux Ath-Salah, � savoir qu�ils naissent dans la dignit�, vivent dans l�honneur et meurent en hommes libres, a fait remarquer que leurs a�eux, �taient enterr�s selon le rite musulman avec des chaheds et des tombes orient�es vers la Qibla. Apr�s ces �mouvantes obs�ques, les convives se sont d�plac�s vers le village Thamourth Ouzemmour, des Ath- Yevrahim, auquel appartiennent les Allouche, o� une wa�da a �t� offerte au niveau de la maison d�Allouche A�ssa. Tous souhaitent que cette fraternit� soit consolid�e par des liens de mariage entre les enfants des deux villages.