La visite du ministre israélien de la Défense à Rabat s'est révélée chargée de messages dangereux qui confirment, au besoin, les menaces pesant sur l'Algérie. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - «La question de la menace iranienne sera également abordée dans les entretiens», a déclaré Benny Gantz aux journalistes de i24News qui l'accompagnaient. Le responsable de l'armée israélienne ajoute, ensuite, qu'il ne se trouve pas à Rabat pour «parler de diplomatie», des propos qui marquent une aggravation dans le discours que tient depuis un moment Tel-Aviv sur le sujet. La partie qui paraît être ciblée semble être une nouvelle fois l'Algérie déjà visée par des propos similaires durant l'été dernier. En visite à Rabat au cours du mois d'août, le chef de la diplomatie israélienne avait fait part de « l'inquiétude » d'Israël au sujet du rôle joué par l'Algérie dans la région et son rapprochement avec l'Iran qui se trouve dans «l'axe du mal». L'Algérie avait, elle, réagi par la voie de son ministre des Affaires étrangères en accusant le ministre marocain des Affaires étrangères d'être à l'origine de ces propos et de vouloir «entraîner Israël dans une aventure». «Nous avons des relations normales avec l'Iran. Certes, il y a eu une série de sanctions économiques et financières contre l'Iran, (...) nos relations économiques sont modestes.» Les propos de Benny Gantz ne sont cependant qu'une partie de la mission qu'il s'est fixée au Maroc. Des accords militaires de haute importance ont été conclus hier entre lui et le ministre marocain de la Défense. L'événement qui focalise l'attention depuis mardi 23 novembre, date d'arrivée de Benny Gantz à Rabat, est loin d'être anodin. C'est le premier responsable de l'armée israélienne à poser les pieds au Maghreb, au Maroc précisément, depuis la normalisation avec Tel-Aviv, et la première démarche israélienne surtout à déboucher sur des accords de cette nature. S'exprimant par voie de presse, des responsables israéliens ont d'ailleurs tenu à relever le caractère inédit de l'opération qui vient de se dérouler. «Nous avons des relations sécuritaires avec la Jordanie et l'Egypte, mais aucun accord militaire n'a encore été passé à ce jour. C'est pour cette raison que les accords portant sur la coopération en matière de défense avec le Maroc sont inédits», rapporte Times of Israël, citant un chef militaire hébreu. Avant son départ pour Rabat, Benny Gantz avait, lui, qualifié son voyage « d'historique» marquant un «grand succès» qui sera couronné par des «accords de défense». Pour l'heure, très peu d'informations officielles sont disponibles sur le mémorandum ratifié par les deux parties. L'attention est davantage focalisée sur le caractère inédit de ce qui vient de se dérouler, mais la presse israélienne évoque, elle, déjà, la possibilité d'assister à «des exercices militaires entre les armées des deux pays et une coordination sécuritaire». Tous s'accordent cependant à noter que cet événement survient dans un contexte de tensions avec l'Algérie, ce que relèvent également certains médias français, qui suivent de très près l'affaire, ainsi que plusieurs analystes qui tentent, eux, de décrypter les nouvelles donnes qui se jouent dans la région. Il y a quelques jours, le site en ligne Algérie 54 a interviewé un écrivain israélien connu pour ses positions antisionistes, qui éclairent davantage sur le sujet : «C'est une alliance stratégique fondamentale (...) Un élément décisif qui devrait assurer une place prépondérante à la monarchie marocaine dans la région, c'est donc l'Algérie qui est visée en premier lieu.» «Le ministre Gantz se déplace rarement à l'étranger. Il a dû se rendre une seule fois aux Etats-Unis depuis la formation de son gouvernement. C'est dire si sa visite au Maroc doit comporter des aspects stratégiques essentiels (...) Peut-être la livraison d'armement de pointe, manœuvres communes (...) il est possible que les deux armées définissent des plans à long terme pour verrouiller la région à leur profit et définir plusieurs scénarios d'attaque ou de défense.» Ce qu'il faut également savoir est que la visite du ministre israélien de la Défense intervient au moment où est évoquée la création d'une base militaire maroco-israélienne à Nador. Le 21 novembre dernier, le journal El Espanol révélait qu'un accord devait être signé entre Rabat et Tel-Aviv pour la création de cette base. En Algérie, un sénateur FLN, Dhiaa Eddine Belhebri, a d'ailleurs très vite rebondi sur cette information. Selon lui, «l'Algérie est ciblée par la visite du ministre israélien de la Défense qui se déplace pour un projet de création d'une base militaire à Nador qui est proche des frontières algériennes. Son objectif est de se rapprocher des frontières algériennes ». Israël aux portes d'Alger ? A. C.