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Abdelaziz Rahabi (diplomate, ancien ministre) et la question sahraouie : «La communauté internationale n'a pas d'autres choix que d'appuyer le plan onusien»
Entretien réalisé par Brahim Taouchichet M. Ban Ki-moon, Secrétaire général de l'Organisation des Nations-Unies (ONU), vient d'achever une tournée dans les territoires sahraouis occupés depuis 1975 (41 ans !) par les troupes marocaines. Nous avons interpellé M. Abdelaziz Rahabi, diplomate chevronné, sur la question du Sahara occidental quant à la recherche d'une relance des négociations Maroc-Polisario pour une issue politique du vieux conflit. Le Soir d'Algérie : M. Ban Ki-moon, le Secrétaire général de l'ONU, vient d'effectuer une tournée dans les camps des réfugiés sahraouis à la tête d'une forte délégation dont Christopher Ross. Quels seraient les bénéfices d'une telle initiative et pour le Secrétaire général qui a constaté de visu les conditions de vie des réfugiés et pour les Sahraouis eux-mêmes ? Abdelaziz Rahabi : En fait, il est fidèle à la tradition de ses prédécesseurs qui ont tous rendu visite aux Sahraouis et aux Etats voisins du Sahara occidental. Il est vrai qu'il aurait pu le faire plus tôt, mais il semble qu'il ait privilégié de donner la priorité au processus des négociations, notamment celui de Manhasset. Comme celui-ci est dans l'impasse, cette visite peut être une bonne occasion pour le relancer, pour peu que le groupe des Amis du Sahara (Etats-unis, Russie, Grande-Bretagne, France, Espagne) exerce des pressions sur le Maroc pour le ramener à la table des négociations. «Je ferai tout mon possible pour relancer les négociations pour une solution politique du conflit qui passe par l'organisation d'un référendum d'autodétermination», a-t-il déclaré. Comment est-ce possible quand on sait que pour le Maroc, la marocanité du Sahara occidental est non négociable alors que pour le Polisario, c'est le chemin de l'indépendance. L'impasse est bien réelle ? La communauté internationale n'a pas d'autres choix que d'appuyer le plan onusien qui offre, indépendamment de son issue, la meilleure garantie de sécurité et de stabilité de notre région. C'est aussi la seule garantie que les hostilités militaires ne reprendront pas dans cette région qui s'accommode d'un statu quo profondément injuste qui ne sert pas les Sahraouis mais les intérêts du Maroc et de ses alliés. Le Maroc va jusqu'à refuser d'accueillir Ban Ki-moon, pour lui les négociations avec le Polisario appartiennent au passé. Est-ce là une nouvelle donne dans le conflit du Sahara occidental ? Il refuse de le faire parce que cette visite entre dans le cadre d'une tournée qui a pour principal objectif de relancer les négociations sur l'avenir du Sahara et des Sahraouis. Ceci est également une preuve supplémentaire que son projet d'autonomie à géométrie variable n'est pas réaliste si l'on se réfère à la jurisprudence onusienne, ni acceptable pour les Sahraouis. Faut-il se hasarder jusqu'à avancer l'hypothèse que la solution de ce conflit échappe aux pays de la région du fait de l'ingérence ouverte de pays comme la France, l'Arabe Saoudite et certains lobbys aux Etats-Unis ? Je pense que les alliés du Maroc comme la France et les monarchies du Golfe font un calcul risqué. En soutenant aussi franchement le Maroc, la France neutralise ses propres atouts de puissance dans la région et perpétue les choix erronés faits par Giscard d'Estaing et consolidés par Sarkozy. Quant aux monarchies du Golfe, les temps ont changé pour elles car elles ont opté pour une stratégie hégémonique régionale qui va affaiblir considérablement leurs capacités financières qui est leur exclusif outil de politique étrangère. Pour ce qui est des Etats-Unis, la situation est plus complexe et les opérations spot de lobbying n'influent pas fondamentalement sur leur politique étrangère dans laquelle les ONG ont un rôle de premier plan. J'en veux pour preuve la proposition américaine d'élargir les missions de la Minurso aux questions des droits de l'Homme. L'occupation par le Maroc du Sahara occidental entre dans sa 41e année, une nouvelle génération, celle née dans les camps et celle qui milite dans les territoires sahraouis, s'impatiente de se voir frustrée de sa liberté et son indépendance et montre ainsi que leur intégration comme sujets de sa majesté est chose impossible. Il est évident que cette génération n'a pas la patience des ses aînés même si elle se nourrit de leurs gloires militaires. Elle se sent marginalisée et en décalage avec les autres jeunes Maghrébins et admet difficilement la persistance de ce statu quo qui n'a que trop duré. La direction du Polisario n'est pas à l'abri d'un durcissement des attitudes de ces jeunes qui sont les premiers à réclamer une reprise de la lutte armée. Jusqu'où peuvent aller les jeunes Sahraouis dans l'attente d'une solution politique voulue jusque-là par leurs aînés et qui écarte, pour l'instant, une autre alternative de lutte pour l'indépendance ? Toutes les campagnes destinées à faire accroire qu'ils ont cédé au désespoir ont un seul objectif, celui de présenter les Sahraouis comme des éléments actifs dans des réseaux terroristes pour les désigner comme une menace à la sécurité régionale. Ceci n'a pas résisté à l'épreuve des faits, de victimes on veut les présenter comme bourreaux. Quel crédit accorder à certaines spéculations quant à la révision de la position de l'Algérie à l'endroit de la lutte du peuple sahraoui, on parle même de pressions occidentales de plus en plus fortes qui s'exerceraient sur notre pays ? Un des fondements de la crédibilité de la position algérienne est sa constance, même les amis du Maroc en prennent acte. Je ne crois pas que les pressions occidentales et arabes soient de nature à altérer une position de principe et qui représente le socle fondateur de sa politique extérieure. Elle a soutenu par exemple l'autodétermination du peuple de Timor Oriental annexé en 1975 par un grand ami de l'Algérie combattante dans la région, l'Indonésie. Elle l'a également fait en Afrique et en Amérique latine. Le soutien à l'autodétermination est un des signes de l'identité de notre politique étrangère et les partenaires de l'Algérie doivent le comprendre au lieu de perdre leur temps à attendre l'arrivée d'un chef d'Etat à la mesure de leurs aspirations. Dans ce contexte, certains hommes politiques ont appelé à la réouverture des frontières réclamée régulièrement par le Maroc. Quels seraient les mobiles d'une telle initiative qui va à contre-courant de l'opinion publique algérienne ? Je ne pense pas que cela change fondamentalement la donne chez nous. La fermeture des frontières terrestres n'est pas une innovation algérienne, il y en a près d'une quarantaine dans le monde. Leur réouverture se fera quand trois conditions seront remplies. La première consiste en l'arrêt de la campagne de dénigrement et des attaques contre l'Algérie par les officiels marocains. La seconde porte sur la coopération sincère pour lutter contre le flux massif des drogues qui a toute l'apparence d'une opération d'affaiblissement de l'Algérie. Enfin, le Maroc doit se résigner à admettre que l'Algérie est attachée à sa position de principe sur la question sahraouie qui reste pour elle une question de décolonisation qui relève de la responsabilité de l'ONU. Une dernière question. Elle est relative à l'attaque terroriste, sans précédent, à Ben Guerdane, dont on dit qu'ils voulaient établir un émirat Daesh. Vu ses faibles moyens, la Tunisie risque-t-elle d'être aspirée par un tourbillon dévastateur qui nous rappelle l'Irak, la Syrie et la Libye, source des menaces terroristes ? La Tunisie subit un effet collatéral dévastateur de la guerre en Libye et elle n'a aucune responsabilité dans ce qui s'y passe. Sa sécurité ou son instabilité influent directement sur l'Algérie, c'est à ce titre que nous devons nous solidariser avec le peuple tunisien qui, faut-il le rappeler, nous a soutenus durant notre guerre d'indépendance et pendant les années du terrorisme, et coordonner nos efforts dans la riposte à cette agression contre l'intégrité territoriale d'un pays ami et voisin. B. T. [email protected]