De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari Le président de la Commission sommera, nous dit-on, demain jeudi, les chefs d'Etat et de gouvernement, réunis pour un énième sommet, de s'exclure du Sahara occidental. Et d'en instruire le Maroc. Au château de Versailles, les quatre chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne les plus importants tentent, désespérément, d'éviter à cet ensemble, composite, déséquilibré et aux intérêts divergents, le naufrage. Pourtant, c'est cause perdue d'avance. Les quatre responsables (français, allemand, italien et espagnol) sont tous, chez eux, affaiblis et/ou en partance. Quelle légitimité et quelle autorité morale ont-ils pour réorienter l'Union européenne en fin de cycle et en décomposition ? Réponse. Aucune. Ou presque aucune. Comme d'habitude, c'est à la Commission européenne, gouvernement économique sous tension, que reviendra le rôle — ingrat — d'essayer de maintenir en vie un corps cliniquement malade. Le peut-elle ? En a-t-elle, seulement envie ? Trop de dossiers sont sur le bureau de son président Juncker, Luxembourgeois, aristocrate de la politique, néanmoins rigoureux dans sa démarche et aucun ne peut être sérieusement résolu sans casse. Sans fracas. Sans que les Etats membres, pharisiens, ne consentent à délivrer le OK. Cas d'école, les Accords de libéralisation et de commerce conclus entre l'UE et le Maroc. Après moult manœuvres et fuites en avant, Bruxelles ne peut plus continuer à inclure le Sahara occidental dans ces tractations avec le Maroc. La Cour de justice européenne, instance suprême de droit et en droit, a définitivement tranché. Les arrangements agricoles édifiés avec le Maroc sont illégaux et dans peu de temps, les magistrats de Luxembourg-City diront la même chose concernant les Accords de pêche. Les juges européens ne sont pas des guignols — ils l'ont prouvé à maintes reprises — et vont réserver le même sort au poisson que celui de la tomate ou de la carotte. Ils ne peuvent pas autoriser Bruxelles à piller la ressource halieutique alors qu'ils lui ont interdit le vol des fruits et légumes du Sahara occidental. Le président Juncker le sait, la commissaire aux relations Mogherini le sait et le commissaire chargé du commerce le sait aussi. Et ils l'ont signifié au Maroc à plusieurs reprises. Cependant, le communiqué final précisant que l'Union européenne s'exclut du Sahara occidental de jure et de facto dans ses relations avec le Maroc n'est pas encore tombé. Les eurodéputés et plusieurs hauts fonctionnaires de la Commission l'exigent pour clarifier les choses et connaître l'avenir de la relation avec le Maroc à partir de la nouvelle donne... Jean-Claude Juncker, nous dit-on, sommera les chefs d'Etat et de gouvernement jeudi prochain à Bruxelles, lors de leur sommet, d'instruire le Maroc que, concernant le Sahara occidental, c'était fini. Attendons jeudi. Ainsi va l'Europe, malade, indécise, prise en tenailles, continuant comme l'orchestre du Titanic à jouer, alors que le navire se dirigeait tout droit vers l'iceberg.