Dans le guêpier barcelonais, Ernesto Valverde s'est vite acclimaté : le nouvel entraîneur a «réinventé» le jeu du Barça, qui peut s'envoler en tête de son groupe en Ligue des champions contre l'Olympiakos, ce soir, malgré une atmosphère plombée par la crise politique catalane. Contexte brûlant, tête froide Quelle pluie de contrariétés pour Valverde! Son début de mandat a été compliqué: départ retentissant de Neymar au Paris SG en août, humiliations en Supercoupe d'Espagne face au Real Madrid (3-1, 2-0), grave blessure de la recrue-phare Ousmane Dembélé... Et pire, sur le plan extra-sportif, la Catalogne a été ensanglantée par des attentats les 17 et 18 août, puis secouée par la poussée indépendantiste du gouvernement régional, à l'origine de la plus grave crise politique en Espagne depuis le retour de la démocratie en 1977. Pourtant, malgré ces multiples convulsions, Valverde (53 ans) a toujours réagi avec flegme. Comme il l'a rappelé, sa jeunesse dans un Pays basque endeuillé par les attentats de l'ETA lui a «malheureusement» appris à composer. «Je ne suis pas politicien, je ne comprends que le football. Et parfois, même pas le football", a-t-il ironisé le 1er octobre, jour d'un référendum d'autodétermination interdit et émaillé de violences policières en Catalogne. Tout en se montrant lucide sur la situation : «Nous sommes tous conscients de ce qui s'est passé ici. Personne ne vit dans un igloo». En bon employé, le technicien a fait corps avec son club, étendard de l'identité catalane et favorable au «droit à décider». Lui, le pur symbole de l'Espagne plurielle, natif d'Estrémadure (ouest de l'Espagne), arrivé très jeune au Pays basque (nord) puis passé par les deux clubs de Barcelone (nord-est), le Barça et l'Espanyol, comme joueur puis entraîneur. Style identique, idées nouvelles Vu le contexte, c'est un petit miracle que l'équipe blaugrana soit en tête du Championnat d'Espagne et aussi bien partie en C1 avec deux succès en autant de matchs. Mais avec Valverde, le Barça «s'est réinventé de manière très rapide, surtout après le coup dur du départ de Neymar», a analysé Diego Simeone, entraîneur d'un Atletico Madrid neutralisé samedi par le Barça (1-1). Pas contraint par le sacro-saint 4-3-3 barcelonais, ni par le défunt trio offensif Messi-Suarez-Neymar, «Txingurri» (La Fourmi, en basque) a pu rebâtir patiemment. Résultat : un pressing intense, des lignes compactes et un 4-4-2 évolutif, où Lionel Messi est très libre en attaque et le milieu de terrain beaucoup plus peuplé. D'ailleurs, le Barça joue souvent sans ailier gauche, une asymétrie délibérée. «Notre entraîneur a une approche complètement différente et nous devons le soutenir. Il a besoin de sentir que nous comprenons ses concepts parce qu'il a des idées neuves», a résumé le gardien Marc-André ter Stegen sur le site internet de l'UEFA. Démarrage réussi, club conquis La grande inconnue était la capacité de Valverde à gérer des stars planétaires et un club aussi exposé que le Barça. Mais le cuir est bien tanné quand on a connu, comme lui, le bouillant public de l'Olympiakos Le Pirée, en gagnant trois titres de champion de Grèce (2009, 2011, 2012). «Il y a un mois, on aurait dit que nous étions en crise, c'était une hécatombe! Mais on sait bien que le bruit alentour est excessif», a philosophé mi-septembre le technicien barcelonais. Et l'enchaînement des victoires (9, toutes compétitions confondues) a assis son autorité. «On peut se faire un joli film, mais si on ne gagne pas, on ne convainc personne», rappelle-t-il. Contre l'Olympiakos (4e, 0 pt), Valverde peut permettre au Barça (1er, 6 pts) de faire un grand pas vers les huitièmes de finale de C1 dans le groupe D. Et ce, en dépit des tensions politiques qui risquent d'apparaître pour le premier match au Camp Nou ouvert aux supporters catalans depuis le référendum du 1er octobre. L'adversité, Ernesto Valverde semble s'en nourrir : «J'avais dit que je voulais un défi difficile», expliquait-il le jour de sa prise de fonctions le 1er juin. Le voilà servi.