On croyait l�Europe moderne enfant l�gitime des Lumi�res, la voil� �vieille fille� de l�Eglise. Monseigneur Georg Gaenswein, secr�taire personnel du pape Beno�t XVI, craint l�islamisation de l�Europe et souligne la n�cessit� de ne pas ignorer les racines chr�tiennes du continent. "On ne peut pas nier les tentatives pour islamiser l'Ouest", a-t-il d�clar�, cit� par le magazine hebdomadaire allemand S�ddeutschezeitung, paru ce vendredi 27 juillet. Plus qu�une crainte, le secr�taire du pape souligne "le danger que cela repr�sente pour l'identit� de l'Europe". On croyait les musulmans �fanatiques et fatalistes �, les chr�tiens sont � leur tour jug�s �na�fs�. Remuant le couteau dans une plaie que l�on croyait recouverte, Mgr Gaenswein prend par ailleurs la d�fense du discours que Beno�t XVI avait prononc� l'ann�e derni�re, dans lequel le pape �tablissait un lien entre islam et violence, estimant que le souverain pontife avait voulu par l� "r�agir � une certaine na�vet�". Dans le monde entier, des musulmans avaient � juste titre protest� contre ce discours en reprochant le pape de vouloir s'allier avec le pr�sident n�o-conservateur des Etats-Unis George W. Bush pour "reprendre les Croisades", notamment en Iran. L�arriv�e de Beno�t XVI aux commandes du Vatican semble ressusciter des ranc�urs enfouies sous le mart�lement des discours diplomatiques appelant au dialogue des cultures des civilisations et des religions. Lui embo�tant le pas, l'influent archev�que de Cologne, Joachim Meisner, d�clarait r�cemment dans une interview � la radio Deutschlandfunk que "l'immigration de musulmans a ouvert une br�che dans notre culture allemande, europ�enne". L�Europe menac�e d�islamisation, les musulmans peuvent en dire autant de l�Afrique. Le 27 juin 2006, lors de la IIr assembl�e sp�ciale pour l'Afrique du Synode des Ev�ques, le cardinal Francis Arinze, pr�fet de la Congr�gation pour le culte divin et la discipline des sacrements, s��tait f�licit� de ce que �malgr� la grande diversit� de la situation eccl�siale que pr�sentent les 53 pays du continent, la croissance est un fait... Nombreux sont les Africains qui re�oivent chaque ann�e le bapt�me, et dans certains pays les s�minaires ou noviciats f�minins ont plus de candidats que de places disponibles... De nombreuses causes de b�atification sont en cours dont celle de l'ancien pr�sident tanzanien Julius Nyerere�. La belle recrue ! Les Lineamenta (une sorte d�ordre du jour ou de feuille de route) de ce second synode africain (le premier remonte � 1994) r�uni pr�s la Sallede- Presse du Saint-Si�ge, sont divis�s en une introduction et cinq chapitres. Le premier chapitre, "L'Afrique � l'aube du XXIe si�cle", d�crit bri�vement l'�tat socio�conomique, politique, culturel et religieux de l'Afrique, le r�le des religions et en particulier les rapports entre islam et christianisme. "Le Christ, parole et pain de vie, notre r�conciliateur, notre justice et notre paix", est le titre du deuxi�me chapitre, qui souligne combien le "Christ appara�t comme le Sauveur des Africains et Africaines" face aux graves probl�mes du continent. Le troisi�me chapitre, "L'Eglise, sacrement de r�conciliation, de justice et de paix en Afrique", expose l'�tat d'un continent marqu� par la guerre. "L'Eglise est appel�e � d�velopper sa mission proph�tique de r�conciliation". "Le t�moignage d'une Eglise refl�tant la lumi�re du Christ sur le monde" est le titre du chapitre IV, qui met en �vidence la priorit� de la formation de la�cs qui "soient guid�s par les principes chr�tiens et tendus vers le bien commun", de mani�re "� influencer positivement les contextes sociopolitiques des divers pays". Voil� donc une strat�gie tr�s offensive d��vang�lisation que l�on peut d�plorer, dans un souci de coexistence pacifique des croyances et, ne l�omettons pas, des convictions. Dop�e par le n�o-conservatisme int�griste de l�administration Bush, l�Eglise catholique fait ainsi feu de tout bois contre tout ce qui bouge. Croisade contre l�Islam, mais aussi contre la gauche dans le fief de la modernit�. Mi-d�cembre dernier, l' Osservatore Romano accusa le gouvernement italien de centre-gauche de vouloir "�radiquer la famille" en faisant voter une loi pour les couples de fait, c'est-�-dire non mari�s. La gauche italienne souhaite "�radiquer" la famille traditionnelle avec son plan visant � donner aux couples de fait les m�mes droits qu'aux couples mari�s�, �crivit samedi 9 d�cembre le journal du Vatican. Un �ditorial publi� en Une du journal l' Osservatore Romano �tait ainsi titr� "No�l 2006 : Eradiquer la famille est la priorit� de la politique italienne". Il r�agissait au projet de la majorit� de centre-gauche d'offrir un cadre juridique pour les couples non mari�s. "Quinze jours avant No�l. Et il y en a qui font d'autres calculs, qui pensent � d'autres �ch�ances", �tait-il �crit dans l'�ditorial. "Nous parlons du premier mois de l'ann�e prochaine, comme l'�ch�ance d'une bataille insens�e." L�honn�tet� intellectuelle commande de dire ici que sur bien des questions, notamment de politique �conomique ou de r�partition des richesses, tous les fondamentalismes font bloc autour de l�ordre dominant, jug� naturel, voire divin. En 1871, l�officier d�ordonnance du colonel de Lisbonne, qui r�prima la Commune de Paris, �tait un musulman pr�nomm� Ali et, bien plus tard, les grands chefs maraboutiques alg�riens ont �t� nombreux � soutenir le r�gime de Vichy. �Certains d�entre eux, comme le cheikh de la zaou�a Rahmanyia de Boussa�da, ont m�me pouss� le z�le jusqu�� organiser des pri�res collectives en l�honneur du mar�chal P�tain�, nous apprend Sadek Sellam dans sa derni�re livraison �La France et ses musulmans�*. Le m�me auteur relate avec une pr�cision d�orf�vre les conditions dans lesquelles avaient �t� obtenues les fatwas lanc�es contre le djihad anticolonial pour canoniser les conqu�tes de Bugeaud. �En plein affrontement entre l�arm�e d�Afrique et les r�guliers de l��mir Abdelkader, alors ma�tres des espaces sahariens et forts du soutien de la population, le futur mar�chal envoya � La Mecque l�interpr�te militaire L�on Roches qui avait �t� dans l�entourage de l��mir Abdelkader apr�s s��tre �converti � l�Islam. Apr�s s��tre fait recommander par les dignitaires de la Tidjanyia qui avaient r�sist� � l��mir, Roches s��tait rendu � Kairouan, en Tunisie, o� des Tidjanis l�aid�rent � obtenir l�avis religieux recherch�. Doutant de l�autorit� de ses signataires, il alla ensuite au Caire pour faire approuver la fatwa par des cheikhs �gyptiens. Puis il partit pour La Mecque en se faisant passer pour un musulman afin de faire confirmer ces fatwas par des th�ologiens moins contestables. �Apr�s des citations du Coran, du hadith et des ouvrages de droit mal�kite, la fatwa de Kairouan affirmait que �quand un peuple musulman dont le territoire a �t� envahi par les infid�les les a combattus aussi longtemps qu�il a conserv� l�espoir de les en chasser, et quand il est certain que la continuation de la guerre ne peut amener que mis�re, ruine et mort pour les musulmans sans aucune chance pour les infid�les, ce peuple, tout en conservant l�espoir de secouer leur joug avec l�aide de Dieu, peut accepter de vivre sous leur domination � la condition expresse qu�ils conservent le libre exercice de leur religion et que leurs femmes et leurs filles soient respect�es. � Commentaire du p�lerin d�p�ch� par Bugeaud : � Les beaux sultanis (Louis d�or) habilement d�pos�s par mes moqaddems, et par moi dans les mains des Oul�mas ont puissamment appuy� les textes des commentateurs favorables � la paix.� Sachant par ailleurs ce qu�il advint r�cemment du chef actuel des zaou�as chez nous, entre les confr�ries religieuses tra�tresses et le Vatican, je pr�f�re� le centregauche italien. A. B. *Sadek Sellam, La France et ses musulmans : Un si�cle de politique musulmane 1895-2005, Casbah Editions, Alger 2007.