«Seigneur, fais de moi un instrument de Ta paix. Là où est la haine, que je mette l'amour. Là où est l'offense, que je mette le pardon. Là où est la discorde, que je mette l'union. Là où est l'erreur, que je mette la vérité, c'est en pardonnant qu'on est pardonné» Saint François d'Assise (Prière) Encore une fois dans l'indifférence quasi générale des autorités officielles et de la presse «main-stream», la deuxième communauté de France comptabilise les agressions faites à sa religion, à ses morts - qui pourtant sont morts pour la France-. Elle voit ses lieux de prière devenir la cible facile d'autres Français bien dans leur peau et apparemment sans retenue quand il s'agit de «s'attaquer» à cette religion que l'on dit poser problème à la République et à ce désir d'être ensemble entre Français de souche ou à la rigueur entre Chrétiens européens voire entre chrétiens tout court. On nous dit que le président a protesté, qu'une enquête va être diligentée -une de plus-. De fait divers en fait divers, on banalise l'intolérance et l'islamophobie a vocation, de ce fait, à structurer durablement le corps social français. On sait la sollicitude avec laquelle les «Chrétiens persécutés» en terre d'islam (Irak, Egypte..) trouvent une oreille compatissante auprès des plus hautes autorités. N'a-t-on pas vu en effet, le ministre de l'Intégration et de l'Identité nationale accueillir avec «un zèle de bénédictin» des familles irakiennes de cette confession. Pendant ce temps, des dizaines de familles de réfugiés croupissent dans les centres de rétention en attendant le «charter» qu'on leur offre pour leur retour. L'Islamophobie n'a pas jailli du néant, elle a été créée au fil des ans, entretenue par des intellectuels qui ont pignon sur rue et qui sont abonnés aux médias lourds. Je veux citer les Alexandre Adler, Bernard Henry Lévy, responsables - sous des dehors bon chic bon genre- de la perfusion lente mais savante de ce poison qu'est le racisme, l'islamophobie et l'intolérance. Je veux citer Finkielkraut aussi, concepteur du concept de racisme anti-blanc et qui appelle à la rescousse le ban et l'arrière ban contre tous les basanés et les mélanodermes scories de la colonisation. Dans un article précédent, j'avais écrit que les Musulmans du XXIe siècle pourraient avoir un sort analogue aux Juifs lors de la Seconde Guerre mondiale. Cela ne veut pas dire que le racisme, l'islamophobie sont une spécialité française. L'Italie de Berlusconi n'est pas en reste. Lui-même déclare que le christianisme est supérieur à l'Islam. Cette appréciation surréaliste est tout à fait recevable si c'est le commun des mortels qui le pense. Dans la bouche d'un chef de gouvernement, c'est un appel à l'intolérance. Dans ces conditions, on comprend le délire d'Oriana Fallaci, journaliste, qui dans un essai d'une rare violence. «La rage et l'orgueil», déclare que «les fils de Mohamed prolifèrent comme des rats».Alain Finkielkraut eut à la présenter en France et à défendre son ouvrage. Ambivalence Cependant, en France, une réelle ambivalence règne. D'un côté, on martèle pour tenter de convaincre - en vain- que la France est la patrie des droits de l'homme et qu'à ce titre, elle a des devoirs, de l'autre- du côté de la réalité - c'est une atmosphère de goulag qui ne veut pas dire son nom. La suspicion est partout. Il est vrai que même sous Jacques Chirac, «l'intifada des banlieues» fut une réponse à la karchérisation des quartiers pour permettre, aux bons Français «qui travaillent», de dormir en paix. Souvenons-nous de l'Affaire Marie L. En l'espace d'une paire d'heures tout le gouvernement, président en tête se sont fendus de communiqués d'allégeance à la communauté juive, sans naturellement vérifier la véracité des dires de Marie L. qui s'avère être une malade qui a accusé injustement des Beurs et des noirs de l'avoir agressée. «Celui qui touche à un cheveu d'un Juif touche à la République» a martelé Chirac. Après le constat du canular, il n'y eut pas d'excuse envers les incriminés. Cette dérive islamophobe a démarré vraisemblablement après les indépendances des pays maghrébins et notamment de l'Algérie. Tant que l'Islam était invisible, il était cantonné dans la sphère du folklore. A partir du moment où les émigrés décidèrent de faire souche, ils demandèrent à la République le droit de pratiquer leur culte, non plus d'une façon clandestine mais d'une façon visible dans des lieux appropriés, d'enterrer leurs morts dans des endroits spécifiques. Petit à petit se consolide un front diffus anti-algérien, anti-arabe, anti-islam, d'autant que les médias jetant intentionnellement de l'huile sur le feu pour alimenter le bûcher de la suspicion et de la haine en présentant l'Islam comme une religion conquérante. On ne peut s'imaginer le désastre, comme une phrase aussi anodine comme l'Islam est la deuxième religion de France pratiquée par 6 millions de musulmans. En face, les églises se vident, le clergé peine à susciter des vocations. Dans le sud-est de la France le clergé a été contraint de vendre une église mais il s'est récusé quand l'acheteur était la communauté musulmane qui voulait en faire une mosquée... Est-il normal que des tombes sont profanées par centaines, que des agressions à caractère raciste aient lieu, que des lieux de prière -euphémisme utilisé souvent pour désigner des garages insalubres- soient incendiés, qu'une véritable inquisition soit instituée au nom d'une laïcité à géométrie variable confiant, par délégation, le dangereux pouvoir de l'inquisition à des fonctionnaires zélés qui en rajoutent en termes de raffinement. Cela va de la directrice d'école qui exclut une foulardée, comptant de ce fait répondre à l'air du temps et dans le même temps «venger la femme en s'attaquant à une valeur de l'islam». Ceci étant dit, ce qui se passe outre- Méditerranée n'est que l'une des nombreuses répliques de notre rapport à la religion chrétienne. Si l'Islam protège les «gens du Livre», dans les faits, dans notre pays notre justice est souvent tentée par une justice expéditive comme dans le cas de l'affaire Habiba ou des six jeunes qui priaient en privé. Pour justifier la croisade contre un prétendu prosélytisme évangélique, les autorités invoquent la loi du 28 février 2006. Dans les faits, la réalité est plus triviale. A Tiaret, on a arrêté une frêle jeune femme en possession de redoutables pièces à conviction: des Bibles! Là où il s'agit de réaffirmer avec force la liberté de conscience, des exégètes de bistrot invoquent la «tolérance de l'Islam envers les gens du livre» pour concéder aux pratiquants de «cultes non musulmans» quelques strapontins de sous-citoyens. Les chrétiens algériens sont d'abord des citoyens. Dans une République, les citoyens sont tous soumis aux mêmes lois, qu'ils soient croyants ou athées...Tout comme ils ont droit au même respect de leurs convictions et à la pratique libre de leur culte, tant qu'ils ne les imposent pas aux autres par la contrainte. Aux persécutions en cours, répondent, outre-Méditerranée, les vociférations de l'extrême droite qui exige, avec une certaine logique il faut le reconnaître, l'application du principe de réciprocité du fait de La «christianophobie» rampante en Algérie. Pour revenir à l'Islamophobie, on peut sans conteste affirmer que l'attaque des twin towers a cristallisé une haine latente envers l'Islam. De plus, l'élection de Benoît XVI a donné un coup d'accélérateur à la distanciation d'avec l'Islam devenu le «tiers exclu de la Révélation abrahamique». A propos du discours agressif de Ratisbonne, le New York Times écrit: «Le monde écoute avec attention les propos de chaque pape. Et il est tragique et dangereux que l'un d'eux sème la douleur, soit délibérément, soit par négligence.» Pour Salman al Odeh, l'une des principales personnalités religieuses d'Arabie Saoudite, ´´Comment le pape peut-il insinuer que les musulmans sont à l'origine du terrorisme dans le monde alors que ce sont les adeptes du christianisme qui attaquent les pays du monde islamique?´´. ´´Qui a attaqué l'Afghanistan et envahi l'Irak? (...) Les déclarations du pape visent à couvrir l'injustice et l'agression menée par le gouvernement américain contre les musulmans´´, a-t-il dit. Le moins que l'on puisse dire est que le pape Benoît XVI ne croyait pas au dialogue avec l'Islam, déjà bien avant qu'il ne fût pape. Pour un pape qui parle à la fois en tant que chef de l'Eglise catholique et chef d'Etat, il s'agit d'un dangereux parti pris qui est loin de l'esprit de Vatican II. Comment une personnalité disposant d'un tel magister moral et d'un impact médiatique a-t-elle pu avoir si peu le sens diplomatique? Il est hors de doute que ce sont des propos bien étudiés dans le cadre d'une conférence minutieusement préparée. On comprend dans ces conditions que les regrets ne règlent rien. Pourtant, il reconnaît que dans un entretien à la Republica en 2004: «L'islam est en mesure d'offrir une base spirituelle vitale pour la vie des peuples, une base spirituelle qui semble bien avoir échappé des mains de la vieille Europe.» Mais il souligne aussi les différences, d'où son hostilité à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. Peu avant d'être pape, il répétait encore: «Historiquement et culturellement, la Turquie a peu en commun avec l'Europe [...]. Il serait mieux qu'elle devienne un pont avec le monde arabe ou qu'elle forme avec lui son propre continent culturel.» Evangélisation musclée Déjà le 9 janvier 2006, Le pape avait déclaré que: «La raison en est que, contrairement au Judaïsme et au Christianisme qui considèrent la Bible comme étant inspirée par Dieu à des êtres humains, et donc sujette à interprétation, l'Islam croit que le Coran est la parole littérale et directe de Dieu...Benoît XVI a pris ses distances avec le troisième des monothéismes en faisant fusionner le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux - qui comprenait l'Islam - avec celui de la culture, débarquant du même coup le président dudit conseil, Mgr Michael Fitzgerald, connu pour sa sympathie envers les musulmans.». Souvenons-nous aussi: le secrétaire personnel du pape Benoît XVI s'est ému de l'islamisation de l'Europe et a insisté sur la nécessité de ne pas ignorer les racines chrétiennes du continent. ´´On ne peut pas nier les tentatives pour islamiser l'Ouest´´, aurait déclaré Monseigneur Georg Gaenswein, cité par le magazine hebdomadaire Süddeutschezeitung, paru vendredi 27 juillet 2007. A la même époque l'influent archevêque de Cologne, Joachim Meisner, a déclaré dans une interview à la radio Deutschlandfunk que ´´l'immigration de musulmans a ouvert une brèche dans notre culture allemande, européenne´´. Allant plus loin, le pape prône une évangélisation musclée. Propager la parole du Christ, a-t-il souligné, est plus important encore que toutes les aides au développement accordées aux pays pauvres de la planète. ´´Quand nous apportons aux autres seulement la connaissance, le savoir-faire, la compétence technique et les instruments, nous ne leur apportons pas assez.´´ Citant l'exemple de l'Eglise catholique en Allemagne, l'une des plus riches au monde, il a remarqué que si elle se montrait généreuse dans l'aide au développement, elle ne faisait peut-être pas assez pour diffuser l'Evangile. ´´L'évangélisation devrait être la priorité´´, a-t-il dit. L'obsession de ce pape allemand est l'effondrement de la foi et de la mémoire des racines chrétiennes dans une Europe ´´sourde´´ à Dieu. Une Europe sécularisée qui s'affaiblit par rapport à un Islam jugé à tort, conquérant.(1) Voilà, tout est dit, il faut indexer l'aide au développement à la nécessité de perdre son âme ou de gagner le paradis, c'est selon. Cela nous rappelle un certain cardinal Lavigerie qui avait sévi en Algérie; on lui doit notamment la conversion forcée d'enfants, la distribution du pain et de nourriture à des malades en échange de leur conversion. En définitive, les bras qui ont brûlé la mosquée de Saint-Priest, ceux qui ont vandalisé les tombes à Lille ne sont pas plus coupables que les architectes de ces croisades des temps modernes et qui ne veulent pas dire leur nom. Malgré les protestations molles des gens du culte musulman et leur désir de mettre en place un observatoire de l'islamphobie, à l'instar des multiples instances qui protègent la communauté juive dont un observatoire de l'antisémitisme, les résultats seront vains tant que la République ne regarde pas l'Islam en France et ne lui accorde pas le même statut que les autres religions. Il est à craindre une escalade beaucoup plus violente si la République ne donne pas un coup d'arrêt à ces dérives. «Au XXe siècle, pense Mohammad Khatami, le monde a été la scène de discrimination, fracturé de misère et d'iniquité, dirigé par une logique à deux vitesses, déchiré par le partage inéquitable des richesses, qui ont déclenché à leur tour des guerres les plus létales.» a déploré l'ex-président iranien. «Qu'est-ce qui manque à ce monde, s'est-il interrogé, nous bénéficions de sciences et de technologie, mais nous n'avons pas de justice, nous jouissons de puissance et de science mais nous sommes dépourvus de moralité. J'ai la ferme conviction que tout en honorant la science et la technologie, qu'aucune nation ne peut s'en passer, les grands absents de ce monde qui sont à l'origine de ces problèmes, se résument dans le sourire de Bouddha, la clémence de Jésus (béni soit-il), l'éthique de Mohammad (que la paix divine soit sur lui et sur ses descendants), la justice de Moussa (béni soit-il). Voilà les grands absents de notre monde.», a déclaré l'ex-président iranien. «Le problème, a-t-il ajouté, ne réside pas uniquement dans l'absence de cette justice, de ce sourire, de cette étique ou de cette clémence, le malheur est qu'ils se sont transformés en conflit, en violence, en hypocrisie et en répression. Il nous incombe de sauver science, art, religion et toutes les autres manifestations de la vie humaine des griffes des individus hégémoniques, maximalistes et bellicistes. Le monde sera ainsi purifié de violence. Il y va du devoir de nous tous.»(2). (*) Ecole nationale polytechnique 1.Reuters:Le pape déplore la déchristianisation de l'Occident 10 septembre 2006 2.Mohammad Khatami à la Conférence pour la paix et la religion. Mardi 29 Août 2006 IRIB