Le secrétaire d'Etat américain John Kerry est arrivé mardi à Tunis pour une visite surprise destinée à montrer le soutien des Etats-Unis à la transition démocratique dans le pays précurseur des "Printemps arabes". Aussitôt après son arrivée, M. Kerry s'est entretenu avec le président de la République Moncef Marzouki, puis avec le nouveau Premier ministre Mehdi Jomaa. "J'avais vraiment hâte de venir. Nous sommes très impressionnés par les pas que vous avez faits, par l'approche rationnelle, réfléchie de la transition. Félicitations pour la Constitution, qui est un grand pas. Et nous avons vraiment hâte de voir le processus électoral", a dit M. Kerry à M. Marzouki. La courte visite du responsable américain vise à montrer "le soutien continu des Etats-Unis au peuple et au gouvernement tunisiens" et à discuter avec les dirigeants tunisiens "des progrès de la transition démocratique en Tunisie", a indiqué la porte-parole du département d'Etat américain, Jen Psaki. La Tunisie émerge tout juste d'une année tourmentée, marquée par l'assassinat de deux opposants de gauche et la mort dans des attaques attribuées à des jihadistes d'une vingtaine de soldats et de gendarmes. L'adoption le 26 janvier d'une nouvelle Constitution, trois ans après la révolution, et la formation d'un gouvernement apolitique devant mener le pays vers des élections générales ont signé le début d'une sortie de crise. Le parti islamiste Ennahda, arrivé en tête des premières élections après la chute du président Zine el-Abidine Ben Ali, a en effet remis le pouvoir aux termes d'un accord âprement négocié et des mois de pourparlers pénibles. "Ce qui est unique, ou du moins frappant avec la Tunisie en particulier, c'est la volonté des parties opposées de faire un pas l'une envers l'autre et de faire preuve d'ouverture et de coopération", a déclaré un haut responsable américain sous le couvert de l'anonymat. "Ce qui est positif et même source d'inspiration en Tunisie, c'est la volonté démontrée de ne pas prendre le pouvoir et de s'y attacher", a-t-il ajouté. Le nouveau gouvernement tunisien doit toutefois faire face à une contestation sociale due aux difficultés économiques ainsi qu'à l'essor de groupes jihadistes. Quatre personnes, dont deux gendarmes, ont été tuées dans la nuit de samedi à dimanche par un groupe armé. Lundi soir, M. Jomaa s'est malgré tout voulu rassurant face au "terrorisme", en assurant que le moral des forces de l'ordre restait au plus haut. "Les terroristes étaient conscients qu'aujourd'hui les circonstances étaient propices (à une stabilisation, ndlr) parce que nous étions parvenus à un consensus national, que la confiance était revenue chez les citoyens (...) et que les forces de l'ordre commençaient à maîtriser ces batailles contre les terroristes", a-t-il dit. Des responsables du Département d'Etat ont également indiqué que Washington voulait collaborer avec les autorités tunisiennes pour traduire en justice les auteurs d'une attaque en 2012 contre l'ambassade et l'école américaines à Tunis. "Il y a eu certains pas de faits dans cette affaire, mais à notre avis davantage de choses pourraient être faites en termes d'arrestations et de poursuites", a dit un responsable du Département d'Etat qui n'a pas souhaité être identifié. Les Etats-Unis ont fourni une assistance de près de 400 millions de dollars à la Tunisie depuis 2011. M. Kerry doit aussi pendant sa visite annoncer le lancement d'un dialogue stratégique avec la Tunisie, une sorte de forum de haut niveau pour des discussions régulières. Le secrétaire d'Etat américain va voir avec les dirigeants tunisiens comment Washington peut aider le pays à aller de l'avant, selon des responsables américains. "Il est ici pour écouter et voir ce que nous pouvons faire de plus pour nous assurer non seulement que la Tunisie elle-même réussisse, mais aussi qu'elle devienne un modèle pour ses voisins". Après Tunis, M. Kerry s'envolera pour Paris pour une rencontre mercredi avec le président palestinien Mahmoud Abbas. Les Etats-Unis ont présenté un projet d'"accord-cadre" traçant les grandes lignes d'un règlement définitif entre Israéliens et Palestiniens.