Avec une imperturbable régularité, des noms d'écrivains algériens comme potentiels lauréats des prix littéraires les plus prestigieux reviennent nous faire miroiter quelque gloire sur un terrain où les lauriers récoltés sont plutôt rachitiques. Il n'est bien sûr pas interdit de prendre ses phantasmes pour la réalité, mais il est des situations tellement bien installées dans le confort de certains mécanismes de fonctionnement qu'on en arrive à se demander ce qui a bien pu changer pour qu'on se surprenne à saliver dans ces niveau là. On se souvient ainsi que Yacine, Dib, Boudjedra et Benhadouga ont tous eu à découvrir dans de «désagréables surprises» que d'incurables optimistes les donnaient pour sûr à la consécration littéraire universelle, dans une «compétition» où c'est rarement la qualité esthétique de l'œuvre ou la valeur intrinsèque d'un auteur qui sont récompensées. Car, si les désinvoltes faiseurs de Nobel, de Goncourt ou de Renaudot, ne doivent pas savoir, et pour cause, comment «ça se passe», les écrivains, eux, savent et de ce fait ils se sont rarement fait des illusions. Les récompenses littéraires, comme d'ailleurs toutes les autres distinctions artistiques, sont régies par des «critères» que les organismes qui les décernent mettent au point, pour répondre à des motivations où l'art dans l'absolu n'est jamais l'exclusif maître des lieux. C'est souvent frustrant, parfois injuste, et toujours controversé, mais ça a le mérite de la clarté, sans laquelle les promoteurs auraient du mal à s'en sortir. Car parmi les choses que ceux qui nous font miroiter des Nobel et des Goncourt ne savent pas et que les écrivains algériens savent, il y a ceci : les promoteurs sont libres de décider des critères de sélection et leurs jurys sont souverains dans leurs choix. La raison en est bien simple et ne devrait alimenter aucune polémique : l'initiative leur appartient et ils ont mis les moyens et les mécanismes de sa gestion. On peut bien sûr critiquer, ne pas être d'accord, suggérer sa formule ou tenter de «vendre» un candidat, mais il n'y a pas de recours possible. Tout comme il serait illusoire de penser, ne serait-ce qu'un instant, qu'on peut influer d'une manière ou d'une autre sur la décision du jury qui a souvent le mérite du vote libre de ses membres et de la transparence dans le processus de désignation jusqu'à son aboutissement. Et c'est sans doute parce qu'on oublie tout ça, par naïveté ou à dessein, que tous les Algériens intéressés par la chose littéraire reviennent chaque année d'une terrible désillusion. Il y a sûrement dans la littérature algérienne des noms et des titres qui méritent de telles consécrations. Pour y parvenir, il y a tout le reste dont d'autres devraient s'occuper. Ce n'est pas fait jusque-là. Et nous connaissons le résultat. Slimane Laouari Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir