Alger n'est pas l'Algérie est peut-être une belle formule, mais ça reste tout de même une formule. Qu'elle soit «servie» pour revendiquer un certain ancrage dans la capitale dont on ne cernera jamais les motivations sociologiques ou pour «exiger» plus d'égards à l'endroit du pays profond, la phrase plus péremptoire et sentencieuse que didactique a cependant de beaux jours devant elle. On a beau dire, elle est dérisoire parce que les seuls projets qu'elle a inspirés sont restés au stade de velléités. Dans la bouche de l'autorité politique, des compétences techniques ou du citoyen lambda, elle est une sorte de philosophie facile dont on use comme grossier échappatoire, approximation prospective ou colère revendicative à moindre risque. Dans son registre le plus simple, toujours fertile en indication, «la chose» est connue de tous : de braves cadres au savoir-faire pas toujours consacré claironnent sous toutes les latitudes qu'ils se sont «sacrifiés» en renonçant au confort supposé acquis et aux perspectives de promotion théoriquement évidentes pour aller développer un arrière pays en jachère. C'est bien. Sauf qu'en privé ou au moindre prétexte à irritation, ils passent aux aveux les moins doux pour nous apprendre ce dont on se doutait déjà un peu : le souci de contribuer à la prospérité attardée de l'intérieur du pays n'est que cupide quête de réussite à moindre effort, l'ambition tempérée une fuite de la compétition et les prétentions de bâtisseurs petits calculs d'épicier. Les termes les plus rugueux et les plus expressifs pour résumer «tout ça», c'est dans la bouche désabusée des «autochtones» que nous les retrouverons : «ils viennent se remplir les poches, se faire une situation en des temps records, puis s'en vont». On peut bien évidemment considérer la réplique comme une sorte d'envers du décor aussi expéditive aisée que celle qui l'a suscitée. Sauf que dans ces contrées désenclavées, ceux qui constatent les dégâts avec amertume sont systématiquement ceux qui en pâtissent vraiment. En annonçant le verdict, ils savent de quoi ils parlent, puisque c'est de leur quotidien qu'il s'agit. Le quotidien des plus faibles. Alger n'est pas l'Algérie est une lapalissade. Mais les lapalissades aussi se regardent avec des yeux différents. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir