«Le score importe peu, de même que le résultat. Ce n'est qu'un match de préparation. Le plus important est de voir ce que nous pouvons faire lors du Mondial.» C'est ainsi que s'est exprimé Rabah Saâdane à l'issue du match perdu, vendredi, par les Verts contre l'équipe de l'Eire. Convenons que l'entraîneur de l'équipe d'Algérie a, parfaitement, le droit de défendre ses idées et ses thèses, tout comme il peut être dans le vrai, sachant qu'une compétition ne peut être jugée tant qu'elle n'a pas été jouée. Cela ne peut empêcher le commun des mortels d'avoir des appréhensions quand il s'aperçoit que l'équipe qu'il soutient donne des signes d'essoufflement avant même que la compétition en question ne commence. On veut bien croire que l'équipe qui a joué contre les Irlandais n'était pas la vraie équipe nationale, puisque manquaient à l'appel des joueurs comme Bougherra, Yahia, Matmour et Yebda, soit quatre titulaires indiscutables, mais un tel argument ne peut suffire à lui seul pour expliquer le terrible ratage des Verts à Dublin. Cela même si Saâdane a trouvé «pas mal d'aspects positifs» dans ce match. Des matches de haut niveau Au crédit de l'entraîneur national, il faut rappeler qu'en 1981, l'équipe nationale, qui préparait son ultime match de qualification pour la Coupe du monde de 1982 face au Nigeria, avait disputé, une dizaine de jours avant de se déplacer à Lagos, un match amical au stade 5 Juillet contre l'équipe française du Paris Saint Germain. Cette confrontation avait tourné au ridicule pour les Verts, battus et humiliés sur le score de 3 buts à 0. Inutile de dire que pour les observateurs de l'époque, il était entendu que cette équipe d'Algérie était appelée à subir un autre échec en terre nigériane face à un adversaire qui l'avait dominée, une année plus tôt, en finale de la CAN (succès 3-0 du Nigeria). Pourtant, ces Verts, que l'on croyait au bord du gouffre, avaient réussi à se métamorphoser le jour du match, au point de donner la leçon aux Nigérians, vaincus 2-0 devant plus de 90 000 de leurs supporters. Cette victoire avait ouvert grandes les portes du Mondial 82 aux Algériens, lesquels, quelque temps plus tard, avaient pu confirmer leur exploit de Lagos en s'imposant lors du match retour, à Constantine, sur le score de 2 buts à 1. Ceci pour dire qu'il serait hasardeux de penser un seul instant que l'équipe d'Algérie qui a joué contre les Irlandais sera bien celle qui jouera en Coupe du monde. On veut dire par là, avec le même état d'esprit, la même nonchalance, le même manque d'agressivité, le même manque d'enthousiasme ou avec les mêmes largesses sur le plan défensif qui ont valu aux Verts d'encaisser la bagatelle de 11 buts lors de leurs quatre dernières confrontations. Aujourd'hui, ce qui reste à faire au supporter de l'équipe d'Algérie, c'est d'entretenir l'espoir de voir cette sélection présenter un visage bien plus rassurant lors de la Coupe du monde. En tout cas, ce supporter-là est nettement en retard avec son prédécesseur des années 1980, celui qui suivait pas à pas l'équipe qui allait représenter le pays au Mondial de 1982 en Espagne. Retard sur le plan du réconfort moral avant la compétition et Rabah Saâdane, qui faisait partie du staff technique de l'équipe de 1982, sait de quoi on parle. Jusqu'à aujourd'hui, on évoque le succès des Verts contre les Allemands lors de cette Coupe du monde espagnole comme un exploit retentissant. De fait, il n'était pas donné à n'importe qui de battre cette équipe d'Allemagne à l'époque, une équipe allemande qui était, d'ailleurs, parvenue à se hisser jusqu'à la finale de la compétition cette année-là. Mais ce que l'on semble oublier, c'est que l'équipe d'Algérie n'était pas allée en Espagne sans aucun atout. Il est bon de préciser que pour sa préparation d'avant la Coupe du monde, cette sélection avait bénéficié d'un stage d'une quinzaine de jours en Suisse, dans la station alpestre de Farges. Elle était, ensuite, descendue en plaine, à Alger précisément, pour disputer une série de matches amicaux. Lors de ces matches, elle avait enthousiasmé le public du stade 5 Juillet en réalisant de superbes prestations ponctuées d'un match nul contre le Pérou (cette même équipe du Pérou était allée cinq jours plus tard à Paris dominer l'équipe de France sur le score de 1 but à 0), d'une victoire sur l'équipe nationale de l'Eire (2-0) et d'un autre succès contre l'équipe du Real Madrid (2-1). Le jour du match contre le Pérou, l'entraîneur de cette sélection, Tim, n'avait pas hésité à déclarer qu'il avait été impressionné par les joueurs algériens et par leur vivacité et que leurs adversaires en Coupe du monde avaient tout intérêt à se méfier d'eux. Il y avait, donc, du répondant dans l'équipe qui avait été envoyée en Espagne avec des joueurs au talent reconnu, comme Madjer, Belloumi, Assad, Dahleb, Merzekane ou Fergani, ce qui manque terriblement à la cuvée de 2010. Si les Allemands avaient subi la terrible désillusion de leur premier match du Mondial de 1982, c'est parce qu'ils avaient eu en face d'eux une équipe particulièrement bien préparée et suffisamment armée en joueurs très forts sur le plan technique mais aussi animés d'une volonté de bien faire sans faille. Refaire le coup d'Oum Dormane C'est cette volonté là qui risque de manquer au cru de 2010. Nous avons le souvenir du match du 17 novembre à Oum Dormane, au Soudan, contre les Egyptiens. Ce jour-là, il fallait bien admettre que d'un point de vue tactique et technique, l'équipe des Pharaons était supérieure à la nôtre. Même Rabah Saâdane l'a admis en conférence de presse. La victoire et la qualification au Mondial, les joueurs algériens étaient allés les chercher en faisant appel à une extraordinaire volonté de se battre et de ne pas se laisser gagner par le fatalisme. Les Egyptiens n'avaient jamais pu résoudre le problème posé par cette superbe détermination d'un onze algérien qui en avait épaté plus d'un. C'est cette flamme, cette envie de se battre à tout instant que l'équipe d'Algérie semble avoir perdues en ce moment. Si Saâdane compte mener ces Verts vers la victoire au Mondial sud-africain, il faut qu'il les amène à retrouver leur envie de tout renverser sur leur chemin, cet «œil du tigre» qu'ils semblent avoir perdu. On peut, à juste titre, comparer les joueurs algériens au boxeur Rocky Balboa incarné par Sylvester Stallone. Dans le troisième volet de la saga, on y voit un Rocky, champion du monde, qui se laisse aller au farniente, poser pour de la publicité et oubliant qu'il est un sportif. Il finit par perdre ses repères et à se faire déposséder de sa couronne mondiale. Il lui a fallu tout reprendre à zéro de manière à retrouver le fameux «œil du tigre» qui lui permettra de reconquérir son titre. Nos joueurs, eux, ont passé beaucoup de temps à se faire photographier, à signer des autographes, à se faire interviewer, à signer des contrats publicitaires les uns après les autres, oubliant qu'ils avaient un Mondial à préparer. Bougherra a même été autorisé à quitter le stage de Crans-Montana pour venir à Alger signer un contrat publicitaire. Il y a un peu trop de laisser-aller dans cette équipe qui fait que ses joueurs se sont éloignés de cette volonté qui leur avait permis de terrasser les Egyptiens à Oum Dormane. C'est cette qualité essentielle qu'ils vont devoir retrouver dans la perspective du Mondial sans quoi leur retour en Algérie durant cette compétition se fera assez rapidement.