La communauté chrétienne de Kabylie (protestante) demeure incomprise, selon le pasteur de l'EPA, Mustapha Krim. Dans cet entretien, il nous livre crûment ses impressions, laisse apparaître sa colère vis-à-vis des pouvoirs publics «qui ne bougent pas le petit doigt» par rapport à ce que sa communauté subit. Ecoutons-le : Le Temps d'Algérie : La communauté chrétienne, en Kabylie particulièrement, vit ces derniers temps dans un climat de tension, différemment apprécié, marqué du reste par des procès ici et là, pour diverses raisons. Quelle lecture faites-vous de cette situation ? Mustapha Krim : En Kabylie et même plus loin, les chrétiens sont les oubliés du système. Nous espérons toutefois aboutir à nos revendications, nous avons fait nos doléances au gouvernement. On nous accuse de tous les maux mais en contrepartie, on n'a jamais bougé le petit doigt ne serait-ce que pour comprendre notre situation et pouvoir y remédier par la suite. Les chrétiens que nous avons rencontrés s'estiment justement persécutés. Ils remettent en cause l'ordonnance de 2006 régissant la pratique des cultes autres que musulmans, appliquée selon eux avec zèle. Tout à fait. La loi de 2006 est instaurée par les autorités religieuses pour pouvoir s'en servir à volonté. Elle ne règle rien du tout pour ce qui nous concerne. Elle ne comporte que des aspects punitifs. De la persécution, comme vous le dites. Il n'existe pas d'aspects positifs dans cette loi qui pouvait nous servir tout au moins de protection. Je pense que cette ordonnance doit être abrogée, ou du moins remaniée entièrement avec notre participation. Vous dites donc que la loi doit au moins être «revue et corrigée» avec votre collaboration. En quoi n'arrange-t-elle pas la communauté chrétienne ? La loi, comme je vous l'ai dit, ne comporte que des chapitres répressifs. Elle est anticonstitutionnelle. Je m'explique : d'un côté l'Etat ratifie des conventions internationales, notamment celles relatives aux droits de l'homme, et de l'autre, on se permet de faire deux classes de citoyens. A titre d'exemple, on nous impose en tant que chrétiens le code de la famille inspiré de la chariâa qui ne nous concerne nullement en principe. C'est pour toujours donner gain de cause aux musulmans. Ce n'est pas du tout normal ! Certains affirment que l'église protestante bénéficie de financements occultes d'où, expliquent-ils, l'engouement des jeunes à rejoindre cette communauté, notamment en Kabylie. Que leur répondez-vous pasteur ? Je dirai que les 9 milliards annoncés par le ministère des Affaires religieuses, pour manipuler, spécialement en Kabylie, justement, les œuvres caritatives musulmanes, est la preuve du contraire de ce qui est avancé. A ce que je sache, le gouvernement n'a jamais financé quoi que ce soit à l'intention des chrétiens. Qu'on nous accuse maintenant de recevoir des fonds de l'étranger, il faudra d'abord donner la preuve. Et puis, ça se vérifie d'abord de par notre situation. Nous ne serions pas entassés dans des garages ou autres locaux si nous avions ces fonds que vous évoquez. D'où proviennent justement les fonds de l'église protestante ? Des collectes au niveau des communautés tout simplement. Ce qui démontre finalement que nous ne sommes assistés par personne et de nulle part, puisque nous n'arrivons même pas à faire face à la situation. La plupart des églises protestantes sont des lieux que nous avons acquis à titre de location. Nous arrivons à peine déjà à gérer et faire face à la situation. Nos lieux de culte qui devaient nous revenir de droit ont été réquisitionnés par l'Etat. Un dernier mot... Oui. Je dirai tout simplement que les choses se vérifient sur le terrain, nous sommes tout à fait ouverts. Toutes nos communautés sont des lieux publics où on peut se rendre, écouter et se renseigner. Nous n'avons rien à cacher ; nous sommes là pour vivre notre foi. Nous remarquons même qu'une partie de la population musulmane nous apprécie vraiment pour notre honnêteté et le bien-fondé de tout ce que nous faisons. Nous espérons pouvoir inspirer d'avantage de respect. Propos recueillis