La visite du chef d'Etat français, François Hollande, attendu aujourd'hui en Algérie pour un séjour officiel d'une journée et demie fait débat à l'Institut de journalisme et des sciences politiques (ex-ITFC) relevant de l'université d' Alger. Des politologues enseignant au sein de cette faculté n'y ont pas été avec le dos de la cuillère pour faire des analyses traitant des attentes de cette visite autant du côté algérien que français. Attentes multiples et multidimensionnelles, comme a soutenu d'entrée Ali Igoudjil, enseignant en journalisme, qui a mis l'accent sur ce qu'il qualifie «d'immense fossé qui s'est creusé dans le domaine des relations bilatérales algéro-françaises, à telle enseigne que les deux Etats sont appelés à fournir beaucoup d'efforts pour un meilleur rapprochement». L'élection de Nicolas Sarkozy à l'Elysée a eu des effets négatifs sur les rapports entre Alger et Paris, poursuit notre interlocuteur. Son successeur, François Hollande, est de surcroît chargé d'apporter les corrections nécessaires aux «errements de Sarkozy», a encore laissé entendre Ali Igoudjil, en prenant soin de préciser que si «le fossé entre les deux Etats se referme, cela ne devrait pas laisser des séquelles». L'opinion algérienne, à savoir les officiels algériens et la composante du microcosme politico-médiatique, s'attend à une action forte, sinon à un message important de la part de François Hollande en direction de l'Algérie. L'action en question devra concerner soit le volet de la mémoire, c'est-à-dire lié à la présence coloniale de la France en Algérie, soit sera d'ordre économique, dira le même universitaire. «Il serait malheureux que le geste attendu du président Hollande soit lié à la seule question des visas», a-t-il commenté. François Hollande ira-t-il jusqu'à se repentir officiellement de la présence coloniale de son pays en Algérie ? A cette question, l'universitaire Mohamed Magani, qui est également écrivain avec à son actif une quinzaine de livres, répondra que «la France doit doublement demander pardon à l'Algérie, d'abord pour ses atrocités criminelles, actes génocidaires et de déculturation du peuple algérien commis pendant la période coloniale , ensuite, il ne faudrait pas perdre de vue que la France a constitué un véritable abri pour les extrémistes radicaux islamistes au moment où l'Algérie était confrontée au phénomène du terrorisme». Mohamed Magani ne s'arrête pas là. Il estime que le montant du butin que la France a soustrait à l'Algérie au début de la colonisation avoisinait, à cette époque déjà, la cagnotte de 5 milliards d'euros (sic). «Aujourd'hui, l'assainissement de la question de la mémoire entre Alger et Paris, c'est aussi le remboursement de ce butin», dira notre interlocuteur, qui souligne par ailleurs la nécessité pour la France de réviser sa politique vis-à-vis de toute la région du Maghreb, en commençant par reconnaître la lutte du Sahara occidental pour son autodétermination, lutte qui fait l'objet d'un blocus qui ne dit pas son nom de la part des médias français. Salah Ghers, universitaire également, a quant à lui un autre avis. Il estime que «François Hollande n'a pas encore assuré son ancrage en tant que président qui détient les rênes de la France et qui est souverain dans sa décision. A l'occasion de sa venue dans notre pays, il ne pourra donc aller jusqu'à exprimer le pardon de la France pour son passif colonial en Algérie compte tenu des lobbies profondément hostiles à une telle action». Sur la même question, Zahra Bouicha, enseignante en sciences politiques, croit savoir de son côté que «la visite de Hollande constitue l'opportunité idéale pour l'Algérie d'exiger la repentance».